2006 - Armando (13 ans)

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Il y a des périodes de la vie où on est vraiment bête ; et des périodes où on grandit vraiment vite. Je me sens toujours un enfant, bien sûr, mais quand-même beaucoup moins stupide qu'avant. L'an dernier, en entrant au collège, tout ce que je voulais c'était être populaire. C'était vraiment stupide. Je croyais savoir ce que je voulais ; je pensais que si tout le monde y aspirait ce n'était pas pour rien. Je pensais qu'il y avait un lien entre le fait d'être bien dans sa peau et celui d'être aimé par les autres, que l'un signifiait l'autre et inversement. C'était faux. C'était stupide. J'étais bête. Mais, encore par hasard, je m'en suis sorti.

Anna m'a quitté parce que je n'avais pas confiance en moi : exactement comme je l'avais prédit. Je ne sais même pas pourquoi j'ai attendu qu'elle me quitte, alors que je savais que notre relation était vouée à l'échec et que je ne me sentais pas à ma place avec elle. J'ai attendu qu'elle me quitte : probablement pour ne pas être responsable, moi, de l'échec de notre relation. Mais je sais bien qu'au fond j'en suis responsable. J'ai essayé d'être aimé en présentant une image qui n'était pas la mienne. Et j'ai aimé Anna en espérant trouver en elle une autre facette de sa personnalité, qui en fait n'a jamais existé. Anna, elle n'a pas de doutes et d'insécurités ; peut-être que sa confiance en elle fait partie de ce qui m'a attiré au début, mais au final c'est ce qui fait que ça ne pouvait pas coller. On était trop loin l'un de l'autre pour pouvoir se comprendre et partager un lien réel. Et ce n'est pas comme si j'avais pu aspirer sa confiance en elle : être avec Anna me faisait juste culpabiliser de ne pas pouvoir être un peu plus comme elle.

Anna m'a quitté, et j'ai eu la chance de tomber sur Séréna. Séréna, qui m'a aimé et consolé. Séréna, qui m'a aimé en aimant le petit Armando que je suis réellement. Séréna, comme la sérénité. Séréna, elle apporte la paix dans ma vie : et c'est bien tout ce dont j'ai besoin. Le secret du bonheur, ce n'est pas d'être populaire et sans cesse dans un tourbillon de couleurs. Le secret du bonheur, c'est juste de chercher ce dans quoi on se sent bien et d'y rester. Je ne suis pas un gars cool : je suis un gars qui aime la sécurité, les habitudes, et tout ce qui est rassurant. Peut-être qu'il n'y a pas de honte à ça. Peut-être que j'avais juste besoin de l'accepter. Séréna m'a appris à l'accepter. En tombant amoureux d'elle, j'ai aussi appris à m'accepter moi-même.

En plus de m'apprendre à m'accepter comme je suis, Séréna m'a donné le secret pour ne plus être paralysé par le manque de confiance en moi. Juste une petite phrase à se répéter. Cette crainte de ce que les autres vont penser de moi qui peut être paralysante ; elle se fait beaucoup moins forte quand je me mets à penser « Tu n'es pas le centre du monde. » Séréna m'a suggéré cette phrase, et je n'ai vraiment eu aucun mal à l'intégrer cette phrase : forcément, j'ai toujours eu la sensation que les gens n'en ont rien à faire de moi et que je ne suis pas intéressant. Pourquoi alors avoir peur de prendre la parole et de dire une bêtise ? Quand les autres le font, on le remarque à peine la plupart du temps, ou en tout cas on ne s'en souvient pas longtemps. Alors pourquoi quand c'est moi, ce serait marquant ? Effectivement, me répéter « Tout le monde ne pense pas autant que moi à ma petite personne » est très efficace pour arrêter d'être convaincu que les gens pensent que je suis un nul ou un imposteur.

Je ne pense plus que les gens ont une opinion négative de moi et me considèrent comme un raté. Je pense juste qu'ils s'en fichent ; et je crois que ça me convient très bien. Alors oui, j'ai grandi. Je suis passé du gars qui rêve d'être populaire à celui qui déplore de l'être, et maintenant je suis moi : Armando, le gars qui a enfin trouvé sa sérénité.

On ne naît pas âmes sœurs, on le devientWhere stories live. Discover now