L'idée

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Hermione resta silencieuse une partie du trajet, jusqu'aux grilles de Poudlard, appréciant la présence discrète de Théo. Finalement, elle prit une inspiration et se décida à poser la question qui tournait dans sa tête depuis sa rencontre imprévue avec Ron.

— Théo ? Ron a fait une réflexion tout à l'heure et je me pose des questions à ce sujet. Il avait l'air de penser que sans les appuis nécessaires autour de moi, je ne pourrais jamais accéder aux postes que je souhaite au Ministère.

Théo grimaça et il lui lança un coup d'œil gêné. Puis, il hocha doucement la tête.

— Malheureusement, il n'a pas vraiment tort. En théorie, rien ne t'empêche de tenter ta chance. Je veux dire, il n'y a aucune loi qui interdise à une née-de-moldus d'accéder aux postes hauts placés. C'est juste que nous vivons dans une société terriblement rétrograde et que c'est toujours une histoire de relations et de recommandations.

Hermione pinça les lèvres, sourcils froncés, réfléchissant furieusement. Après quelques secondes, elle murmura, indécise.

— Mais mon amitié avec Harry ne peut pas suffire ?

Théo eut un rire léger.

— Harry Potter est une anomalie pour le monde magique. Un sorcier sang-mêlé, issu d'une prestigieuse lignée sang pur et élevé dans le monde moldu comme un né-de-moldu. En temps normal, il se heurterait aux mêmes difficultés que toi, même avec un parrain issu d'une très noble et très ancienne famille. Sauf qu'il est le Sauveur, il a mis fin à une guerre alors qu'il était à peine majeur, ce qui change tout. Ces vieux croûtons du Magenmagot le craignent et lui sont redevables.

Hermione grimaça.

— Je vois. Théoriquement parlant, que devrait faire une née-de-moldus pour... faire carrière ?

Théo ricana, sans méchanceté.

— Les femmes sang-pur ne sont pas élevées pour travailler. Encore une fois, rien n'interdit à une sorcière de faire ce qu'elle souhaite, mais les habitudes ont la vie dure.

Hermione fronça un peu plus les sourcils, réfrénant une vague d'indignation.

— Et pourquoi ça ?

Théo haussa les épaules.

— La natalité du monde magique est en constante baisse. Les grandes familles sont très rares, beaucoup de familles se sont éteintes à cause de la guerre et du manque d'enfants.

Hermione grogna.

— La consanguinité. Je vois.

Théo hocha la tête.

— Donc, les femmes restent à la maison, s'occupent de l'héritier en titre et espèrent concevoir de nouveau.

Ils firent encore quelques pas et Hermione soupira.

— Admettons qu'une femme veuille une carrière...

Théo eut de nouveau un rire amusé, puis il secoua la tête.

— Hermione, d'après ce que Harry m'a dit, tu veux faire de la politique. Réformer le monde magique, n'est-ce pas ? Malheureusement, pour l'instant, tu n'auras pas la moindre légitimité. Cependant, épouse un sang pur dont le nom a un poids politique important et tous ces problèmes disparaîtront.

Hermione hoqueta, choquée.

— C'est injuste !

Théo haussa les épaules.

— Ça l'est. Mais je suppose que c'est une façon de garder le monde magique entre les mains des sorciers. Peut-être que la plupart des nés-de-moldus prôneraient pour une ouverture vers le monde moldu et ensuite... que se passerait-il ? Le secret serait brisé ?

Hermione se mordilla la lèvre avant de soupirer.

— Je ne pense pas que le monde magique devrait aller vers le monde moldu. Pas maintenant. Il y a trop de choses à corriger avant d'envisager un tel changement.

Théo sembla surpris et Hermione laissa échapper un ricanement moqueur.

— Quoi, puisque j'ai grandi dans le monde moldu, tu imagines que je voulais... lier les deux mondes ? Je sais à quel point les moldus sont cruels avec les différences, je l'ai vécu toute mon enfance. Mais je sais aussi à quel point les sorciers peuvent être dangereux pour les moldus. C'est pour cette raison que mes parents sont actuellement en Australie et qu'ils ne se souviennent pas d'avoir eu une fille...

Le silence retomba entre eux, mais avant de passer les portes du château, Théo s'arrêta et il regarda Hermione avec sérieux.

— Dans la plupart des familles sang-pur, le mariage n'est pas un acte d'amour. C'est une transaction, un échange de pouvoirs ou de richesses.

Hermione pencha la tête, perplexe.

— Pourquoi me dire ça ?

Théo sourit, tranquillement.

— Parce que si tu envisages une union pour faire carrière, personne ne te verra comme une opportuniste. Bien au contraire, c'est chose courante dans le monde magique, dans les cercles de pouvoirs.

Hermione renifla, mal à l'aise.

— Courant ou non, je trouve ça... repoussant. J'ai grandi avec l'idée que le mariage était un acte d'amour, pas un moyen de se hisser au-dessus des autres.

Théo haussa les épaules.

— Ma mère était contre ce type de mariages également, mais mon père exigeait de ma part une union... avantageuse. Pour ma part, je n'envisage pas de... je refuse d'avoir des enfants et de perpétuer la lignée de mon père.

Hermione sembla pensive, puis elle murmura, d'une voix peu assurée.

— Je veux des enfants, un jour. Je crois. J'ai toujours pensé que je pourrais mener la carrière de mes rêves et élever mes enfants, parce que ma mère n'a jamais arrêté de travailler pour m'avoir. Mais je me demande de plus en plus si ça sera possible dans le monde magique.

Théo laissa échapper un rire amusé, dissipant légèrement le sérieux de la conversation.

— Si j'en crois Harry, tu es capable de surmonter n'importe quel obstacle. Il a parlé de ta détermination et si la moitié seulement de ce qu'il a dit est vrai, je pense que tu pourras accomplir ce que tu veux, sans la moindre difficulté.

Hermione sourit, les larmes aux yeux et elle attira Théo dans une étreinte amicale.

— Merci.

Un glapissement les fit sursauter et Hermione tourna la tête, pour découvrir Ginny les dévisageant, l'air horrifié. Hermione soupira et leva les yeux au ciel, refusant d'entrer dans une dispute stérile. Elle ignora donc la sœur de Ron, non sans espérer que Harry pourrait convaincre Bill ou Charlie d'intervenir et d'améliorer les choses pour cette famille durement touchée par la guerre, et elle sourit à Théo.

— On se retrouve demain à la bibliothèque pour terminer le devoir de potions ?

Théo hésita, son regard naviguant de Ginny à Hermione. Puis, il hocha lentement la tête, et il salua Hermione avant de s'éloigner à pas lents, se retournant de temps à autre comme s'il craignait de les voir se battre.

Hermione passa à côté de Ginny sans lui dire un mot, refusant de se sentir coupable et de montrer la moindre faiblesse. La jeune fille se contenta de lui lancer un regard noir avant de faire volte-face et de s'éloigner de Hermione à grands pas rageurs.

Mariage arrangéWhere stories live. Discover now