Les fantômes de Garreg Mach (Fire Emblem Halloween Fanfiction)

14. Un dîner cannibale presque raté

 Quand Byleth entra dans le réfectoire, l'ambiance festive qui y régnait lui parut en complète contradiction avec ses craintes. Les étudiants riaient et plaisantaient le long des tables chargées de victuailles. L'anonymat procuré par les costumes était provisoirement levé le temps d'engloutir des tourtes au potiron, des friands à la viande et des sablés au chocolat. Plusieurs regards se tournèrent vers elle. Visiblement, Dimitri, Edelgard et Claude avaient eu le temps de transmettre son message. Où se trouvait Edelgard, d'ailleurs ? Claude trônait bien à la table des Golden Deer, lancé dans une bataille de noix d'Albinea avec la majorité de sa maison. Dimitri lardait son pâté à la viande de coups de couteau, l'appétit visiblement coupé. Mais la table des Black Eagles était présidée par un Ferdinand en costume de vampire qui se donnait des airs importants.

— Inutile de tuer ce pâté une seconde fois, entendit-elle alors qu'elle se dirigeait vers ses étudiants. A moins que tu ne considères sa consommation comme du cannibalisme ?

— Du cannibalisme ? répéta Annette, interloquée.

— Ne fais pas attention, Félix essaye de faire de l'humour, la rassura Sylvain. Les pâtés sont au sanglier... Félix, vraiment, tiens-t-en à l'escrime.

— Je suis ton homme quand tu veux, répliqua celui-ci, furieux.

Mercedes pouffa de rire, ce qui fit rougir l'intéressé jusqu'au cou. Pour une fois, Sylvain lui-même eut l'air embarrassé et engloutit d'une bouchée le gâteau qu'il tenait à la main pour se donner une contenance. Dedue foudroyait Félix du regard.

— Je vous prierai de vous abstenir de sous-entendus désobligeant à l'égard de son Altesse.

— De toute façon je n'avais plus faim, s'empressa de répondre Dimitri en reposant le pâté à peine entamé dans son assiette. Veuillez m'excuser. Je vais m'assurer que tout est en ordre pour le bal.

Byleth le regarda se lever, hésitante. Elle avait faim. Mais elle ne voulait pas laisser Dimitri seul avec ses propres pensées. Il venait de repousser Dedue qui s'apprêtait à la suivre. Sans doute n'aurait-il pas réussi si Mercedes ne s'était pas mise de la partie.

— Il faut absolument goûter ces sablés, insistait-elle. Je ne suis pas certaine d'avoir dosé correctement la gelée de prune de Morfis...

— Mercedes, votre pâtisserie est toujours parfaite.

— Ne dit-on pas que le plus court chemin vers le cœur d'un homme passe par son estomac ? approuva Sylvain avec un clin d'œil.

Byleth opta pour attraper au vol une tourte à la viande et une poignée de sablés avant de suivre Dimitri.

— Professeur, protesta celui-ci, vous devriez prendre le temps de dîner.

— Je dois vérifier la salle de bal avant que la cérémonie ne commence. M'accompagnerez-vous ?

— Eh bien... si tel est votre souhait, professeur.

— Personne ne devrait se promener seul, ce soir. Nous ne savons pas ce que veulent ces intrus.

— Je sais me défendre, professeur !

— Sur le champ de bataille, sans doute. Mais personne n'est à l'abri d'un couteau dans le dos ou d'une flèche dans le noir.

— Vous avez raison professeur. Comptez sur moi pour surveiller vos arrières !

Ce n'était pas tout à fait ce qu'elle avait voulu dire, mais elle ferait avec tant qu'ils restaient ensemble. Au moment où ils allaient se diriger vers la salle de bal, une haute silhouette capta son attention.

— Dimitri, je crois que c'est l'une des personnes dont Anna m'a parlé. Essayez de l'aborder, je vais le prendre à revers.

Elle disparut dans les ombres tandis que Dimitri s'avançait vers l'homme. Celui-ci portait une cape en peau de loup assez mal assortie à son masque écarlate. On eût dit qu'il avait assemblé au hasard les pièces de plusieurs costumes trop petits pour lui. Avisant Dimitri, il prit la tangente dans la direction opposée, semant derrière lui un chemin de pâtés à la viande et de sablés au chocolat. Plusieurs des chiens du monastère ne tardèrent pas à lui emboîter le pas. Byleth fronça les sourcils. Si ce type était un espion, il manquait singulièrement de discrétion.

— Arrêtez-vous ! ordonna Dimitri.

Son ordre n'eut d'effet que sur les chiens. L'intrus, lui, accéléra encore. En trois bonds, Byleth lui coupa la route, épée tirée.

— Halte !

Pour toute réponse, une pluie de pâtés lui gifla le visage. Elle en rattrapa un au vol – ne jamais laisser perdre de la nourriture, aurait dit Léonie – et bondit sur le côté pour couper la retraite du voleur.

— Quel gâchis, soupira celui-ci en contemplant les pâtés tombés par terre.

Leur perte semblait d'avantage l'inquiéter que sa capture.

— Qui êtes-vous ? interrogea Byleth en lui pointant son épée sous le menton.

— Juste un mercenaire. J'étais de passage dans le coin, j'ai entendu parler de la fête, j'ai pensé que ce serait une bonne occasion d'avoir de la bouffe gratuite.

— Comment êtes-vous entré ?

— J'ai guetté le bon moment.

Il avait l'air sincère. Certains mercenaires ne s'embarrassaient pas de scrupules en ce qui concernait leurs moyens de subsistance.

— Où sont vos camarades ?

Il n'essaya même pas de nier.

— Aucune idée, fit-il en haussant les épaules.

— Quel est votre véritable but ?

— Je vous l'ai dit : passer du bon temps. Manger, jouer aux cartes...

— Les jeux d'argent sont interdits au monastère.

— On trouve toujours des volontaires, vous savez.

— En tout cas la soirée s'arrête là pour vous. Suivez-moi.

L'homme la soupesa du regard. Il la dépassait de la tête et des épaules. En lutte à mains nues, elle n'aurait eu aucune chance. Mais elle avait son épée. Et Dimitri, qui à défaut de sa lance, pointait une dague sur lui. Il soupira.

— Vous auriez au moins pu me laisser garder les pâtés !

— C'est vous qui me les avez jetés à la tête, lui rappela Byleth. Allez, marchez !

Il se laissa mener au portail sans protester.

— Prenez garde aux bêtes démoniaques, le prévint Byleth avant de refermer la grille derrière lui.

— Aux quoi ? Hé !

— Et d'un, dit Byleth en se tournant vers Dimitri. Plus que quatre, si j'en crois Anna. Nous avons encore du pain sur la planche.