Chapitre 1

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Comme chaque dimanche avant la rentrée, je me prépare mentalement à vivre une année soporifique face à des enseignants pédagogiquement ratés pensant que les élèves dans mon genre sont irrécupérable.

Cette année pourtant c’est légèrement différent. Bien que les cours ne m’intéressent pas plus, j’ai une motivation supplémentaire. Je veux intégrer cette école de photographie. Pour cela, pas le choix, je dois bosser. Les frais d’inscriptions sont faramineux, mais heureusement, mon héritage suffit à les payer. Maman aurait certainement voulu que cet argent serve pour mes études.
Pour la première fois depuis trois ans, j’angoisse à l’idée de ne pas réussir. Entre le job étudiant que j’ai et les cours, je ne sais pas comment je vais réussir à faire mes devoirs, réviser et aller au boulot en même temps, mais je n'ai pas vraiment le choix.

Heureusement, Chloé, ma meilleure amie et sûrement la seule qui parvient à me supporter, sera là pour m'accompagner dans cette dure épreuve qu'est la terminale. Elle a un an de moins que moi et n'était qu'en première l'année dernière. J’espère que cette année nous serons dans la même classe. Elle a toujours été studieuse Chloé, des dix-sept et des dix-huit de moyenne depuis le collège.

Moi aussi j’ai été comme elle. J’adorais aller en cours, apprendre de nouvelles choses chaque jour. Moi aussi je faisais partie des meilleures élèves de ma classe. Puis j’ai eu des problèmes. Et c’est là que j’ai découvert le réel visage des profs et des gens en général. Quand tout va bien, tout le monde est présent pour toi, les professeurs t’adorent et répondent à tes moindres besoins, tu as plein d'amis… À partir du moment où tu te retrouves en difficulté sur le plan scolaire certes, mais surtout sur le plan physique et psychologique, plus personne n'est là pour te venir en aide, que ce soit les adultes ou les amis.

Seule Chloé est restée à mes côtés. Nous nous connaissons depuis toujours. Nos parents étaient de proches amis et nous nous fréquentions donc régulièrement. Après la mort de maman et de mes sœurs, ils ont été presque autant effondrés que papa et moi et ont été très présents pour nous deux. Jamais ils ne nous ont tourné le dos. Leur divorce l’année dernière aurait pu mettre un terme à cette amitié, mais heureusement pour mon père et surtout pour Chloé, ils sont restés de bons amis et continuent de venir manger à la maison de temps en temps.

Je regarde l’heure, 21h30. Je prépare rapidement mon sac pour demain. Trieur, feuilles à carreaux, trousse et porte feuille, puis descend voir mon père.

- Ah, ma chère fille se décide à venir me voir ! Je ne t’ai pas vu de la journée, s’exclame-t-il en espagnol.

Papa, tout comme ses ancêtres avant lui, sont originaires de Madrid. Il est venu vivre en France après sa rencontre avec ma mère. C’est la plus belle histoire d’amour que j’ai connu du haut de mes dix-huit ans.

Mon père était apprenti cuisinier dans le restaurant familial et un jour, une jolie brune aux yeux bleus est passée dans son restaurant (bien entendu c’était ma mère.) la trouvant fort à son goût, il en parla avec son cousin qui servait dans le même restaurant que lui. En l’entendant parler, il comprit de suite qu’elle n’était pas espagnole et que logiquement, elle ne devait pas comprendre ce qu’il racontait. Il ne se fit donc pas très discret lorsqu'il parla d'elle. Malheureusement pour lui, ma mère ayant fait une licence en langue étrangères appliquée, notamment en espagnol, suivit toute la conversation comme si de rien était. Il était 16h30 lorsqu’elle sortit du restaurant et les cuisiniers étaient en pause cigarette sur le trottoir. Elle croisa mon père et lui lança :

vous n’êtes pas mal non plus, mais la prochaine fois, vérifiez que la “touriste super bonne” ne parle pas votre langue

Mon père en resta la mâchoire ouverte quasiment détachée et regarda la jeune brune disparaître dans la rue suivante, un léger sourire sur le visage.

L'amour a ses raisons que la raison ignoreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant