HOMELESS (Tome 1)

Chapitre 37

Paupières closes, je me répète ce mantra jusqu'à m'en persuader. Lorsque je les rouvre, je fixe non pas Nate mais la table basse, comme pour me donner du courage.

-Ils ont forcé mes parents à se marier, et à me garder. C'était comme une punition pour avoir fait une bêtise, j'en ai l'impression. Et puis... La même année, le frère de ma mère a quitté sa famille, il disait en avoir assez. Ma mère n'a pas voulu se rebeller à son tour contre ses parents, j'imagine. Seulement, elle a dû arrêter ses études d'avocat pour faire autre chose, une fois la grossesse terminée.

Les larmes se sont mises à couler de nouveau sur mes joues. J'ai le sentiment de ne faire que ça, aujourd'hui ; mes yeux ont tant pleuré que ma gorge me brûle et qu'un mal de crâne s'est installé au niveau de mes tempes.

-Voilà ce que je suis, pour eux, conclus-je. Une simple erreur, et une punition.

-Oh, Ivy...

J'enfonce la tête dans mes mains afin d'étouffer les pleurs qui me secouent de nouveau. Je pensais qu'en parler me ferait du bien, m'aiderait, mais c'est tout le contraire. Au lieu de me sentir libérée, c'est comme si un poids de plus s'était posé sur mon cœur, l'écrasant encore plus. Nate me reprend dans ses bras, mais je suis incapable de réagir.

Je voudrais que tout s'arrête. Je ne demandais pas grand-chose, après tout. Juste d'être aimée par mes parents, comme la plupart des enfants. Ils ne m'ont jamais frappée, mais leur mépris est suffisant pour me faire mal. Chaque regard dédaigneux, chaque reproche fait, brisait la petite fille qui ne souhaitait qu'être acceptée par ceux qui lui ont donné la vie.

Ils me tiennent responsable de ce qui leur est arrivé, et cela me tue. Comment pourrait-ce en être autrement ? Depuis leur annonce, je n'ai que cette image en tête, dès que je les vois : « coupable. » Mais je n'ai jamais demandé à naître, je n'ai jamais rien fait de tout cela.

-Ivy, écoute-moi, murmure Nate d'une voix ferme.

Il a recommencé à me caresser les cheveux, dans l'espoir de me calmer, sans doute. Je lève la tête vers lui, les yeux ruisselant de larmes, reniflant.

-Il faut que tu saches quelque chose. De très important. Et que tu te l'ancres dans le crâne. D'accord ?

J'acquiesce, intriguée. Il attrape mon menton et me force à le regarder dans les yeux. La haine que j'y lis a remplacé la peine qui habitait ses iris il y a quelques minutes, et la dureté de ses orbes me fait frémir.

-Tu n'es en aucun cas responsable de ce qui s'est passé entre tes parents, déclare-t-il fermement. Je ne sais pas exactement ce qu'ils t'ont dit ou ce qu'ils t'ont fait comprendre au fil des derniers mois – voire même des dernières années – dans le but de te faire croire que tu es coupable de la tournure qu'a pris leur vie, mais quoi qu'ils aient dit, c'est faux. Tu n'y es pour rien là-dedans, Ivy. Ce n'est pas ta faute si tu es née dans cette famille, ni si tu étais un accident. Ce n'est pas non plus ta faute s'ils ne t'aiment pas. Mais ils n'ont pas le droit de te persuader que tu ne vaux rien, ou que tu es responsable de certaines choses. Tu n'as rien fait. C'est compris ?

La douceur de sa voix contraste avec la dureté que je lis dans ses iris. Je hoche la tête en silence, soufflée par les mots de mon ami. Et sur le point de me remettre à pleurer, également. Jamais, de toute ma vie, quelqu'un n'a été aussi présent que lui pour moi. Et cela me touche particulièrement.

-Tu es quelqu'un de génial, poursuit Nate. Ne les laisse pas t'avoir comme ça, d'accord ?

-Promis.

Il sourit de toutes ses dents, rassuré, et se lève.

-J'ai demandé à Bruce et Gemma de venir, ça te dérange ? J'ai pensé que ça te ferait plaisir, de voir un peu de monde pour te changer les idées.