Chapitre 31

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En sortant de contrôle d'Histoire, au lieu d'attendre Nate, comme j'en ai pourtant l'habitude, je me hâte de sortir de l'enceinte du lycée. Il m'en voudra sûrement, mais qu'importe : aujourd'hui, autre chose de plus important m'attend. Et d'amplement plus angoissant, aussi.

Björn est déjà sur le parking lorsque j'arrive, appuyé contre une voiture noire de marque. Je fronce le nez en l'apercevant, son véhicule contrastant un peu trop avec les autres voitures des lycéens.

-Une Mercedes, rien que ça ! me moqué-je quand je parviens à son niveau. J'imagine que les clefs étaient dans un boîtier en or, non ?

Björn s'esclaffe, secouant la tête.

-Je te la donne, si tu veux. Je ne crois pas en avoir besoin avant... un long moment.

Il ne le dit pas, mais derrière ses paroles, je devine sans peine qu'il sait qu'il ne reviendra pas. Il a pris sa décision : aujourd'hui, il s'envole enfin loin d'ici, de cette vie qui ne lui correspond plus.

-On y va ? demande-t-il en remarquant que je reste silencieuse.

Distraitement, je hoche la tête avant de grimper dans la voiture. Même si ce n'est pas moi qui pars, savoir qu'il s'en va me rend anxieuse. Tandis que le blond fait rugir le moteur, je triture mes doigts, mal à l'aise. Mon ventre est noué sous l'appréhension. Timidement, je tourne la tête vers mon ami. Il sifflote joyeusement l'air qui passe à la radio, tapant sur son volant en rythme. On ne dirait vraiment pas qu'il s'apprête à partir loin, c'en est perturbant.

-Tes parents ne se doutent toujours de rien ? m'enquis-je après un long moment sans paroles.

-Ils croient que je suis parti faire des courses, réplique Björn, un sourire aux coins des lèvres. J'ai pris soin d'effacer toutes les preuves éventuelles, ne t'en fais pas.

-Tu leur a laissé une lettre, tout de même ?

Mon ami hausse un sourcil interrogateur dans ma direction.

-Bien sûr que oui ! Ils seraient capable d'appeler la police, s'ils ne savaient pas où j'allais.

-Ils ne risquent pas de te chercher, en sachant que tu pars ?

Cette fois-ci, il éclate de rire.

-C'est grand, l'Afrique, Ivy. Comment veux-tu qu'ils sachent où me trouver ? Je ne serai qu'un petit point dans cet immense continent. Je serai en sécurité, là-bas.

Je n'ajoute rien, et nous terminons le trajet jusqu'à l'aéroport dans le silence. Björn se gare sur le parking déjà bondé, et nous sortons, avant qu'il ne prenne un petit sac à dos dans le coffre du véhicule. Frissonnant, je resserre les pans de mon manteau autour de moi. La neige a presque fondu, et le ciel est bleu : à priori, rien ne pourra empêcher le jeune homme de partir.

-J'espère que tu as pris un indice cinquante, pour ta crème solaire, annoncé-je, parce qu'il fait sacrément chaud, là-bas.

Pour toute réponse, Björn sort un paquet de son sac, ainsi que des lunettes de soleil.

-Je suis paré pour la chaleur, pas de problème !

-Touriste, me moqué-je.

Il me tire la langue, et j'éclate de rire.

J'attends quelques pas en arrière alors qu'il valide son billet et laisse son sac dans la soute de l'avion. Puis je l'accompagne vers les portes d'enregistrement, tandis qu'autour de nous, une voix retentit, nous expliquant que les passagers doivent se rendre à l'embarquement.

Lorsque je vois les barrières de douane se dresser devant nous, je sais qu'il est temps que je parte ; je ne peux pas aller plus loin que cette zone. En me mordant la lèvre, je lève les yeux vers l'écran indiquant l'heure des départs. Il reste encore plusieurs minutes avant que Björn ne soit contraint à partir.

HOMELESS (Tome 1)Where stories live. Discover now