Chapitre 25

171 32 0
                                    

En regardant à travers la porte vitrée, il observe une masse d'habitants regroupés au centre du bar. Que peuvent-ils donc regarder ainsi ? Il décide d'entrer. A l'intérieur, personne ne fait attention à lui. Tous semblent concentrés.

- Mes amis ! dit une voix que Gabriel jure avoir déjà entendue. Est-ce que vos vies vous plaisent ? Avez-vous assez d'argent ? Avez-vous tout le confort dont vous avez besoin ?

La foule de spectateur s'agite et répond « non » à l'unisson. Certains grognent, d'autres boivent bruyamment leur chope de bière.

- Êtes-vous au courant, mes amis, reprend la voix, que de l'autre côté du mur, les habitants de la Ville vivent tous dans de somptueuses villas ? Ils ont des costumes d'or et de diamants (le ton qu'emploie l'individu semble soudain très ironique) pendant que vous, vous crevez de faim comme des chiens !

La foule commence à huer, à crier son mécontentement.

« A bas les aristocrates ! » râlent quelques-uns.

- Sans parler de leur gouvernement et des lois IN/OUT ! reprend l'homme. Vous autres, habitants des bas quartiers, vous retrouvez ici car une ou plusieurs choses chez vous ne sont pas IN. Quelle est donc cette injustice ? Vous êtes condamnés à crever de faim sous seul prétexte de n'être pas ''comme il faut'', alors que les aristocrates détiennent les pleins pouvoirs, les pleines richesses et gardent la main mise sur le système des finances de la Ville !

La foule recommence à crier. Une femme s'exclame « mais on ne peut rien y faire ! ».

- Justement, si ! répond l'homme. Quelque chose est en place, mes amis. Un mouvement. Un complot grandiose se dessine peu à peu et pourrait prendre forme avec VOTRE AIDE ! Ensemble, nous rétablirons la justice ! Approchez Mesdames et Messieurs les réprimés, inscrivez votre nom et adresse pour vous joindre à moi dans ce combat contre la séparation des habitants de la Ville. Je vous donnerai rendez-vous par lettre pour les prochaines réunions, où vous pourrez en savoir plus. Rappelez-vous, pour que ça bouge, vous DEVEZ vous bouger.


Un bruit indique à Gabriel que l'individu qui parle vient de descendre de la table sur laquelle il était perché. Les gens dans le bar se bousculent et lors d'une brèche, le jeune adolescent aperçoit enfin celui qui a tenu ces propos si justes et brûlants. C'est un homme brun, d'une vingtaine d'années. C'est tout ce qu'a le temps de noter Gabriel car la foule se bouscule encore devant lui. Tous s'inscrivent sur la feuille à tour de rôle. Le garçon attend son tour avec une impatience dévorante. Cet homme vient de faire monter en lui un désir fou. Celui de la justice. 

Lui, Gabriel, cet adolescent désespéré et d'une tristesse incomparable, vient, pour la première fois de sa vie, sentir naître en lui un espoir incandescent. Il en oublie sa journée désastreuse au lycée, il en oublie ses problèmes. Cet homme vient de faire bouillir la vie dans son cœur en quelques mots.


Son tour de signer arrivant, Gabriel se retrouve soudain nez à nez avec le révolutionnaire. Malgré ses cheveux noirs, il le reconnaît aussitôt. C'est l'inconnu des rochers. Ce-dernier lève ses yeux bleus vers Gabriel et semble également le reconnaître car un sourire étonnement doux étire ses lèvres. Le jeune adolescent écarquille les yeux, très perturbé. Il a attendu toute la semaine de pouvoir le revoir et maintenant qu'il est devant lui, un énorme poids lui comprime l'estomac et l'empêche de parler. D'autant plus que c'est cet homme qui vient de le faire vibrer par son discours et que son admiration pour lui a grimpé en flèche. Et maintenant, il voit Gabriel comme il est : un habitant des bas quartiers. Très honteux, vertigineux, le jeune adolescent tourne subitement les talons et traverse la foule pour quitter le bar à grande enjambée.

FenyxWhere stories live. Discover now