Chapitre 29

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- Viens, suis-moi ! s'exclame Fenyx en s'élançant dans la ruelle.


Gabriel soupire et le talonne, impatient de savoir ce qu'ils vont encore faire. Les deux garçons marchent côte à côte, tranquillement, jusqu'à rejoindre une avenue animée. Là, ils patientent à un arrêt de bus en compagnie de quelques bourgeois à l'air hautain.

- Je donnerais tout ce que j'ai pour enlever cet air de leur face... marmonne Fenyx.

Gabriel jette un coup d'œil, et acquiesce silencieusement. De l'autre côté de la rue, des gamins crasseux jouent avec un chien, tout aussi crasseux. Ils viennent des bas quartiers. Ils sont sûrement là pour mendier et rapporter de l'argent à leur foyer. Une femme bourgeoise, qui patiente avec eux à l'arrêt de bus, plisse le nez comme devant une bouse de vache et beugle à son époux :

- Dire qu'on laisse cette racaille se promener à sa guise dans NOS beaux quartiers... c'est... répugnant !

- Ouais, aboie son mari (un homme très dodu avec la limite entre son menton et son cou extrêmement floue), on devrait faire construire un deuxième mur entre nos quartiers et les leurs.

Gabriel baisse les yeux et observe ses chaussures qui commencent à se trouer. Il a tellement honte et éprouve tellement de colère qu'il n'ose pas lever les yeux vers Fenyx. Enfin, il finit par relever la tête, mais son compagnon n'est plus là ! L'adolescent se dévisse le cou et l'aperçoit qui traverse la rue en courant pour le rejoindre.

- Mais où étais-tu ? l'interroge Gabriel.

- Prépare-toi pour le spectacle !

Les gamins crasseux regardent dans leur direction, se murmurent des choses à toute vitesse puis traversent l'avenue à pas rapides et se dirigent vers leur arrêt de bus. Gabriel interroge Fenyx du regard, mais celui-ci reste silencieux et son familier sourire sournois déforme ses traits.

La bourgeoise à l'air hautain plisse encore plus le nez et esquisse un mouvement de recul en voyant les gamins avancer vers eux. Elle tape du coude son mari :

- André, fais quelque chose, ils arrivent !

Le bourgeois secoue les mains en direction des enfants qui se rapprochent d'avantage, comme pour chasser des mouches.

- Allez ouste ! Du balai les morveux !

Mais les enfants ne s'en vont pas. Au contraire, ils tournent à présent autour de l'arrêt de bus en poussant des cris de joie. Leur chien aboie en les suivant. Gabriel éclate de rire en voyant la tête des bourgeois. Certains s'écartent discrètement avec un air horrifié, d'autres font semblant de ne pas les avoir vus et certains, comme la vieille bourgeoise et son mari, sombrent dans l'hystérie.

- Enfin André ! Appelle la police !

- Foutez le camp bande de chiens galeux ! crie André.

Son menton-cou se secoue dans tous les sens alors qu'il suit du regard les gamins qui courent à présent autour du couple. La bourgeoise hurle qu'ils vont la salir, elle est au bord des larmes. Soudain, le chien lui saute dessus et lui lape le visage. Elle se met à tourner la tête dans tous les sens, criant de toutes ses forces. Son mari essaye de dégager le chien. Les enfants se mettent à les coller en riant, criant joyeusement. Ils les enlacent, tirent sur leurs bijoux, cherchent leurs portefeuilles, arrachent quelques boutons de chemise à l'homme, enlèvent la perruque de la femme qui se retrouve avec un crâne dégarni, puis finissent par décamper à toute allure tandis que le bus arrive.

Un petit garçon de la bande lance un clin d'œil à Fenyx avant de disparaître avec les autres. Souriant, le jeune homme monte dans le bus, suivi par Gabriel, toujours pris de fou rire.

FenyxWhere stories live. Discover now