2008 - Amandine (15 ans)

62 15 0
                                    

Je crois que je m'aime. J'ai fait le choix de voir mes défauts comme des qualités ; ce qui n'est peut-être pas toujours idéal, mais en tout cas probablement moins nocif que le choix que j'ai fait pendant trop longtemps de voir mes qualités comme des défauts. M'aimer, c'est choisir le point de vue sur moi-même qui me permet de me voir positivement. Chaque personne est unique et c'est ce qui fait la richesse de l'humanité : j'en suis décidément convaincue ! Mais reste toujours l'idée que les autres ne voient pas les choses de la même façon que moi, qu'eux ne croient pas à la relativité des traits et ne valorisent pas les mêmes que moi. Reste toujours l'idée que selon leurs critères je ne serais jamais assez bien, qu'ils ne sauront jamais voir la personne je suis, me comprendre, reconnaître que j'ai de la valeur. Alors j'ai encore du mal à aller vers eux, parce que je reste convaincue que ça ne les intéresse pas de me connaître, de me parler, et que je vais déranger.

Malgré ça, quand je me montre c'est toujours telle que je suis réellement. Parce que je ne verrais pas l'intérêt d'être aimée pour quoi que ce soit d'autre que pour qui je suis réellement. Je réfléchis beaucoup sur moi, je suis pleine d'insécurités, je sais que les traits de caractère peuvent être vus sous deux côtés, j'ai peur qu'on me voit de façon négative, j'ai peur qu'on croit que je me vois de façon trop positive. Mais au final je m'aime comme je suis, j'aimerais qu'on m'aime comme je suis, et je me montre telle que je suis. Alors, j'essaye de trouver des astuces pour arriver à concilier ces deux aspects.

Comme je veux me montrer comme je suis mais sans qu'on croit que je me vois de façon trop positive, je dis des choses sur moi-même en m'en moquant. Ce n'est pas m'enfoncer ni rien. C'est plus une attitude du type « J'assume qui je suis, mais je suis consciente que ça peut être vu sous un aspect négatif même si en fait moi je m'aime comme ça. » Ça, c'est l'idée. Mais en fait ce n'est probablement pas l'image que je renvoie. Des fois, je crains que les gens ne voient pas la moquerie, pas l'ironie ; que je suis en train de devenir une parodie de moi-même. Je crois qu'ils pensent que je me prends vraiment au sérieux, quand je suis en train de jour à exagérer mes propres traits pour signifier que je réalise ce qu'ils peuvent avoir de ridicule.

Il y a des fois où être ridicule ne me dérange pas. Il y a des fois où j'arrive complètement à assumer mes actes tout en sachant qu'ils semblent ridicules : et ça, c'est un gros progrès. Par exemple, pour le brevet blanc, j'ai pleuré alors que j'avais eu dix-sept sur vingt en mathématiques. Tout le monde s'est fichu de moi, mais moi j'ai assumé mes larmes. J'étais dégoûtée parce qu'on m'avait enlevé des points pour l'orthographe, et que c'était injuste. Depuis-quand on enlève des points pour l'orthographe en mathématiques ? En plus, ceux qui ont eu des mauvaises notes, ils ont aussi fait des fautes d'orthographe mais eux n'ont pas eu de malus pour ça. C'était injuste, point barre. Je ne supporte pas l'injustice ; et ça, c'est une facette de moi que je trouve positive. J'aimerais juste être une personne plus forte et moins angoissée, pour pouvoir protester contre l'injustice autrement qu'en pleurant.

Tout me fait pleurer ; tout ce que j'interprète comme une confirmation que je n'arriverais jamais à trouver ma place et à me sentir bien dans ce monde. C'est juste désespérant ; d'autant plus que je ne crois pas qu'il existe d'autre monde que celui-ci. Je me mets à pleurer dans les moments où je n'arrive plus à me sentir assez forte pour croire que je peux réussir à être heureuse un jour. Je me mets une pression monstre. Mais je n'arrive pas à faire autrement. Le temps passe, et on ne peut rien contre ça. Le temps passe, on n'a qu'une seule vie, et on se doit d'en tirer profit. J'ai envie de grandir, de me construire, d'avancer, de progresser, de créer des choses. Je ne supporte pas de stagner ou, pire, de régresser. Même d'avancer c'est difficile à vivre, quand ce n'est pas assez vite à mon goût.

Je vois bien que je progresse pourtant : j'apprends à m'aimer, à m'accepter, à m'assumer. Mais ce n'est toujours pas assez : je n'ai plus honte de moi et pourtant je continue à me cacher, à ne pas me montrer. Je sais que je suis la seule responsable de la personne que je suis et de celle que je deviendrai. Je sais que j'ai tout les éléments entre mes mains pour faire quelque chose de bien. Et pourtant, il y a quelque chose qui me bloque, une peur intense, une impression d'interdit, de danger. Je veux juste détruire ces sentiments là. Il-y-a les moments où j'arrive à croire qu'un jour j'en serais capable, et ceux où le moindre truc qui cloche devient une confirmation de l'idée que je n'y arriverais jamais, que c'est impossible, et que je ne peux rien faire d'autre que fondre en larmes.

On ne naît pas âmes sœurs, on le devientWhere stories live. Discover now