- Partie 32 -

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        Galgaror se tourna sur sa selle pour s'assurer que Xédriana le suivait toujours. Elle était là, droite et fière sur son grand destrier. Hier, il avait poussé la cadence du voyage pour atteindre la ville de Coridius à la tombée de la nuit. Galgaror doutait que la frêle magicienne supporte le rythme du voyage après toutes les épreuves qu'elle venait de traverser. Pourtant elle avait tenu le coup, et avec dignité de surplus. L'observation aiguisé du vieux guerrier avait toutefois remarqué son état d'épuisement généralisé, mais Xédriana refusait de laisser paraître le moindre signe de faiblesse. L'impression que Galgaror avait de la magicienne avait bien changé en l'espace d'une journée. De l'enfant blessée et traumatisée sortie des décombres, elle était passée à une femme de tête, dotée d'une puissante volonté. Elle semblait maintenant tout à fait qualifiée pour la mission que Galgaror lui avait confiée. Néanmoins, Galgaror nourrissait un étrange pressentiment à son égard. Sans pouvoir dire quoi exactement, il y avait un petit quelque chose qui le maintenait sur ses gardes. Les mages sont des allier plus que difficile à trouver, il n'allait pas renoncer à cette chance pour autant. Puis Xédriana interrompit le cours de ses pensées.

- Galgaror, je décèle une embuscade camouflé dans la forêt droit devant, dit Xédriana sans le moindre signe d'inquiétude.

Ils avaient quitté la ville de Coridius ce matin, après une bonne nuit de sommeil. Une heure de voyage plus tard, ils étaient à mi-chemin du petit village portuaire de Natiror.

- Oui, je sais. Laisse-moi m'en occuper, répondit Galgaror à voix basse.

L'embuscade était bien dissimulée en bordure de la forêt. Le vieux guerrier concéda que la magicienne possédait un sens de l'observation aiguisé, pour une érudite du moins. Les yeux d'aventurier expérimenté de Galgaror avaient depuis longtemps repéré le danger, qui se tapissait maintenant à une dizaine de mètres devant eux. Pour le guerrier, il y avait deux façons de réagir face à une embuscade, soit en faire le tour, soit foncer directement dedans. En cette période de l'année, il y avait trop de moustiques dans la forêt. Ne surprenant personne, un rustre cri de guerre émergeant d'un bosquet clairsemé accueillit Galgaror et Xédriana. Voilà la bande de malfamés qui se présentait. Cinq devant, trois derrière, et deux archers juchés dans les arbres. Galgaror détestait les archers, combattants lâches qui se tenaient cachés dans les hauteurs et qui fuyaient devant le moindre danger. Malgré son aversion, il allait y survivre, comme il l'avait toujours fait.

Celui qui semblait être le chef des bandits par son aspect décrépit; sourire édenté, crâne chauve, bandeau sur un œil, s'avança d'un pas et prit la parole avec autorité.

- Halte voyageurs ! Vous chêtes chernés. Remettez-nous vos bourches et nous vous laicherons la vie chauche, se faufila la voix du bandit entre ses dents manquantes.

Galgaror descendit calmement de sa monture, et marcha en direction de l'homme. En voyant ce grand guerrier avancer avec assurance, toute personne possédant un peu de jugement, aurait prédit que les choses n'allaient pas se dérouler telle que prévu. Mais visiblement, le jugement ne faisait pas partie des qualités du chef des voleurs, car c'est avec un large sourire, qu'il regardait Galgaror s'approcher. C'est alors que le bandit édenté fut extrêmement déçu de voir sortir, non pas une bourse comme il l'aurait souhaité, mais une épée qui lui semblait bien affûtée. D'ailleurs, chose qu'il ne tarda pas à confirmer lorsque la lame étincelante lui perça la gorge. Effectivement, cette lame était très bien affûtée, pensa le chef des voleurs avant de rendre l'âme.

Tout en jetant un coup d'œil aux archers, Galgaror se lança sur le prochain bandit à proximité. Généralement, après deux ou trois démonstrations de son talent, les malfaiteurs déguerpissaient sans demander leur reste. Galgaror laissa le bandit porter la première attaque, non pas qu'il voulait lui faire croire qu'il s'était bravement battu avant de mourir, mais parce que c'était plus rapide ainsi. La majorité des gens croient que lors d'un duel, il est avantageux de porter la première attaque, mais c'est totalement faux. Comme prévu, le bandit plongea sa courte épée vers le cœur du héros. L'assaut, qui d'ailleurs manquait de conviction, fut aisément bloqué. Puis d'un geste simple, Galgaror remonta sa lame en accrochant au passage la tête de son opposant. Et de deux. Calculant tout à la fraction de seconde, Galgaror estima que les archers lâche allaient maintenant décocher. Tout cela devenait tellement répétitif, pensa-t-il. Comme il s'y attendait, la première flèche arriva, mais avec si peu de précision qu'elle faillit terminer son chemin dans le dos d'un bandit. Le deuxième projectile tarda, Galgaror leva la tête vers l'archer, juste à temps pour voir l'arbre dans lequel il se cachait, prendre soudainement feu, telle une boule de papier. Galgaror se tourna alors en direction de la magicienne. Lui qui s'attendait à la voir repliée sur son cheval, la tête entre les mains, fut plutôt surpris. Elle était là, debout en plein centre du chemin, les bras levés au ciel, étendant toute sa magnificence. Derrière elle, le chemin avait pris une teinte rouge inhabituelle, mais il n'y avait plus trace des trois bandits qui leur barraient la retraite. C'était plus qu'il n'en fallait, le reste des heureux survivants déguerpirent dans la forêt sans demander leur due.

Le travail étant accompli, Galgaror retournait vers son cheval alors qu'il entendit la magicienne lancer un autre incantation.

- SharKarishMatAkorahXiador.

Une série d'arcs électriques sortirent des doigts de Xédriana et allèrent harponner le dernier voleur qui s'apprêtait à s'éclipser dans la forêt. Le pauvre homme fut brusquement projeté au sol, où son corps couvert d'arcs électriques agonisait sous de violents spasmes. Galgaror observa Xédriana avec étonnement. Immobile, les bras levés droit devant, elle maintenait son emprise avec acharnement. Son regard froid fixait sans sourciller le corps du malheureux qui se tortillait sous la douleur. Galgaror crut même voir le coin de ses lèvres se retrousser, comme en un mince sourire de contentement.

- Ça va, il est mort, interrompit Galgaror.

Et encore, mort était un faible mot pour qualifier cet état de bouillie de chair calcinée qu'avait transformé la magicienne. Galgaror observa maintenantXédriana avec inquiétude. Le guerrier avait tué des milliers d'hommes au cours de sa vie, certains le méritaient, d'autres non. Depuis longtemps, il avait perdu ce sentiment que l'on nomme le remords. Mais jamais, au grand jamais, il n'avait éprouvé le moindre plaisir à retirer la vie d'un homme, et c'était bien ce que la magicienne semblait ressentir. Galgaror n'approuvait pas du tout cette attitude délibérément sadique. Ayant relâché sa prise, le visage de la magicienne retrouva son air impassible.

- Ils auront compris la leçon, dit-elle sans plus d'émotions.

Elle pivota abruptement, faisant voler ses longs cheveux noirs autour d'elle, et remonta son cheval. Cette petite femme dissimulait beaucoup de rage dans les profondeurs de son être, songea Galgaror. Il n'appréciait pas particulièrement la manière d'être de la magicienne, mais elle était l'une des rares personnes ayant la capacité d'ouvrir la porte des dieux, et plus certainement la seule qui accepterait de le faire pour lui. Et puis les mages étaient des êtres si étranges et complexes; Galgaror ne cherchait pas à les comprendre. Tant qu'elle déverserait ce surplus de rage sur d'autres, il faudrait s'en accommoder. Mais chose certaine, Galgaror garderait toujours l'œil ouvert.

La Saga Du Cristal - Tome 1 (partie 1 à 197) - [ Wattys 2018 Présélection ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant