Chapitre 66

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PDV Dany

Flash-back coma

J'aime ce sentiment de plénitude.

Dehors il fait froid et il neige fort, alors que chez Marie il fait bon. Nous sommes tous les trois installés devant un dessin animé, Samy est affalé sur mon torse et Marie s'est calée contre moi pour le câliner... je suis bien, grâce à leur chaleur j'ai chaud juste comme il faut.

Je suis forcé de lever les yeux en direction de la télé qui émet un grésillement agaçant, alors que dans le même temps des images viennent parasiter mon moment de bonheur...

Je me retrouve dans la cage et le grondement de la foule, qui réclame du spectacle et de la souffrance, m'assourdit. Je ne veux pas être là, je veux retrouver Marie et Samy, mais quand mon adversaire s'avance sur moi, je n'ai pas d'autre choix que de combattre pour sortir de la cage... alors les coups s'enchaînent sous l'euphorie croissante de la foule assoiffée de sang.

Quand je m'effondre, je suis anesthésié, je n'éprouve ni la douleur physique, ni la douleur de l'absence de Marie. Allongé au sol au milieu de la cage, je fixe la lumière aveuglante. Autour de moi le brouhaha des voix me parvient de manière distordue, malgré ça, j'entends distinctement Mika m'appeler, alors je tourne la tête dans sa direction. Le frangin me demande de me relever.

C'est ce que je voudrais. J'voudrais me relever et sortir de la cage pour que le frangin nous ramène chez nous, mais mon corps refuse de m'obéir, j'ai l'horrible impression que mes jambes et mes bras ne sont que des poids morts accrochés à mon tronc... je panique et ferme fort les yeux pour invoquer l'image de Marie...

Je me retrouve devant chez moi appuyé contre ma moto et regarde Marie. Mon palpitant s'emballe à la seule idée qu'elle va faire une virée avec moi. Je lui offre un casque et un blouson en cuir. Ma p'tite bikeuse est presque prête, je remonte sa fermeture éclair et la regarde dans les yeux « ça va t'plaire, Marie » lui affirmè-je complètement sous son charme. Puis le moteur rugit et la vitesse nous emporte.

L'asphalte est presque infini et je pourrais rouler pour toujours avec Marie derrière moi, sauf que je dois m'arrêter pour faire le plein, alors Marie s'éloigne et Rolo me rejoint en bécane. Putain, c'que je suis content d'le voir, on n'a pas le temps de discuter, parce que des crissements de pneus nous vrillent les oreilles, alors on regarde en direction de la route...

Il fait nuit noire, il pleut... Rolo est maintenu par les deux cerbères de Gab et cet enfoiré s'acharne sur mon frangin. J'veux l'aider, j'veux le sortir de cette merde, alors j'fonce sur eux, je frappe, je cogne, explose des nez et j'défonce la gueule de Gab, j'ai tant de rage en moi, et je cogne encore plus fort...

Ma vision se brouille et j'suis à nouveau avec Marie, nous sommes dans la cabane bulle sous un ciel étoilé et Marie me chevauche... me guide jusqu'à la plénitude.

Essoufflée par l'orgasme, Marie est glorieusement belle et épanouie au-dessus de moi. Je suis émerveillé par sa force tranquille et je voudrais lui dire que je lui appartiens corps et âme, mais les mots m'échappent, parce que ce bien-être me laisse sans voix.

Marie se détache de moi en soupirant d'aise. Alors que je la sens blottie contre moi, elle disparaît... putain, cette absence est trop douloureuse !

Je sors du lit pour la rejoindre, car elle doit être sous la douche. La porte entrebâillée de la salle de bains m'éclaire et j'avance, me voilà dans la chambre de Samy, il dort profondément allongé sur le flanc, la tête accolée à son doudou, qu'il tient de son poing.

Putain, c'que j'aime ce môme, c'que j'aimerais être son père, c'que j'voudrais que Marie m'aime assez pour qu'on donne une petite sœur à Samy... notre fille serait magnifique et j'aurais une petite Marie à blottir dans mes bras et à aimer comme un dingue.

Je s'rais tellement heureux avec mes frangins qui sont ma famille et Marie et nos enfants qui sont mon foyer... cette vie-là, je la veux !

Mais mon esprit voyage encore et je repars, j'alterne entre les moments que j'ai passés avec Marie et Samy, mes frères, la cage où je revis chaque combat, les conversations désagréables avec Gab, et je revois Marie en septembre devant ma porte...

J'éprouve une telle peur à l'idée que Gab veuille s'en prendre à nouveau à elle, j'ai pris conscience que j'étais incapable de la protéger, mais je sais qui pourra le faire, alors je sors en trombe de chez moi et me dirige là où sa double vie le force à être...

Le soir où j'ai fait mes preuves dans la cage, j'avais reconnu parmi la foule Patrick le frère aîné de l'ex de Marie. On s'était à peine croisés le soir de la petite fête pour le départ d'Étienne, alors j'en ai rien eu à foutre qu'il soit là ce fameux vendredi, à mener une double vie. Avec le temps, j'ai réalisé qu'il n'était pas juste un fan des combats clandestins, mais l'un des organisateurs.

Le désespoir m'a forcé à aller le trouver, il s'est montré si prévenant quand j'ai franchi le seuil de son agence, mais quand on est entrés dans son bureau son autre vie a pris le dessus, ou plutôt c'est son autre personnalité qui est sorti.

Il était sur la défensive jusqu'à ce que j'évoque le fait que Gab venait de se servir une nouvelle fois de Marie :

— J'suis pas en position de protéger Marie, lui avais-je dit. Mais toi, j'sais que tu peux, vu ta place dans le Circuit, je sais que tu as suffisamment le bras long pour t'assurer que Gab ne l'approche plus jamais !

On a discuté et son téléphone a sonné « j'arrive ! » avait-il affirmé à son interlocuteur.

— J'ai bien compris votre combine à toi et à Gab, m'avait-il affirmé. Et j'admets que je me suis servi de toi pour faire grimper les paris et j'ai moi aussi gagné du fric sur ton dos... j'ai laissé faire et j'étais plutôt satisfait que tu sois sorti de la vie de Marie et de mon neveu, alors sois certain que si Gabriel cherche encore à mêler Marie et Samy à vos histoires, il me devra des comptes et des gros !

Je repars brusquement, je suis dans la chambre de Marie, dans son lit, dans ses bras et je veux y rester, on est si bien tous les deux... malheureusement, une fois encore, j'suis happé vers la lumière, un « bip, bip, bip » m'insupporte et m'oblige à faire de gros efforts pour ouvrir les yeux...

Mes paupières sont lourdes et mon corps est ankylosé, j'ai l'impression que mes jambes et mes bras sont des poids morts accrochés à mon tronc...



Dimanche 3 janvier, après-midi,

Ça fait deux jours que je suis réveillé. Je me réapproprie lentement mon corps, parce que mes bras et mes jambes ont toujours du mal à répondre à mes exigences.

Les toubibs m'ont fait passer quelques tests depuis mon réveil, apparemment j'ai un bon ange gardien, parce que l'œdème cérébral n'a fait aucun dommage à mon cerveau... si chaque mouvement n'était pas si compliqué à réaliser je pourrais dire « youpi, quelle bonne nouvelle ».

En tout cas, je n'ai pu voir personne d'autre que les blouses blanches et je sais plus très bien ce qui m'a conduit à l'hosto. Peu après mon réveil, je me souviens que j'ai demandé aux infirmières d'appeler Marie et Mika parce que je voulais les voir... il m'a fallu une journée pour me rappeler que je n'étais plus avec Marie, et c'est à ce moment-là que la douleur de son absence est revenue... quelle vie d'merde, putain !

Boomerang  (terminé)Where stories live. Discover now