Chapitre 1

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Je fais tourner entre mes doigts la bouteille d'eau à moitié vide, les yeux dans le vague. Je ne sais pas réellement vers quoi sont tournées mes pensées. Peut-être à la rentrée de demain ? Au nouveau lycée qui m'attend ? A ces nouvelles têtes qui vont seulement m'inspirer de la moquerie ou, surtout, de l'indifférence ? Ou alors, sans doute pensé-je au fait que bientôt, je devrai rentrer chez moi ?

Je pousse un soupir, mes épaules s'abaissant au même rythme, et tends les bras vers le ciel afin de m'étirer.

-Tu en veux une autre ? demande Bruce.

Il me tend le paquet de cigarettes presque terminé. Fronçant le nez, je lui fais signe que non. Je n'aime pas tellement fumer, en réalité. Je le fais seulement car cela agace au plus au point mes parents.

-Dis, tu vas broyer du noir encore longtemps ?

Cette fois-ci, je fixe mon ami brun dans les yeux durant plusieurs secondes avant de répondre.

-Je ne broie pas du noir. Je réfléchis, c'est tout.

Il éclate d'un rire rendu rauque à cause des clopes.

-Non, tu broies du noir, encore plus que d'habitude. Ca va finir par te consummer.

-Comme la cigarette que tu fumes ? répliqué-je en prenant un air outré.

-Pas mal, la métaphore.

Je lève les yeux au ciel. Ce geste est devenu une mauvaise habitude que je ne parviens pas à chasser, depuis quelques mois.

Mon portable vibre dans ma poche, mais il ne s'agit que d'un message de mon opérateur. Au passage, mes yeux dérivent sur l'heure affichée, et un nouveau long soupir s'échappe de mes lèvres gercées. Avalant cul sec le reste de ma bouteille d'eau, je me tourne vers Bruce.

-Il faut que j'y aille, dis-je en descendant du muret.

-Déjà ?

Je suis à plusieurs mètres de lui lorsqu'il me propose de me ramener. Un sourire sur les lèvres, j'arque un sourcil, surprise.

-Dans ton tas de ferraille ? Tu es sûr que c'est une bonne idée ?

-Mon tas de ferraille est très bien, je te signale, réplique Bruce, vexé. Mais si tu préfères rentrer congelée chez toi, c'est comme tu le souhaites.

-C'est bon, j'arrive, soufflé-je.

La carcasse du fourgon de Bruce était rouge, à l'origine, d'après lui. Mais il y a eu tant de couches de peinture de couleurs différentes, par-dessus, qu'à présent, le véhicule est d'une sorte de vert kaki laid, s'effritant à plusieurs endroits. La portière grince lorsque je monte à l'intérieur, mais je me retiens de lancer une remarque sarcastique au brun, de peur de rentrer à pieds jusque chez moi. Il ne doit plus y avoir de bus, à cette heure-ci, et ma maison est située en périphérie de la ville, ce qui doit me fait une bonne heure de marche. Autrement dit, ce n'est pas un bon plan.

Je n'ai jamais compris pourquoi mes parents ont décidé de construire leur habitation loin du centre-ville. C'est tellement plus pratique ! Certes, il y a du bruit et un peu plus de pollution, mais la vie de la ville est agréable, tout de même. Comme le dit Bruce, les riches aiment être tranquilles et loin des classes populaires, après tout.

La tête posée contre le montant de la portière, je me laisse bercer par le ronronnement du moteur. Il a été changé il y a peu de temps, et contrairement au reste du fourgon, il est neuf et en bon état. C'est agréable à écouter, à peine audible.

Peu de temps après avoir quitté le stationnement, les immeubles du centre laissent place à des maisons modernes et modestes, toutes érigées dans le même style. Puis, plus l'on s'éloigne, moins les voitures se font présentes, jusqu'à ce que nous soyons seuls sur la route. Je ferme les yeux quelques secondes, profitant de ces derniers instants de liberté. J'ai passé l'été avec Bruce, et dès demain, nous ne nous verrons plus autant qu'avant, à cause des cours qui reprennent.

HOMELESS (Tome 1)On viuen les histories. Descobreix ara