- Partie 67 -

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        Gaëlle, étendue parmi les hautes herbes de la plaine, observait les lourds nuages gris se déplacer rapidement dans le ciel. Sa rencontre avec le druide la veille l'avait mise dans un état étrange. Comme si, quelque part au fond de sa tête, tout était devenu clair, mais que présentement, ce quelque part restait enseveli très profondément. Gaëlle réfléchissait. Elle ne savait pas précisément à quoi, mais elle réfléchissait assurément. Cela lui donnait l'impression d'observer son cerveau travailler à remettre en ordre des centaines de blocs d'information qui s'étaient empilés de travers depuis plusieurs mois. Le retour à la normale s'annonçait fastidieux, mais désormais Gaëlle avait au moins l'impression de progresser. Elle espérait seulement que le chemin qu'elle suivait la mènerait en un lieu plus harmonieux. Certaines choses étaient déjà plus claires. Par exemple, elle ne voulait plus faire de mal à personne et elle ne voulait plus ressembler à un monstre. Ceci était un point qui était clair.

- Veux-tu une autre pomme ? demanda une voix aiguë sortant d'un bosquet de fleurs non loin. Celle-là n'a pas de vers, enfin peut-être un, mais il semble tout petit.

- Non merci, remercia-t-elle poliment Palin.

Aujourd'hui, ils s'étaient tenus à l'écart des villages, Gaëlle ne se sentait pas disposée à voler. À direvrai, elle n'avait tout simplement envie de rien. Palin s'était contenté d'aller cueillir quelques fruits et champignons au bord de la forêt.

- Dommage que la saison des bleuets soit terminée, j'adore ces petits fruits bleus. Je connais un coin où ils deviennent aussi gros qu'un poing. Bien, disons comme un de mes poings, pas comme ceux de Galgaror. Tu aimes les bleuets ? demanda passionnément Palin.

- Oui, un peu, répondit distraitement Gaëlle.

Le débit incessant de Palin ne la gênait pas du tout, au contraire. Palin était la première personne depuis des mois qui lui parlait. Du moins, il était le premier qui lui disait autre chose que : fous le camp, hors de notre village monstre, ou laisse mes tartes tranquilles petite voleuse. Ne serait-ce que pour cela, elle appréciait sa compagnie.

- J'ai aussi quelques champignons. Tu en veux ? Les rouges ne sont pas bons, tu sais ! Un jour, le cousin germain de ma nièce... à moins qu'il s'agisse de l'arrière-petit-fils de la sœur de ma grand-mère, peu importe, avait mangé un de ces champignons rouges. Eh bien, le lendemain il était couvert de plaques vertes. Nous avons dû recourir au service d'un mage à l'autre bout du pays. Après une seule potion magique, pouf, il fut guéri.

Quelque chose cliqua soudainement dans la tête de Gaëlle. Lentement mais fermement, elle se tourna vers Palin, comme poussée par une soudaine révélation.

- Crois-tu que ces potions magiques pourraient me guérir ? demanda-t-elle avec un intérêt soudain.

- Heu... Je ne sais pas exactement. On dit que les mages peuvent faire à peu près n'importe quoi, si on laisse tomber assez de pièces d'or. Peut-être qu'ils en seraient capables, qui sait ? Il me reste encore quelques pièces, mais je doute que ce soit suffisant.

- On n'a pas eu besoin de pièces d'or pour aller chercher les robes, proposa Gaëlle en sous-entendu.

- Heu, non, effectivement. Mais là, on parle de magicien, ce n'est pas comme un simple chateau de campagne. Plein de choses circulent à propos des magiciens, tu sais ? On dit qu'un jour, un lutin qui avait joué un mauvais tour à un magicien a été transformé en lapin. Je n'ai rien contre les lapins, mais j'aime bien marcher sur mes deux jambes, s'inquiéta Palin.

- Que veux-tu qu'il m'arrive ? Je reçois des flèches dans le dos et je ne saigne même pas.

- C'est un avantage indéniable je dois avouer. Mais moi, je ne crois pas avoir cette chance, argumenta Palin.

- Il te suffit de disparaître et tu es hors de danger. Et puis, si nous sommes prudents, il ne peut rien nous arriver de très grave. Allez, ce sera amusant, invita Gaëlle.

- J'imagine que pour être divertissant, ça risque d'être divertissant. Les magiciens ont toujours plein de trucs étranges et mystérieux. En étant très prudents, il ne peut rien nous arriver de très grave. D'accord ! Il y a justement un magicien qui habite à quelques lieux d'ici dans une grande tour.

- Alors, allons-y ! annonça Gaëlle, en se levant d'un bon.

Gaëlle n'éprouvait pas la moindre crainte, et pourquoi aurait-elle dû en ressentir? Depuis sa transformation, personne n'avait réussi à lui causer le moindre mal. Ses réflexes étaient assez rapides pour éviter tous les coups qu'elle voyait venir, et pour les autres, ils ne lui causaient pas de dommages notables. Qu'est-ce qu'un magicien pouvait faire de plus ? se dit-elle.

- C'est où ? demanda Gaëlle confiante.

- Un peu à l'est. La tour est en plein centre d'un champ, on ne peut pas la manquer, même si on ne la cherche pas, indiqua Palin.

Avec assurance,  Gaëlle enclencha la marche sans hésitation. Une potion magique c'était la solution, enfin, l'espérait-elle. Si les mages étaient capables de tout guérir, quelques poils excédents, une longue moustache et une paire de griffes ne devraient pas causer trop de problèmes. De toute façon, au point où elle en était, elle croyait ne plus rien avoir à perdre. Ça devait fonctionner, il le fallait.

La Saga Du Cristal - Tome 1 (partie 1 à 197) - [ Wattys 2018 Présélection ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant