Chapitre 2

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L'adolescent embrasse sa mère sur la joue. Cette dernière lève ses yeux globuleux et lui adresse un pauvre sourire fatigué.

- Comme tu es beau, mon fils, dit-elle en lui caressant la joue.

Gabriel se force à lui retourner son sourire et lui dit de s'asseoir pendant qu'il prépare le petit déjeuner. Il ouvre les placards. Comme d'habitude, il n'y a pas grand-chose. Il attrape un vieux paquet de pains au chocolat bon marché. Le genre de produits tellement bourrés de produits chimiques qu'ils ne périment jamais. Il reste deux pains dans le paquet. Il en tend un à sa mère et garde l'autre pour lui. Il prépare aussi du cappuccino à partir d'une poudre. Il verse une tasse pour sa mère et une autre pour lui. James n'aura qu'à se débrouiller quand il se décidera à sortir du lit. Ce dernier ne travaille pas non plus. La famille vit des CPHED (Cotisations Pour Habitants En Difficulté), versées uniquement au père de famille. James passe sa journée dehors, personne ne sait ce qu'il fabrique. Il rentre uniquement au milieu de la nuit.

L'adolescent boit rapidement son cappuccino et grignote la moitié de son pain au chocolat. Ensuite il se lève, chausse ses baskets.

- Tu ne finis pas ton pain ? demande sa mère.

- Je le garde pour un truc, répond le garçon en fourrant l'autre moitié de la brioche dans la poche de son sweat.

Il termine de lacer ses baskets et met son sac sur son dos.

- Tu rentres à quelle heure aujourd'hui ? le questionne Salomé.

Comme le garçon n'aimerait ne jamais rentrer... Comme il aimerait gagner au loto et partir loin, très loin de James. Dans un autre pays ensoleillé où il n'y aurait que sa mère et lui. Salomé reprendrait des couleurs, retrouverait sa joie de vivre, loin de la pauvreté, loin de leur appartement minable, loin de ce quartier. Et James moisirait tout seul, dans ce trou à rat.

- Je rentrerai vers dix-huit heures, je finis tard les cours aujourd'hui.

Sa mère lui souhaite une bonne journée et Gabriel quitte la maison. Le lycée, quelle perte de temps. Si sa mère n'avait pas autant insisté pour qu'il y aille, le garçon n'y aurait jamais mis les pieds et aurait plutôt trouvé un travail pour améliorer leurs conditions de vie.

Il descend les quatre étages sans ascenseur et sort de l'immeuble. Le soleil est caché par de gros nuages gris, rendant les rues crasseuses du quartier encore plus sinistres que d'habitude. L'adolescent rabat la capuche de son sweat sur sa tête et marche d'un pas pressé en direction de la gare. Il s'engage dans un tunnel sentant la pisse, où des tags aristophobes et anti-régime jonchent les murs. Contre un des murs, un SDF dort sur un carton. Gabriel s'approche de lui, sort la moitié du pain au chocolat de sa poche et la dépose sur le carton.

Une fois arrivé à la gare, tout aussi miteuse que le quartier, le garçon monte dans le car menant à son lycée et va s'asseoir tout au fond. Il est seul. Le chauffeur croise son regard dans le rétroviseur. Gabriel détourne les yeux, soudain angoissé. Il n'aime pas que les hommes le regardent. Le bus démarre enfin. Il quitte les bas quartiers et traverse des villages plus jolis, au cœur des quartiers bourgeois. Il s'arrête à plusieurs reprises dans ces villages, faisant monter d'autres lycéens. Ceux-là bavardent, rient, sont propres et bien coiffés.

L'adolescent les observe du coin de l'œil. Leurs parents doivent les emmener au centre commercial dans une voiture familiale où passent des chansons joyeuses couvertes par le brouhaha de leurs discussions animées. Ils doivent faire du shopping ensemble et se disputer pour choisir la marque de leurs céréales. Ils ont sûrement plusieurs bouteilles de shampoing chez eux, un pour chaque membre de leur famille. Pour Noël, ils doivent se regrouper dans leurs jolies maisons et manger de la dinde en famille, un énorme sapin décoré dans le salon.

FenyxWhere stories live. Discover now