Chapitre 2

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Voilà maintenant un mois entier que je croise cet inconnu tous les soirs, sans exceptions.
Chaque soir, il monte une station après la mienne et s'installe en face de mon siège. Chaque soir, il me fixe avec un sourire en coin toute la durée du trajet. Chaque soir, je tente de me concentrer sur ma musique et oublier ce mec étrange. Chaque soir, je me questionne un peu plus sur lui.

Il n'a jamais re-tenté de me parler. Seulement des regards très peu discrets et des sourires francs.

Voila ce qui m'a frappée chez lui, sa franchise. Il ne dit rien pourtant. Il a juste l'air vrai, il a juste l'air lui.

Je grimpe dans ce bus. Je me surprends presque à penser à lui. Il devrait monter dans ce bus dans très peu de temps.

Bizarrement, lorsque le bus ouvre ses portes. Il n'est pas là. Seulement un homme âgé d'une cinquantaine d'années mais pas de fou aux cheveux longs en vue.
Étrange.
Est ce qu'il ne viendra plus jamais ? Est ce qu'il a eu un problème ?

Je chasse ces pensées de ma tête. Je ne vais pas commencer à m'intéresser à lui non plus. Et puis, c'est pas comme si on était amis. Juste que je commençais à m'habituer à sa présence.

Je sors du bus à mon arrêt, encore troublée de cette disparition soudaine.

Je pénètre dans mon petit appartement et vais immédiatement dans la chambre de Oana.
Je découvre son doux visage endormi et un petit sourire ornant ce dernier.
Je remonte légèrement sa couverture afin qu'elle n'attrape pas froid et replace son doudou à ses côtés.
Elle le trimballe partout son doudou. C'était un cadeau de mes parents. Un petit lion maintenant bien abîmé.

Je lui chuchote que je l'aime avant de me coucher pour trois petites heures.

À mon réveil, la première chose qui me vient a l'esprit, c'est lui. Est ce qu'il sera là ce soir ? Ou est ce qu'il a disparu à tout jamais ?

Ces questions hantent ma journée alors qu'elles ne devraient pas.
Cependant, j'arrive à trouver une explication logique à l'omniprésence de ce fou. Tout simplement, ma vie est faite d'une routine. Ce jeune homme vient perturber mon quotidien dans lequel, qu'il le veuille ou non, il a pris une place. C'était un rituel de le croiser sur mon chemin.

Je monte encore une fois dans ce bus et attends patiemment le prochain arrêt. Les portes s'ouvrent et il n'est toujours pas là.

Le bus redémarre. Je ne sais pas si je suis déçue. Sûrement pas. Seulement que ce mec me faisait rire. Il me fixait pendant 30 minutes sans jamais me quitter des yeux. Alors oui, j'ai été mal à l'aise plus d'une fois. Mais le petit sourire qu'il réprimait lorsque je tentais de l'ignorer en fixant le paysage me procurait une sensation étrange. Quelqu'un d'autre que ma soeur m'apportait de l'attention.

Depuis que j'ai la garde d'Oana, je n'ai plus eu de relations sérieuses. Lorsque qu'on doit s'occuper d'un enfant et travailler pour subvenir aux besoins de sa famille, l'amour passe après.
Ça peut paraître triste, je sais. J'en souffre sûrement. Je crois que j'ai toujours ressenti le besoin de plaire, aussi dur que c'est pour l'accepter. J'ai toujours aimé plaire. Mais pas plaire en dévoilant mon corps ou en jouant un rôle.
J'aime plaire en étant moi même. J'aime l'attirance que deux êtres peuvent éprouver naturellement. J'aime quand un homme est attiré par mon côté un peu ronchon et renfermée.
Physiquement, je ne suis pas la mieux. Je ne suis franchement pas la pire. Je n'ai jamais aimé plaire pour mon physique. Je trouve celà futile.
Après, pour les histoires d'un soir, c'est rarement autre chose que l'apparence qui prime. On s'y fait. J'aime plaire, j'aime les hommes. Avec modération.
Comme je l'ai dit, depuis Oana c'est calme. J'ai couché avec quelques garçons une fois ou deux et encore... C'était compliqué avec mes horaires. J'ai abandonné les relations stables qui durent. Pas que ça ne soit pas pour moi, seulement que je ne peux pas gérer deux choses aussi importantes à la fois.

Le bus s'arrêta soudainement et je vis une casquette parcourir à une vitesse fulgurante la route. Les portes s'ouvrirent pour la seconde fois et lui laissèrent place. Il était là.

Il me fit un grand sourire auquel je répondis discrètement. Il paraissait fier de lui. Lorsqu'il vint s'assoir en face de moi, je retirais mes écouteurs.
J'étais quand même contente de le revoir et de reprendre ma routine tel qu'elle était.

- Tu m'attendais ? demanda-t-il.

Sa voix me troubla. C'était perturbant. J'avais complètement oublié sa voix et mon cerveau lui avait créé une voix enfantine. Pas que la sienne dégageait une virilité poignante, mais elle se démarquait par le ton insolent que son propriétaire lui donnait.

- Plus ou moins, répondis je.

Il eu un mouvement de recul avant de froncer les sourcils.

- Tu viens de me répondre là ?

- Tu préfères peut être que je reste dans mon mutisme...

- Non, non, non. Pas du tout ! T'as une jolie voix.

Je lève les yeux au ciel d'un geste concis sans lui répondre pour autant.

- Oh nan. Sérieux là ? Ça fait un mois je me demande comment te parler et là tu m'ignores ? Putain.

Je l'écoute se plaindre tout en démêlant mes écouteurs. Une fois cette tâche effectuée, je les insère dans mes oreilles et tente de ne plus me concentrer sur lui.

Ça lui apprendra à ne pas venir une nuit et de me pousser à l'inquiétude.
Connard.

Passion.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant