19

117 8 6
                                    


19 - « Emptiness »


C'est étrange cette sensation au fond de moi. Elle ne m'est pas inconnu, loin de là mais...c'est comme si cette familiarité la rendait justement étrange, que peu importe le nombre de fois que je ressentirais cela, ce sentiment aura toujours le même effet sur moi.

Le vide.

Le vide est un terme utilisé dans de bien différents domaines mais celui que je connais le mieux, celui dont je pourrais réciter les symptômes dans la seconde qui suit est celui qui touche l'être humain en son intérieur. Ce n'est pas à proprement parlé physique, mais ce vide peut prendre une telle ampleur sur vous que ça vous broie les entrailles comme un ballon que l'on gonfle dans votre abdomen et qui monopolise peu à peu l'espace initialement accordé à vos organes.

Contrairement à ce que certaines personnes pensent, se sentir vide ne signifie pas forcément que vous êtes dépressif. Il arrive que ce vide soit comme un rhume : relativement court. Ce genre de chose nous arrive à tous sans exception, personne n'y échappe mais c'est normal. Telle une allergie, une nouvelle période de vide se déclenche généralement au contact, à l'entente ou encore à la pensée de quelque chose en particulier. Pour ma part mes périodes de vide se manifestent après avoir été en contact avec quelque chose qui évoque un passé lié à de fortes émotions ou encore après avoir perdu quelque chose auquel je tenais. Mais il y a des exceptions. Il arrive parfois des périodes de vide qui pointent le bout du nez sans réelle raison.

Elles arrivent, c'est tout.

Mais selon chacun, les périodes de vides sont ressentis différemment, sont vu différemment, sont tout simplement différentes. Pour ma part j'ai deux types de vide. Lorsque celle-ci est causée par l'évocation du passé, c'est comme être dans une bulle en apesanteur. C'est comme si rien n'avais de sens réel, que le monde devenait soit tout noir, soit tout blanc et que le gris n'était plus. Pendant un instant mes sens sont perturbés : je regarde sans ne rien voir, j'écoute sans rien n'entendre, je touche sans ne rien sentir. Puis l'instant suivant, je retrouve mes facultés mais sans porter le moindre intérêt à ce que je perçois. Je ne me sens pas obligatoirement mal, mais je me sens dénuée d'émotion et dans un sens, dénuée d'humanité. Mais lorsque mon vide vient de la perte de quelque chose de précieux, c'est le complet opposé. C'est comme si la gravité me tirait au plus près du sol encore que d'habitude. Même si je ne m'accroche à rien de ce que je pense, mon esprit se met à divaguer sur le sens des choses, les plus banales soient-elles. Chaque geste devient une corvée, chaque regard une perte de temps et chaque bruit insignifiant.

Mais j'ai beau me sentir aussi vide que ne le sont les atomes, il reste toujours une chose qui est là, juste en dessous de la surface de glace. Un cœur qui bat. Un cœur qui se bat. Mais aussi un cœur au plus bas. Un cœur qui se noie, ne cherchant que sa bouée et qui est prêt à l'attraper dès qu'elle se présentera. Mais le vide se propage comme le cancer. Le vide vous tue comme la drogue, il suffit de la fois de trop pour qu'elle vous emporte à un point non-retour.

Un point que j'espère ne jamais atteindre.

Je suis interrompue dans mes pensées lorsque j'entends mon portable vibrer sur ma table de nuit. Je tourne la tête vers celui-ci. Ça ne peut être qu'un message car je ne suis plus inscrite à aucun réseau social. Je me demande qui pourrait bien m'en envoyer à cette heure-ci et surtout pourquoi. Je finis alors par céder à ma curiosité.

De : Ethan | Tu dors ? |

Je me mords instinctivement la lèvre en voyant de qui est-il. C'est tellement vu et revu ce genre de messages mais malgré tout ce que je pourrais dire, j'avoue que j'apprécie ce geste autant qu'une autre car ça veut souvent dire que la personne a envie de parler et que c'est à vous qu'elle a pensé. Mais je reste malgré tout quelques minutes à regarder l'écran de mon téléphone, me demandant ce que je devrais faire. Lui répondre ou prétendre être en train de dormir ? Je suis assez partagée à cet instant car si une moitié de moi n'a pas la foi d'avoir un quelconque contact avec qui que ce soit en ce moment, l'autre meurt d'envie d'engager la conversation avec lui pour me donner une pause dans toutes mes réflexions et s'il le faut, parler toute la nuit. Et c'est ce que je fais. Le cœur battant légèrement plus vite que la normale, je tape une réponse qui me fait sourire légèrement malgré mon anxiété soudaine.

The Sounds Of SilenceWhere stories live. Discover now