Tu es mon nouveau monde

7 : Une dispute et de la sauge

Ce fut comme au ralenti. Plus personne ne bougeait. Ils fixaient, inquiets et interloqués, Anna qui venait de lâcher une flèche sur le prince blond. La flèche fusa en ligne droite vers le visage de Fili, et finalement passa à quelques millimètres de sa joue droite avant de couper une mèche de cheveux tressée.

-La prochaine ne coupera pas seulement des cheveux, fit froidement Anna en rangeant son arme.

Fili n'osait plus bouger. Balin le fixait avec un air réprobateur. Dwalin le dévisageait comme s'il avait envie de le désosser. Thorin le regardait avec déception. Kili secouait la tête, déçu lui aussi. Les autres membres de la compagnie semblaient du même avis. Fili partit à grands pas entre les arbres pour s'aérer l'esprit. Anna alla s'asseoir près du feu, serrant son manteau autour d'elle. Dwalin s'approcha.

-Non, dit-elle simplement.

Il hocha la tête et recula. Chacun s'activait à la tâche qui lui avait été assignée. Bofur distribua les écuelles de ragoût préparé par Bombur. Anna mangea en silence avant de s'allonger et de s'endormir près des flammes.

Elle n'entendit ni le cri effrayant, ni la blague des deux frères, ni Balin raconter la tragique bataille d'Anazulbizar. Elle ne se réveilla que quelques heures plus tard, en sueur, se débattant contre des mains invisibles, haletante, les larmes roulant sur ses joues. Bofur, qui était de garde, se précipita près d'elle et la serra gentiment contre lui.

-Shh... Shh... C'est fini, ce n'était qu'un cauchemar. C'est fini. Je suis là. C'est fini.

Anna finit par se calmer, et accepta avec gratitude le thé que Bofur lui prépara en vitesse.

-Tu sais, j'aimerais te dire que je te comprends, mais c'est faux, commença-t-il. Je n'ai jamais vécu ce que tu as vécu, je ne sais pas ce que tu as traversé. Mais rappelle-toi ceci. Nous avons tous notre fardeau, quel qu'il soit. Et si je peux t'aider à porter le tien, même rien qu'un petit bout, je t'aiderai avec plaisir.

Elle hocha la tête en lui renvoyant un faible sourire.

-Et quoique tu en penses, je sais que cet imbécile ne pensait pas ce qu'il disait hier. Il a parlé sous le coup de l'émotion. Ça ne l'excuse pas, mais quand même.

Anna haussa moqueusement les sourcils.

-Ne sois pas trop dure avec lui... Ni avec toi-même d'ailleurs. Bande d'aveugles.

Anna le regarda avec surprise, ne comprenant pas ce qu'il voulait dire. Il secoua la tête en souriant, comme s'il savait quelque chose qu'elle ne savait pas. Elle s'étira, et rangea ses affaires. Le reste de la troupe ne tarda pas à s'éveiller, et ils repartirent.

La journée fut pluvieuse, ce qui n'arrangea pas le moral déjà bien entamé des troupes. Anna s'était entièrement planquée sous la cape de Dwalin dans son dos, se collant à lui pour ne pas prendre froid. Elle ferma les yeux, se laissant bercer par le pas régulier de son poney et le bruit apaisant de la pluie. Finalement la pluie cessa en milieu d'après-midi, et peu après Thorin les stoppa près d'une maison en ruine.

-On va passer la nuit ici, annonça-t-il. Fili, Kili, occupez-vous des poneys. Et surtout restez près d'eux. Oïn, Gloïn, faites-nous un feu.

Anna descendit de poney et récupéra ses affaires. Elle vit Gandalf passer en coup de vent et partir. La voix de Thorin les sortit de leur torpeur.

-Dépêche-toi Bombur, on a faim.

Anna alla s'asseoir à côté de Dwalin en silence, attendant le dîner. Elle fut la première servie et avala en vitesse son écuelle. Bofur la rattrapa par l'épaule avant qu'elle n'aille se coucher.