Chapitre 21: Traumatisme

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PDV Grey

La diligence roule à vive allure sur la route montagneuse. Les nombreux trous dans la chaussée rendent le voyage désagréable, mais pas insupportable. Après tout ce qui s'est déjà passé, c'était un bien moindre mal. Je baissais mon regard sur sa chevelure turquoise. Juvia était roulée en boule sur mes genoux, prostrée, silencieuse. Elle n'avait pas dit un mot depuis la nuit dernière. Son regard était vide, dirigé droit devant elle mais sans cible précise. Son visage n'exprimait aucune émotion, et elle ne semblait pas réagir au monde qui l'entourait. La voir comme ça me faisait de la peine, mais je n'y pouvais rien. Après tout, ôter la vie à un être humain n'est jamais une chose facile, surtout lorsque c'est pour la première fois. Elle avait eu le courage de tirer et c'était déjà pas mal. Une fois le coup parti, mon assaillant s'était immobilisé et était tombé au sol, immobile. Du sang se répandait autour de lui, ses paupières étaient close, je l'avais considéré comme mort. Je n'avais pas vérifié, trop occupé à tenter de la réconforter. La princesse, autrefois si souriante, avait perdu cette nuit là toute ressemblance avec sa personnalité de jadis, cette vision rendant son visage amorphe. Préférant jouer la carte de la sûreté, j'avais rangé l'arme là où était sa place. Nous avions recommencé à marcher, ne prenant avec nous que les affaires les plus élémentaires et laissant le reste sur place. Nous marchions vite, mais elle ne s'en plaignait pas. Aucune émotions ne transparaissait. Elle avait perdu l'équilibre plusieurs fois, je l'avais rattrapé sans rouspéter, à chaque chute. En une nuit, nous étions arrivés à la frontière et avions trouvé une diligence qui nous emmènerait à la ville la plus proche contre une rémunération. Étant habillés comme des gens du peuple, le prix à payer n'avait pas été trop cher. Depuis, le silence était total. Nous ne parlions pas, nous nous comprenions, à l'inverse de ses couples mariés depuis trop longtemps qui parlent sans comprendre un traître mot de ce que l'autre essaie de leur dire. Couple... Voilà un mot bien étrange, vous ne trouvez pas ? Jusqu'à il y a peu, ce mot me paraissait lointain et ne m'inspirait que du dégoût. Je ne voyais dans ce principe qu'un moyen de plus d'exploiter une personne. Séduire une personne, lui faire miroiter des choses superficielles, se mettre en couple si chacun y trouvait son intérêt, repartir lorsqu'on en avait assez. Rien de plus que cette triste vérité. Non, je n'y trouvais aucun intérêt. Mais aujourd'hui... Aujourd'hui tout avait changé. Ma relation avec elle, ma façon de réagir, mon caractère, et peut-être même ma vision du monde. Des choses que je pensais inchangeables avaient été bouleversé par cette fille. Elle était arrivé, jeune, pure et innocente qu'elle était, et avait ravagé d'un sourire la muraille érigée autour de mon cœur. Il ne restait de ce monument éventré que quelque ruines se transformant lentement mais sûrement en poussière. Comment elle avait fait ? Je n'en avais aucune idée. Alors qu'au début j'avais eu peur de son amour, n'ayant pas envie de briser son cœur comme je l'avais déjà fait avec tant d'autres filles, je considérais à présent les choses sous un angle différent. Et si ce n'était pas de son amour que j'avais eu peur, mais du mien ? Son visage, son teint de porcelaine, ses grands yeux océans dans lesquels je mourrais d'envie de me noyer, ses lèvres fines que j'avais à nouveau envie de goûter, ses joues qui, quand je m'approchais, rosissaient de bonheur... Tout cela me hantait. Par moment, dans mes rêves s'étendant à la limite du fantasme, je pouvais voir son corps. Ses formes, généreuse sans pour autant tomber dans la vulgarité. Sa taille, fine mais pas rachitique. Des jambes fines, comme tracé par le plus fin des crayons, venaient ajouter à sa silhouette une beauté différente de celles que j'avais pu apprécier dans ma bien triste vie. Je ne la décrirais pas comme parfaite, la perfection étant pour moi un principe bien trop superficiel. Elle était juste différente. Ne s'élevant pas au dessus du lot, mais sortant de la foule pour s'approcher. Souriante, timide, maladroite par moment, douce, elle avait prit ses quartiers dans mon cœur comme quelqu'un revenant chez lui après une longue absence, comme si elle était à sa place, comme si tous ces sentiments qui affluaient en moi était on ne peut plus normaux. Bien que son corps soit des plus agréables à regarder, je savais qu'il ne me suffirait pas. Je la voulait elle tout entière. Désirait l'avoir pour moi, corps et âmes confondus. Aimer et être aimer, je crois que c'était bien là tout ce à quoi j'aspirais. Même si son visage me semblait clos, j'espérais que son cœur me soit encore ouvert. Il me fallait pourtant me retenir de trop la toucher. Sachant que j'allais trop loin je ne pourrais m'arrêter. Une peur naissait au fond de moi. M'aimait-elle encore assez pour m'accorder une vie à ses côtés ? Serais-je à la hauteur de ses espérances ? Mais avant tout et surtout, savait-elle que je n'étais pas ce prince charmant dont elle avait tant rêvé ? Du prince charmant je n'avais que le titre, peut-être aussi l'habit, mais rien en moi ne pouvait prétendre être cela. Je n'étais que moi, Grey, un homme comme un autre. Qu'avais-je à lui offrir si ce n'était que mon cœur pour s'installer, mes bras pour s'y blottir, et mon dos pour s'y reposer ? Certains pensent peut-être que c'est déjà beaucoup, mais il n'en est rien. Elle mérite plus, bien plus. Que devais-je faire dans ce cas ? Lui proposer ce que j'avais à proposer, et espérer qu'elle accepte ? Ou encore taire mon amour, et l'aider à trouver mieux ? Je soupirais. Encore des questions dénués de réponses... Cela commençait à me lasser. Préférant regarder ailleurs plutôt que d'y réfléchir encore, je portais mon regard vers la petite fenêtre sale se trouvant à côté de moi. On distinguait mal le paysage tant le carreau manquait de nettoyage, mais tant pis. Les sapins des forêt d'Agoa avaient fait place à d'autres arbres, bien plus variés. Des chênes, des platanes, des hêtres, parfois même des érables dont les feuilles, d'une couleur variant du jaune clair au marron, passant par l'orange et le rouge, rappelaient bien qu'ici l'automne était installé. Pas étonnant, nous étions dans le pays d'Ignis, réputé pour ces feux de joies, ses tavernes chaleureuses et ses filles que l'ont pouvait qualifier de la même façon que les feux. C'était un pays chaleureux, accueillant et festif, mais où les femmes avaient un bien piètre rang. Contrairement ma terre natale, Frozen, où les femmes tenaient souvent le rôle du chef de famille et accédaient à des postes haut placés, où encore au pays d'Agoa où la plupart des femmes tiraient les ficelles dans l'ombre, Ignis ne leur laissait qu'une place très restreinte au sein de sa société. Les rôles allaient de catin à femme de chambre, même si c'est deux métiers allaient souvent de paire. Le rang le plus enviable n'était même pas celui de reine, qui devaient appliquer la bien misogyne expression que pouvait être « soit belle et tais-toi ». Le mariage forcé était interdit, mais dès le moment où l'homme était d'accord, les fiançailles étaient conclues. La prostitution ne faisait pas scandale. Ici, personne ne s'étonnait de voir des femmes dévêtues parcourir les rues une fois la nuit tombée, voir même le jour pour les plus démunies d'entre elles. Les hommes se vautraient dans la luxure, se constituant des harems et comparant leurs taille et le nombre de femmes à leur service, comme on compare des marchandises. Dire que l'échange de servantes étaient monnaie courante était sans doute encore faible pour décrire le comportement de certains ici. Une femme était là pour offrir ses services, que se soit en cuisine ou au lit. Les principes de cette société, qui aurait fait pâlir d'horreur n'importe quelle féministe, étaient inculqués aux enfants dès leur plus jeune âge. Ainsi, les garçons se servaient des filles sans aucune scrupule, et les filles, qui n'avait rien pour comparer leur sort, pensait que cette situation était normale. La seule personne qui semblait vouloir changé ça était le plus jeune prince. Il ne s'agissait pas d'un homme comme moi haïssant la royauté, non. Juste d'un gamin, un peu écervelé, qui n'avait jamais compris cette façon de faire. Il avait fait ses études à Célesta (les alsaciens comprendront le jeu de mot), société où les coutumes était inversé par rapport à Ignis, chose qui l'avait incité à chercher un juste milieu entre les deux civilisations. Aidée par la princesse de Célesta ne comprenant pas non plus les traditions de leurs pays, ils étaient bien décidé à changer les mentalités. Ils avaient eu le courage qui m'avait cruellement manqué. En un sens, j'étais lâche de m'être enfui, mais quand on est seul contre tous les autres, autant partir à la recherche d'un monde meilleur. Mais à nouveau je m'égarais. Cherchant le point de départ de mes pensées, je posais mon regard sur le village que j'apercevais en contre-bas. C'était un village de plaine, tout ce qu'il y a de plus normal. Le soir tombait, et certaines cheminées commençaient à fumer, tandis que les quelques habitants traînant encore dehors se hâtaient à l'intérieur pour se réchauffer avec un ragoût de bœuf, certainement préparée par une femme qui n'avait pas choisi d'être là. Soit dit en passant, les hommes n'étaient pas méchant envers les femmes. Jamais, ô grand jamais il ne viendrait à l'idée d'un homme originaire d'Ignis frapper une femme, quelque soit la raison. Ils appliquaient également les plus sommaires règlent de galanterie et avaient en horreur les disputes. Malgré leur apparence de phallocrate, c'était des gens agréable et respectueux, possédant simplement des coutumes différentes. Bien que je savais cela, je ne pouvais m'empêcher de m'inquiéter pour ma protégée. La diligence se stoppa, le cocher hurla:

- Au-town, Ignis, dernier arrêt, tout le monde descend !

[Fairy Tail] Juvia princesse plus si parfaiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant