Chapitre 18

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Je sens que je commence à faiblir et que ma voix tremble de plus en plus sous l'émotion que me procure ce douloureux souvenir. Je sens le bras de ma professeur m'entourer, me signifiant qu'elle est présente, que tout va bien et que je peux tout lui dire. Je reprends mon souffle, sentant sa main dans mon dos puis continue le sombre récit de ce jour qui a changé ma vie à tout jamais.

Je ne me rappelle pas exactement de l'impact, mais je sais que c'était quelque chose de violent. Je me situais derrière mon père qui conduisait. Après plusieurs tonneaux, la voiture s'est immobilisée et j'ai ouvert les yeux. Tout était noir, je ne voyais rien. Je sentais une douleur abominable qui me déchirait la poitrine et qui gênait fortement ma respiration. J'ai eu beau essayer de me détacher, rien à faire, le mécanisme était bloqué ou bien j'étais trop en état de choc pour l'ouvrir, je ne le saurais jamais. Mon père lui, émettait un léger râle de douleur, qui, malgré le fait qu'elle ait diminué depuis n'est plus jamais partie. Sur ma droite, mes deux sœurs, du sang coulant sur leur visage inerte.

Je suis obligée de faire une pause, la douleur dans ma poitrine étant bien trop forte pour continuer. Tout en déglutissant difficilement, je me rapproche encore un peu de ma professeure. Une larme coule sur sa joue mais elle l'essuie rapidement, comme pour éviter que je remarque que mon histoire la peine. Sa compassion me fait chaud au cœur, cela montre que j'ai vraiment de l'importance pour elle. Quoique cette histoire ferait sûrement pleurer un inconnu dans la rue si je la racontais... C'est une des raisons qui fait que je la garde pour moi. Le monde entier n'est pas obligé de me plaindre et de ressentir ma douleur. Je pose ma tête sur son épaule machinalement, oubliant mon rôle d'élève. Elle ne repousse pas mon geste et, au contraire, vient caresser tendrement mes cheveux. Tout en continuant de jouer avec mon élastique entre les mains, je reprends mon histoire.

J'ai essayé de les réveiller, mais impossible, elles sont mortes sur le coup selon les policiers qui sont venus me parler peu après l'accident. Après un moment qui m'a semblé durer une éternité, en réalité, je pense qu'il s'est écoulé dix minutes grand maximum, j'ai entendu les pompiers arriver ainsi que le samu et la police.

Ils ont d'abord sorti mon père qui était le plus facile à extraire de l'épave. Ils sont ensuite passé devant la portière de ma mère qui n'avait, à ce moment là, que des blessures superficielles. Malheureusement, avec la déformation de la carrosserie, elle ne pouvait pas sortir seule. Aucun de nous ne le pouvait, nous étions comme pris au piège de cette épave prête à exploser à tout moment. Je me souviens de cette forte odeur d'essence. J'ai tout de suite compris qu'il fallait que je sorte de là, mais le siège conducteur me bloquait les jambes et je ne pouvais pratiquement pas bouger avec cette douleur dans la poitrine qui grandissait, m'empêchant de plus en plus de respirer.

Ma mère a ordonné aux pompiers de me sortir avant elle et quand, enfin j'ai pu sortir, j'ai entendu une énorme détonation et un souffle brûlant sur mon dos vêtu d'un simple T Shirt synthétique. L'explosion m'a projeté au sol, me coupant encore plus la respiration. Le pompier n'a malheureusement pas eu le temps de me protéger des flammes et une grande partie de mon dos a été touchée. Quand enfin j'ai pu me retourner, il était trop tard, la voiture avait disparu laissant place à un tas de taule fumante. Je n'ai pas eu le temps d'hurler, le médecin présent sur les lieux m'a tout de suite pris en charge et m'a plongé dans le coma pendant trois semaines afin de soigner mes multiples brûlures et blessures internes.

Ce soir-là, j'ai perdu ma mère Estelle, ma sœur Carla âgée de huit ans, et mon autre sœur Mia, dix ans et qui aurait eu aujourd'hui quatorze ans... Ma mère s'est sacrifiée pour me sauver, c'est de ma faute si elle est morte, sans moi elle serait sortie de la voiture. Si seulement j'avais eu le courage de faire abstraction de ma douleur dans la poitrine...

L'amour a ses raisons que la raison ignoreWhere stories live. Discover now