Chapitre 14

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En voyant sa tête qui se décompose, je réalise l'erreur que je viens de commettre. Le Dr Martin avait sous-entendu que le couple de Venturini n'allait pas fort. Je suis certaine d'avoir mis les deux pieds dans le plat. C'est pourtant la spécialité de Thomas, pas la mienne. Son visage se crispe, ses yeux sont perlés de larmes et la feuille qu'elle avait dans les mains ne ressemble plus qu'à une vulgaire boulette. Pourquoi j'ai pas fermé ma gueule moi ?

Que dois-je faire, la prendre dans mes bras ? Non c'est bien trop familier. Ne rien faire du tout ? Oui ça serait sûrement la meilleure des solutions, mais je ne peux m'y résoudre. Je fais alors la seule chose qui me semble appropriée, je pose ma main sur son bras. C'est un geste peut-être légèrement familier, mais ça reste sobre et surtout ça lui montre mon soutien. J'ai l'impression que mon geste la fait frissonner, mais je dois me tromper, ça doit surtout être l'effet de surprise de voir une élève être si tactile.

- Je... Je suis désolé, j'ai dit quelque chose de mal ? Je ne voulais pas vous blesser. Pardonnez-moi, c'était indiscret.

- Non, ce n'est pas grave Alix, tu n'as rien dit de mal, dit-elle en se mouchant. Oui, elle a beaucoup apprécié.

- C'est pour cela que vous n'étiez pas là cette semaine hein ?

Je voudrais lui dire à quel point j'étais inquiète, à quel point j'aimerais la prendre dans mes bras pour la consoler. Lui dire à quel point j'aimerai la voir heureuse et souriante et surtout, à quel point la voir dans cet état de souffrance est un déchirement.

- On va dire que j'ai connu des jours meilleurs... Répond-elle en esquivant mon regard. Mais ce n'est pas grave, montre-moi tes devoirs.

J'aurai du me douter qu'elle ne voudrait pas aborder sa vie privée. Je ne suis qu'une élève après tout... Je peux la comprendre, mais d'un autre côté, je me sens un peu vexée. Je sais que je ne devrais pas ressentir cela, mais moi, je me livre complètement à elle, je lui dis absolument tout ce que je ressens, et ce n'est qu'à sens unique. J'aimerai en apprendre plus, mais je sais que c'est impossible. C'est avec un pincement au cœur que j'accepte son changement de sujet.

- Oula, alors votre journée ne risque pas de s'améliorer, je n'ai que des exercices de maths à faire. Gaston nous a donné la race de travail.

- Monsieur Gaston, me corrige-t-elle en haussant un sourcil. Et veille à garder un langage correct, on est au lycée quand même, s'amuse-t-elle.

Elle sourit et c'est exactement ce que je voulais. Je ne peux peut-être pas la prendre dans mes bras, mais au moins je peux la faire sourire pour que, pendant une heure, elle se sente un peu mieux.

Nous commençons donc mes devoirs de maths, mais je me rends rapidement compte qu'elle ne me sera d'aucune utilité. Elle a sûrement plus de lacunes que moi dans cette matière et je lui explique finalement comment réaliser les exercices.

Nous nous amusons donc à changer les rôles. Je suis la prof et elle est mon élève. C'est assez drôle de la voir se concentrer pour essayer de comprendre. Elle m'explique que c'est un cours en pédagogie inversée, quelque chose comme ça. En tout cas, ce que je sais, c'est que ça m'a permis de retenir les formules importantes et de mieux comprendre comment résoudre certaines équations.

- Bon du coup je crois que je vais devoir organiser des séances de tutorat pour vous remettre à niveau en Maths parce que vos lacunes sont importantes, plaisanté-je

- Moui je n'ai jamais été très douée.

- Aller je vous mets un 8/20 pour le dernier exercice c'est pas mal !

- Un huit ? Oh mais c'est que tu es exigeante ! Bon aller, je dois partir.

-D'accord ! Vous revenez lundi ?

L'amour a ses raisons que la raison ignoreWhere stories live. Discover now