33 ⏤ LETTRE

626 123 8
                                    

 
TRENTE
TROISIÈME
LETTRE
 

salle commune des gryffondors

❝Maman,

Si on devait représenter la vie par un trait infini, il ne ressemblerait pas à un trait. Il se diviserait, s'entortillerait, monterait doucement pour faire un flop spectaculaire par la suite, freinerait, stagnerait, s'écraserait pitoyablement en dehors de la feuille de papier ou tracerait parfaitement de jolies courbes amoureuses.

C'est presque évident comme concept - et si tu étais là tu me passerais peut-être la main sur le crâne en te moquant de moi : « tu es une grande philosophe, ma fille ! ». Pardonne-moi, j'ai pas les idées claires et j'ai les mots que je dois tirer de ma gorge pour les mettre sur ta lettre. Mais ce matin, tu vois, l'esprit un peu brumeux, j'ai réussi à réaliser deux choses - et je ne comprends toujours pas pourquoi j'ai mis autant de temps à les réaliser - que je suis prête à t'énoncer.

Je pense que je ne suis pas une bonne fille. Je te reproche tout le temps plein de choses, je te dis que je me sens pas à la maison dans tes bras, je te remplace par une bouteille de whisky pur feu, et je me saoule devant des petits. Tu ne serais pas très fière de moi.

Je pense que tu n'es pas une bonne mère. Tu ne me parles jamais, je sais pas où tu es dans ce monde, tu as quitté papa quand j'avais neuf ans, tu disparais en pensant m'infliger une blessure facile à guérir. Tu me déçois.

Pourtant, j'ai besoin de toi, et tu n'as pas besoin de moi. J'ai besoin d'écrire ces fausse lettres à cette fausse maman pour garder ton souvenir (aussi horrible soit-il).

Pourtant, je n'arrive pas à être en colère contre toi. Ta mémoire m'est presque rassurante, ironiquement. Le trait de ma vie se rappelle parfois de ton nom. Le dessin tremble un peu quand je pense à toi, que ce soit de la tristesse ou du réconfort que je trouve dans ton souvenir. Mais rien de plus.

J'ai l'impression d'être coincé dans un état ou rien n'est gris : soit tout est blanc, soit tout est noir. Soit j'ai espoir en ce que je suis, soit je m'effondre au premier échec. Soit j'ai des coups de joie, soit j'ai des coups de blues. La vie d'adolescente se montre bien crevante, dans ce sens.

Ascenseur émotionnel.❞

Emma main dans ta gueule ⌲ POUDLARDOù les histoires vivent. Découvrez maintenant