Chapitre 13

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J'ai un mouvement de recul instinctif. La fille ne cherche pas à me retenir ; au contraire, elle croise les bras sur sa poitrine, le regard hautain, alors qu'un sourire moqueur s'étend sur ses lèvres maquillées. Son sourcil droit se hoche narquoisement, comme si elle se sentait supérieure à moi. Pense ce que tu veux, ai-je envie de lui répondre. Elle est seule, contrairement à la dernière fois, où ses amis traînaient dans son sillage.

Je sens la présence de Gemma dans mon dos, et bien que je ne sois pas peureuse, face à cette fille aux cheveux couleur d'herbe, je suis heureuse que mon amie soit avec moi. A mon tour, je soutiens son regard, sans pour autant comprendre ce qu'elle me veut.

-Ça sent le roussi, ça, commente Gemma derrière moi.

L'autre l'ignore.

-Qu'est-ce que tu veux ? demandé-je après un moment.

Cheveux Verts passe la langue sur ses lèvres, comme si elle se délectait de l'instant, avant que ses yeux ne me fusillent sans un bruit. Je ne cille pas, à son grand désarroi.

-Ce que je n'ai pas eu la dernière fois, lâche-t-elle d'une voix rauque.

-C'est-à-dire ?

Je fronce les sourcils, alors que Gemma me tire par la manche de mon manteau.

-Viens, murmure-t-elle. On s'en va. Ce n'est pas une bonne idée de rester ici.

Je me dégage doucement, mon regard toujours ancré dans celui de l'autre fille.

-Je parle de ton fric, relance-t-elle en s'approchant dangereusement près. Tu en as beaucoup, tu dois pouvoir partager, n'est-ce pas ?

Cette fois-ci, mon sang se givre dans mes veines, tandis que le souvenir de l'autre jour, de ce qui s'est passé en cours, me revient en mémoire. Elle ne lâche donc pas l'affaire... Gemma avait vu juste, apparemment. Mal à l'aise, je déglutis, tentant de masquer mon trouble. La fille s'approche plus près encore, si bien que je sens son odeur, un mélange de tabac froid et d'autres substances illicites.

-Je te fais peur, n'est-ce pas ? souffle-t-elle d'un ton ironique. Toi qui viens des quartiers riches et d'un bahut friqué, tu ne sais pas ce que sont des gens comme moi, si ?

Malgré moi, je ne peux m'empêcher de faire un pas de recul, le cœur tambourinant à toute allure dans ma cage thoracique. « Je n'ai pas peur, me répété-je. Rien ne va m'arriver. » Cependant, je commence à en douter fortement. Je plisse un instant les paupières, chassant de mon esprit toute forme d'inquiétude.

-Pourquoi est-ce que tu me ferais peur ? parviens-je à répliquer.

Autour de nous, les lycéens passent en nous dévisageant, certains grimaçant en direction de Gemma. Un frisson me parcourt l'échine, alors que mon mal être revient éperdument. Je me force à inspirer longuement afin de ne pas céder à la peur. Cette fille ne va pas me faire de mal. Elle ne peut pas. Ses lèvres se fendent en un nouveau sourire hautain, avant qu'elle ne reprenne la parole.

-Parce que je pourrais te détruire, assène-t-elle froidement. Tu n'as rien à faire ici, petite bourge. Et je vais te le faire comprendre rapidement.

-Fous-lui la paix, intervient Gemma. Ivy, viens, on s'en va.

Elle me prend le bras avant de s'éloigner. Je n'éprouve aucune résistance, cette fois-ci. A vrai dire, je suis incapable de formuler une pensée cohérente. Je suppose que je dois être sous le choc, bien que la raison me paraisse futile. Je ne ressens même pas la sensation de marcher, je ne sais même pas où Gemma m'emmène. Ce n'est que lorsque nous arrivons au bout du couloir, dans un coin plus calme, que je me rends-compte de l'endroit où nous nous trouvons. La récréation n'est pas encore terminée, car de nombreuses personnes vont et viennent près des casiers métalliques qui s'appuient contre les murs.

HOMELESS (Tome 1)Where stories live. Discover now