Chapitre 58

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PDV Mika

Mi-septembre,

J'accompagne Dany toutes les deux semaines à ses affrontements de merde, on part pour le week-end à chaque fois et j'ai du mal de justifier mes absences à Hélène.

D'ailleurs, elle me reproche de rester pote avec Dany, vu ce qu'il a fait à Marie, même si elle et Marie se voient moins à cause de moi et de mon lien avec mon frangin.

Dans toute cette merde bien poisseuse, mon couple bat de l'aile et c'est clairement un dommage collatéral à cette putain d'histoire avec Gab. Le pire, c'est que j'peux pas dire la vérité à Hélène, sans avoir l'impression de trahir mon frangin, qui fait tout ce qu'il peut pour prouver à Gab que Marie n'a jamais compté pour lui.

Bordel, malgré l'entraînement de malade que lui fait subir Jean-Louis et malgré les « après combats » difficiles, Dany trouve la force de baiser des grosses pouffes aux nibards gonflés de silicone, qu'il rencontre dans ces soirées et qu'il ramène dans sa chambre d'hôtel. D'après ce qu'il dit et ce que j'entends à travers les murs fins de ces trous à rats, elles ont le feu au cul et sont folles de bites.

À ça s'ajoutent les plans culs qu'il enchaîne quand il est censé gérer son bar, où il picole sévère... putain, un bon coup porté au foie durant l'un de ses combats pourrait l'envoyer au tapis direct, heureusement il connaît cette grosse faiblesse et arrive à protéger son côté.

Sauf que dans la cage aussi il déconne, parce que je vois bien qu'il offre délibérément à ses adversaires l'opportunité de cogner dur... au début, il prenait autant de plaisir à cogner qu'à encaisser, mais maintenant, il prend plus de plaisir à avoir mal qu'à frapper. Je l'sais parce que j'le connais bien et j'le vois à son regard satisfait, chaque fois qu'il va entrer en cage. Quand il en ressort vainqueur, il est froid et distant, parce qu'il voudrait souffrir plus.

Pour le moment, Gab ne lui a pas demandé de se « coucher », il fait encore grimper les paris, mais tôt ou tard ça arrivera, fait exprès ou non !

Quand Dany a remporté la victoire le fameux vendredi soir, Gab était vraiment satisfait, parce que le public en a eu pour son argent. Tous les gros friqués de ce soir-là l'ont choisi comme favori, du coup les mises grimpent en flèche et les adversaires de Dany sont de plus en plus balèzes. Le public est d'ailleurs scindé en deux : d'un côté ceux qui le pensent indétrônable et ceux qui veulent le voir tomber.

Quand Dany est entré dans ce fameux circuit clandestin, on pensait qu'il n'y aurait qu'un combat par soir, mais on se trompait. Il a toujours trois affrontements à faire, tout comme les autres participants.

À la fin de la soirée il a bien morflé, heureusement les toubibs sont là pour recoudre les plaies et évaluer les dégâts osseux... pour le moment, même s'il morfle il n'a rien eu de grave, mais Jean-Louis avait raison quand il disait que, plus la foule allait réclamer du sang, plus les combats allaient être hard.

Je flippe de plus en plus alors qu'on avance dans le temps, et fin décembre est encore loin, j'sais vraiment pas comment Dany va finir.

Ce soir on est dans une zone industrielle et il y a beaucoup de monde pour assister aux combats. On en est au dernier affrontement de la soirée et Dany va entrer en cage.

La foule, cette viande saoule, est agitée et jacasse, créant un grondement agaçant. Certains ou certaines jettent le contenu de leur verre dans l'arène, ils veulent du spectacle, ils veulent de la souffrance et du sang.

Putain, c'que j'aimerais rien qu'une fois être autorisé à coller un bon direct dans chaque gueule qui veut franchir les portes de ces endroits.

En plus de raquer, ils et elles devraient être capables d'encaisser un seul coup dans leur tronche pour avoir le droit d'assister aux combats. Ils et elles devraient éprouver dans leurs chairs ce que ça fait que de recevoir un seul coup de la puissance déchaînée dans la cage... et le résultat serait comme on dit « beaucoup d'appelés, très peu d'élus » parce que c'est clair, ceux qui resteraient debout après ça, ne seraient pas nombreux.

La cloche tinte et Dany va au contact, son adversaire est un ancien champion de Muay Thaï. Ils se frappent et s'évaluent l'un l'autre, mais la foule réclame de l'action pure et dure, alors les compétiteurs obéissent bien malgré eux, portés par l'ambiance déchaînée de la soirée.

Putain, ça y est, Gab vient de faire signe à Dany !

Le frangin va au contact, encaisse un coup puis un autre, et il baisse sa garde libérant son foie, son adversaire profite de l'ouverture et frappe. Dany recule sous l'intact et se tient les côtes, mais la rage qui se libère dans la cage est plus forte que la douleur, alors Dany va encore au contact.

Les coups sont donnés et rendus, Dany encaisse et encaisse... pour finir au tapis. Son esprit compétiteur lui dicte de se relever, mais la douleur le cloue au sol.

L'adversaire veut finir en beauté alors il tourne autour de Dany et harangue la foule, qui réclame un KO. Le mec approuve et lui flanque un coup de pied dans les côtes, puis il offre le KO à la foule d'un coup de pied en pleine tête.

Les toubibs entrent rapidement dans la cage pour ausculter Dany, la foule est plus accrochée aux gestes des toubibs qu'au vainqueur de ce soir. Heureusement, Dany revient vite à lui et veut se mettre debout, alors une partie de la foule l'applaudit.

J'attends un moment, le temps que les médecins terminent leur examen, et putain ce gros connard est chanceux, il n'a rien hormis des contusions, même si j'ai pour consigne de le surveiller cette nuit, au cas où il aurait une commotion cérébrale.

Dany monte en voiture, on part rejoindre notre hôtel bas d'gamme, on en est à la moitié du trajet et les enceintes crachent du SOD.

De colère, je serre le volant à plusieurs reprises et subitement la chanson « Chop Suey ! » agit comme déclencheur, alors je me mets à frapper le volant en gueulant « PUTAIN, PUTAIN, PUTAIN ». Dany qui est enfoncé dans son siège me regarde blasé, il sait ce que je pense :

— Si tu peux pas rester à ta place, je m'arrangerai avec Gab, me lance-t-il.

— J'SUIS À MA PLACE CONNARD, hurlè-je en donnant un coup de volant pour garer la caisse.

Je soutiens son regard froid et j'tente de faire retomber ma colère :

— J'suis à ma place connard et j'ai pas l'intention de t'laisser te détruire ! lui affirmè-je.

— On savait tous les deux où j'mettais les pieds, souffle-t-il. Si tu peux pas l'encaisser j'm'arrangerai avec Gab ! insiste-t-il.

— Putain d'merde, soufflè-je désespéré. Tu veux finir comme un légume ou crever ? C'EST CA ? hurlè-je en frappant le volant.

Face à son silence, je cogne plus fort ce putain d'volant et hurlant ma colère. Dany attend que j'me calme sans rien dire.

— Comment on en est arrivés là, putain ? soufflè-je.

— On en est là, parce que j'suis tombé amoureux d'Marie et que Rolo a pensé que j'me désintéressais de ses problèmes, parce que j'étais moins présent pour Caro et pour lui... on a merdé tous les deux...

Je dévisage Dany, parce que j'sais pas quoi dire et surtout j'me demande s'il s'est rendu compte qu'il vient d'avouer ses sentiments pour Marie, il l'aime vraiment profondément, y'a plus aucun doute possible et j'ai mal pour lui, pour elle...

Boomerang  (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant