Chapitre 39

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IVY


Nate débarque au sous-sol et pose un tas de feuilles et de livres sur la table basse, laissant un bruit sourd se répandre dans la pièce. Surprise, j'en sursaute presque, avant de me tourner vers lui, les sourcils froncés.

Il ne me regarde pas, cependant, les yeux rivés sur les papiers qu'il vient de jeter. A mon tour, je m'y intéresse vaguement, intriguée par ce dont il pourrait s'agir. Et je me recule vivement en remarquant qu'il regarde déjà des appartements.

-Tu t'y prends tôt, remarqué-je en reportant mon attention sur la télévision.

-On est en mars, Ivy. Il serait tant que tu t'y mettes, toi aussi.

J'arque un sourcil dans sa direction.

-Mon merveilleux père va sans aucun soucis me trouver un appartement à Stockholm, ne t'inquiète pas, rétorqué-je avec sarcasme.

Il me frappe le front avec un pile de feuilles, que je tente d'esquiver sans succès.

-Tu devrais te battre pour ce que tu veux vraiment, au lieu de réagir comme ça, lâche mon ami après quelques minutes de silence.

Mes épaules se soulèvent dans un geste désinvolte. A quoi bon ? Je sais pertinemment que mon avenir est dans les mains de mes parents. Ça s'est bien vu, à mon anniversaire : il est hors de question pour eux que je suive les études qui me correspondent. Je n'ai qu'à accepter cette fatalité, non ?

-Il n'est pas trop tard pour que tu postules dans des écoles d'art, poursuit Nate. On n'a qu'à chercher aujourd'hui.

-Ils ne voudront jamais. Et même si je suis prise, ils me déshériteront, et je n'aurai aucun moyen de payer l'école et le loyer. C'est peine perdue.

-Tu ne fais aucun effort, Ivy.

Le ton accusateur de sa voix ne me surprend pas le moins du monde. Je sens que je l'énerve, mais cela m'importe peu. A vrai dire, plus rien ne m'importe, en ce moment. Je sais pertinemment que lorsque je rentrerai chez mes parents, cet été, ils me reprocheront tout un tas de choses et m'enverront faire des études de Droit dans la capitale. A force, je m'y suis résignée, c'est tout.

Nate soupire et se passe la main dans les cheveux, l'air agacé par mon attitude.

-Tu sais, tu n'es pas la seule à vivre un rejet par tes parents, relance-t-il d'une voix plus adoucie. Ça arrive plus fréquemment qu'on ne le pense. Et c'est traité dans certains livres. Clarissa était en train d'en lire un de ce genre, l'autre jour. Dedans, on apprend que la mère du personnage principal ne l'aime pas, et qu'elle l'accuse de tous les malheurs de sa vie. Comme toi, elle n'a pas été désirée. Elle rejette sans cesse la faute sur sa fille, et celle-ci ne fait que de culpabiliser. Et tu sais ce qui se passe, à la fin ?

Je secoue la tête distraitement. En quoi écouter cette histoire – certes légèrement semblable à la mienne – peut-il m'aider ?

-A la fin du livre, elle laisse sa mère seule, et elle part loin. Et à ce moment, elle arrive à se reconstruire. Parce qu'elle ne laisse plus les sentiments négatifs de sa mère influer sur elle. En partant loin d'eux, c'est ce que tu peux faire.

Dès qu'il termine son récit, je ne peux me retenir de lever les yeux au ciel. Il faudrait que je perde cette mauvaise habitude, mais je n'y parviens pas.

-Ils ne me laisseront pas partir, Nate. Tu le sais aussi bien que moi.

-Mais merde, Ivy, réveille-toi ! hurle-t-il soudain en se levant, me faisant face. Où est passée la fille qui se rebellait contre tout le monde, qui m'a cassé les pieds au début de l'année pour un simple banc au lycée ? Où est-elle, maintenant ? Si tu veux vraiment partir, tu sais que tu peux le faire. Ce ne sont pas tes parents qui te bloqueront ici, crois-moi. Tu es majeure, et tu as le droit de faire ce que tu veux de ta vie. S'ils sont un poison pour toi, alors élimine-les de ta vie. C'est ce que me disent toujours mes parents. Alors si les tiens te sont nocifs, tu dois t'éloigner d'eux, couper les ponts avec eux.

HOMELESS (Tome 1)Where stories live. Discover now