Chapitre 1

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Comme chaque matin depuis 4 ans, je me réveille à l'aube après une nuit harassante de travail.

Très peu de sommeil, comme d'habitude. On fait avec. En même temps, en finissant son travail de nuit à 4h et en commençant son travail de jour à 9h, on peut s'attendre à un manque de sommeil évident.

Je jette un coup d'oeil à mon réveil qui affiche 7h30.

Je me lève péniblement du canapé miteux qui me sert de lit et me dirige vers la seule et unique chambre de mon appartement, occupée par une jolie petite fille du nom de Oana.
L'amour de ma vie ou le soleil de mes nuits. Un seul de ses sourires suffit à égayer une journée monotone.

- Mon bébé... Il faut que tu te réveilles pour aller à l'école... lui murmurais je en caressant ses cheveux bruns.

Elle et moi étions les mêmes. Nous avions de longs cheveux noirs très raides et épais, de grands yeux noisettes très expressifs, une petite bouche avec un arc de cupidon très marqué et un nez avec une arête très droite à la grecque.

La petite furie bondit rapidement hors de son lit. Elle adore l'école, elle adore apprendre et connaître pleins de nouvelles choses. Je ne pense pas avoir de problèmes pour ses études dans le futur. Un rien la passionne.

Elle s'active vers la cuisine, maintenant bien plus réveillée que moi. Dure la vie quand la petite est hyper active.

- Allez Méloé ! On va être en retard ! Viens prendre le petit de déjeuner ! Allez ! me dit elle en ouvrant un placard pour attraper un pot de Nutella.

- Tu te sers dans mes placards comme ça toi maintenant ? Petite coquine ! dis je à mon tour en la faisant décoller du sol.

- Avion supersonic pour l'atterrissage ma capitaine ! Pioupioupiou ! crie-t-elle alors que je la dépose sur sa chaise.

Je me dépêche d'attraper un yaourt, une petite cuillère et du pain complet.

- Tu tartines, je mange, décide-t-elle.

- Et je mange quand moi ?

- Quand je décide.

- Sauf que c'est moi qui décide parce que c'est moi la grande.

Elle me tire la langue et je m'active pour étaler le Nutella sur sa tartine.

Une fois notre petit rituel du matin effectué, nous nous dirigeons main dans la main vers le chemin de l'école.

- Dis moi Mélo ? me demande-t-elle, soudain sérieuse.

- Oui ma chérie ?

- Tu crois qu'un jour, tu trouveras un namoureux ?

- Je veux pas d'amoureux Oana. Tu me comble déjà de bonheur et tout l'amour dans mon coeur il va pour toi.

- Mais tu comprends pas oh ! Des fois les papas et les mamans de mes copines, ils font des bisous sur la bouche et tout, et tout. C'est quand que tu trouves quelqu'un pour faire des bisous toi ?

- Tu vas te mêler de ta vie oui ? dis je en mimant de la gronder.

- Moi je suis namoureuse de Mathis parce qu'il est très très très gentil et qu'en plus il me dit des mots tout mignons.

Je souris.
Ma petite soeur tout craché ça.

- Mais il te dit quoi ton Mathis ?

- C'est un secret ça Madame, dit elle en prenant un air de petite peste.

- Ah ouais ? Même pas à moi tu le dis ?

- Tu comprendras quand tu trouvera un namoureux qui te dis des mots tout doux quand tu es triste et qui te fais des gros câlins.

- Mais tu es triste toi ? T'as besoin d'un gros câlin ?

- Non, je suis très contente. Mais j'essayais de faire que tu te trouves un namoureux plus vite.

- Pourquoi tu veux que je trouve un amoureux ?

- Bah pour que tu sois heureuse ! Logique ! Bonne journée, à ce soir !

Elle me fait un coucou de la main avant de s'engouffrer seule dans l'école.

Elle ne me trouvait pas heureuse.
Ça se voyait tant que ça ?
Alors oui, je suis très fatiguée à cause de mes deux jobs pour subvenir à nos besoins mais jamais je n'aurai pensé que ma tristesse se voyait.
J'ai toujours fait en sorte de ne pas la montrer. Elle est enfouie, bien enfouie. Et puis, je ne suis pas triste. Seulement déçue.
Enfin bon, il faut savoir vivre avec. Plus facile à dire qu'à faire. Maintenant 4 ans, il faut oublier un moment. Stop. Aller de l'avant.
Ce n'est même pas pour moi que je suis triste, c'est pour elle.

Mes pensées s'arrêtent nettes quand je me rends compte que je dois me presser d'aller travailler dans un petit supermarché du centre ville.

Ma journée fut l'une des plus basiques. Travail en caisse, fin vers 14h, rentré a l'appart, repas, sieste, réveil, récupération d'Oana à l'école, retour à l'appart, goûter, jeux et occupations, douche, dîner, histoire et bavardages, coucher.
Voilà ma routine.

Après le coucher de la petite, ma journée est loin d'être terminée. Aux alentours de minuit, je quitte mon chez moi et enfile mon tablier de serveuse dans un bar à une demi heure de chez moi.

J'ai beaucoup culpabilisé de prendre cet emploi en plus. Mais mon job de caissière à mi-temps ne pouvait pas nous permettre une vie décente. Alors me voilà entre minuit et quatre à servir dans ce bar. J'y bosse depuis maintenant trois ans et je n'ai jamais eu aucuns problèmes. Ni avec la patronne, ni avec les clients.
Mon seul problème, c'est Oana. Je laisse toute seule une enfant de 5 ans. C'est complètement irresponsable mais je n'ai pas d'autres solutions.

Une fois mon service achevé, je prends un bus de nuit pour rentrer chez moi. Par chance, ce dernier arrive rapidement et je grimpe dedans pour rejoindre ma petite brune préférée en priant pour qu'elle ne se soit pas réveillée. D'habitude, elle a le sommeil lourd mais je ne suis pas à l'abri d'un cauchemar qui viendrait la troubler.

Je lance la même playlist que chaque nuit et me concentre sur les rues qui défilent sous mes yeux.

Pourquoi est ce que moi non plus je ne quitte pas Paris pour m'installer dans un endroit bien moins onéreux ? Pourquoi moi non plus je ne fuis pas ?

Je le fais pour elle. Tous ce que je fais, je le fais pour Oana et uniquement pour elle. Je vis pour elle, je mourrai pour elle.
Malgré son jeune âge, elle est amoureuse de Paris. Et de Mathis soit dit au passage. Son activité préférée est marcher dans Paris sans destination précise. Quoi que, elle a une passion pour la Seine et cette jolie dame bleue est souvent le lieu où nos ballades s'achèvent.

Un garçon vient occuper le siège en face de moi. Le même jeune homme qu'hier. Cette fois ci, il se contente de me regarder sans ouvrir la bouche. Un fou silencieux fait presque plus peur qu'un fou qui parle.
Sa casquette vissée sur sa tête m'empêche presque de voir ses yeux. Sa tenue est sensiblement la même que la veille et son air triste aussi. Triste ou juste vrai ?
Il y a quelque chose qui ne ment pas en lui. Ça se sent. Ça se sait.

Il va pour ouvrir la bouche mais je lui fais un non de la tête. Une demande silencieuse qu'il a bien comprise.

Je me replonge dans cet univers magnifique de la musique sans m'attarder plus que cela sur le fou à la casquette.

Ma station ne tarde pas à arriver et je m'en vais rejoindre ma princesse.

Passion.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant