9. Caspar et les fantômes

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La nuit était arrivée sans autre incident. En dépit de ses inquiétudes, Byleth n'avait pu s'empêcher d'admirer le monastère qu'illuminaient des centaines de lanternes orangées. Les étudiants s'agitaient comme autant de fourmis, l'heure étant venue pour tous d'enfiler son costume. Byleth hésitait encore : valait-il mieux dissimuler son visage, pour surveiller en toute discrétion, ou profiter de l'autorité que lui procurait son identité ? Elle opta finalement pour le masque de soie noire. Il serait toujours temps, si la nécessité s'en faisait sentir, de se dévoiler.

Les allées grouillaient de créatures tout droit sorties des légendes de chevalerie : sorcières, goules, spectres, morts-vivants... Byleth se prit rapidement au jeu de tenter de reconnaître ses étudiants sous leur masque. Elle identifia presque immédiatement Dedue en costume de bourreau, une impressionnante hache à la main. Ce qui signifiait que le spectre au visage dissimulé derrière un voile, vêtu de blanc de la tête aux pieds, aux talons duquel il collait, devait être Dimitri. En revanche, elle n'avait aucune idée de qui pouvait être la dame blanche aux pieds nus et au sanglant voile de mariée... Elle s'apprêtait à aller lui conseiller d'enfiler une paire de bottes - elle risquait de se blesser la plante des pieds sur les graviers - lorsqu'un cri strident se fit entendre du côté de l'étang.

Pivotant sur ses talons, Byleth s'élança, notant au passage qu'elle était la seule à paraître s'inquiéter de la situation. Même le garde posté en haut des escaliers se contentait d'admirer la foule tout en dégustant une boisson chaude. Byleth dévala les marches. Le costume confectionné par Hilda lui permettait de se mouvoir avec une aisance bien supérieur à sa tenue académique. Elle avait l'impression de voler.

Une petite foule s'était amassée autour de l'étang. Des étudiants lançaient à l'eau, l'un après l'autre, de petits bateaux sur lesquels était plantée une bougie. Byleth reconnut la voix de Mercedes qui soufflait :

— Si le bateau atteint l'autre rive sans que la bougie ne s'éteigne, votre voeu se verra exaucé.

— En attendant, vous effrayez le poisson, grogna une autre voix, celle de Léonie.

— Pas tous ! On raconte que le Jour des Morts, on voit apparaître dans l'étang des poissons aussi noirs qu'une nuit sans lune, attirés par la flamme des bougies. Celui qui parvient à en attraper un peut lui poser une question, une seule ! Et le poisson répondra toujours la vérité.

— Ce qui n'est pas une raison pour se pencher comme ça au-dessus de l'eau, intervint Byleth. Surtout vous, Annette.

La petite silhouette vêtue d'une tunique noire et d'un chapeau pointu se recula, vexée. D'avoir été reconnue, ou que Byleth ait rappelé à tous sa maladresse ? Elle n'eut pas le temps de s'interroger plus avant. Un nouveau cri retentit, cette fois au niveau de la serre.

Il n'y avait pas de garde posté devant la serre. Byleth fronça les sourcils. Elle avait pourtant bien insisté pour que chaque bâtiment soit gardé. Où était donc le responsable ? Une main sur la garde de son épée, elle poussa la porte... et s'immobilisa aussitôt.

Les bougies des lanternes potiron avaient été soufflées, plongeant la serre dans le noir. Seul le sommet de celle-ci était éclairé par la lune. Et, sous son plafond de verre, plusieurs spectres tournoyaient avec des hululements lugubres. Une main saisit le bras de Byleth, qui sursauta.

— Professeur ! Ne restez pas là, cet endroit est hanté !

— Les fantômes n'existent pas, Caspar. Il s'agit certainement de décoration.

— Une décoration qui crie ! ? Et qui a éteint les bougies ?

— Je ne sais pas, mais vous pourriez commencer à les rallumer pendant que je vais voir ça de plus près.

— Mais professeur...

Un véritable hurlement retentit du côté de la porte.

— Des fantômes ! Je le savais je le savais je le savais !

— Lysithea !

L'intéressée avait déjà disparu. D'autres curieux, en revanche, accouraient aux nouvelles. Dont le garde censé garder la porte.

— Où étiez-vous ? l'interrogea Byleth.

— Anna faisait une promotion sur les bonbons... répondit le garde, piteux. Je ne suis parti qu'un instant.

— Assez pour que quelqu'un aie le temps d'éteindre les bougies et d'installer ces choses, fit-elle remarquer.

— Des... des fantômes ? fit le garde en pâlissant.

— Il me semblait que c'était dans le thème du jour. Mais apparemment, certains étudiants trouvent la décoration un peu trop réaliste.

— Pas moi, se hâta de souligner Caspar. J'ai simplement trébuché sur un potiron dans le noir.

— Bon. Vous, dit-elle au garde, empêchez tout le monde d'entrer le temps que nous réglions ça. Il me faut deux volontaires pour rallumer les citrouilles. Et Caspar, venez m'aider à porter l'échelle.

Il s'avéra que les fantômes n'étaient rien de plus que des lanternes revêtues d'un voile et équipées d'un appeau à chouette qui produisait les hululements. Byleth s'empressa de les confisquer.

— C'était une blague stupide.

— Stupide, confirma Caspar.

Son masque de loup-garou avait glissé sur le côté, dévoilant un visage qui reprenait rapidement des couleurs.

Byleth remercia Mercedes et Annette qui avaient rallumé les citrouilles, puis se dirigea vers le poste de garde avec ce dont elle suspectait que ce serait la première fournée d'une longue série de confiscation.

Alors qu'elle parvenait au bout des dortoirs, une bourrasque glacée manqua de lui arracher les lanternes des bras. Elle s'immobilisa, aux aguets. Ce n'était pas une bourrasque de vent ordinaire, elle en aurait juré. Il s'y mêlait des relents de renfermé et de terre humide. Mais elle eut beau chercher, elle ne trouva pas d'où elle avait pu venir. Baissant les yeux sur les lanternes fantômes, elle se surprit à souhaiter n'avoir rien de pire à gérer cette soirée que ça.

Note: le script d'origine était Casper le grand frère, mais Caspar, Casper, c'est presque pareil (par contre Caspar étant un cadet, j'ai changé la fin).

Les fantômes de Garreg Mach (Fire Emblem Halloween Fanfiction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant