Chapitre 11

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PDV Marie

Début juillet, premier samedi du mois, c'est ma soirée filles.

Moulée dans un skinny blue-jeans, un bustier noir sans bretelle et perchée sur mes escarpins, sans oublier mon chignon négligé et ce soir mes lentilles, il est impossible de voir que je suis une maman solo, ou de me différencier des autres nanas insouciantes de ma joyeuse troupe.

Comme à chaque soirée filles, on a appelé un Uber pour nous véhiculer, pas question de conduire si on picole. Samy n'a que moi, hors de question de dépasser les limites... Ouais. Bon. Je ne suis pas si insouciante que ça, finalement.

Nous avons réservé pour 20h30 dans le meilleur resto chinois de la ville. Nous sommes toutes attablées ou presque, puisque Maggie m'a envoyé un message pour me prévenir de son retard. Nous faisons durer l'apéritif un long moment jusqu'à ce que ma sœur daigne se pointer.

Le repas se passe bien. On boit et on rit beaucoup, il faut dire que les cocktails nous rendent euphoriques, très vite les conversations tournent toutes autour d'un même sujet « les mecs » :

Hélène est son Mika, Béa et son nouveau mec Hervé, Sév et son ex (ou pas ?) Anthony, Maggie et ses plans culs. Angèle et moi sommes les deux seules célibataires, du coup les filles en viennent à nous conseiller les rencontres en ligne.

Je dévie la conversation en donnant des nouvelles d'Étienne, le père de Samy : normalement, il sera là pour le mois d'août. Aussi, ce qui me semblait être une bonne nouvelle a le curieux don de casser l'ambiance. Heureusement, Angèle fait rebondir la discussion sur nos futures destinations de vacances.

Le repas se termine sur les suppliques d'Hélène qui veut aller voir Mika, parce qu'elle est un tantinet jalouse à l'idée qu'il passe une soirée dans un bar sans elle. J'imagine que pour la confiance, il faudra repasser, mais j'évite de le dire à voix haute, on est censées s'amuser ce soir pas se quereller.

Je rechigne à aller dans ce bar qui ne m'a pas fait bonne impression la première fois, d'autant que Maggie m'a fait quelques confidences... Malheureusement il est encore tôt, on ne peut pas se pointer en boîte à 23h, c'est naze.

Donc un coup de téléphone plus tard, nous voilà parties avec notre chauffeur Uber, à contrecœur en ce qui me concerne, direction le bar du pote de Mika.

Et comme à chaque fois, aller savoir pourquoi, je suis assise à l'avant du monospace, à côté du conducteur. Ça me donne l'étrange image « du papa et de la maman » qui conduisent leurs filles en soirée... Ooook, ce nouveau constat alarmant d'être la seule nana responsable du groupe me donne la curieuse envie de me saouler !

Le chauffeur nous dépose. Hélène en tête de file, nous entrons dans le bar qui est archi bondé. La barmaid semble la reconnaître et lui indique d'aller au fond. Maggie et Angèle dévient pour gagner le comptoir, tandis que nous nous dirigeons vers ce qui doit être un genre de carré VIP.

« Pfff, quelle prétention » pensè-je, en voyant Mika et ses potes installés dans des canapés en cuir noir, autour d'une table basse ornée de deux bouteilles de vodka et une de whisky. Et oh surprises, cinq nanas tiennent le crachoir à ces cinq mâles. Bon, la soirée promet !

En voyant Mika blêmir de loin, je n'ai aucune envie d'assister à une scène donc je prends la tangente et file vers les toilettes du carré VIP, ça c'est cool, pas besoin de faire la queue !

Je pousse la porte avec le logo « pour dames » et tombe sur un couple en train de baiser contre le lavabo. À ma décharge, la musique est assez forte pour couvrir les conversations et les cris de madame.

Je me bouche les yeux comme une gamine et fais volte-face en me payant le chambranle de la porte... aïe ! Rouge de honte, je fonce m'asseoir et prie pour ne pas avoir été vue.

Dix minutes plus tard et alors que j'en suis à mon quatrième shot de vodka, le patron du bar et son plan cul sortent des toilettes. Lui jette un œil sur la salle et va au bar et elle disparaît parmi la foule.

L'alcool commence à me monter aux joues et la chaleur dans le bar est déjà étouffante, je prends la main d'Angèle et lui demande de m'accompagner dehors. Il y a beaucoup de monde, alors nous nous dirigeons péniblement vers une porte sur le côté, qui donne sur une petite ruelle.

À l'extérieur, nous veillons à ne pas refermer la porte complètement pour rentrer facilement, même si je n'ai pas envie d'y retourner, l'air frais de cette nuit est vraiment agréable.

Angèle a à peine le temps d'allumer une cigarette que la porte s'ouvre brusquement, à l'intérieur « Toxicity » de SOD résonne à plein volume alors que nous assistons à une scène surréaliste :

Le patron du bar traîne un type à l'extérieur en lui faisant une clé de bras, « c'est qu'une allumeuse ! » grogne le mec foutu dehors. Puis il hurle des insultes tout en étant projeté contre une grosse benne-poubelle par le tôlier. Rendu agressif par l'alcool et l'humiliation, le type attrape une bouteille vide et se jette sur lui.

De peur, Angèle et moi retenons notre respiration et je lui serre la main. De là où nous sommes, nous entendons les dents du mec s'entrechoquer grâce à un magistral direct du droit. Tandis que la bouteille frappe l'asphalte sans se briser, le type recule en se tenant la mâchoire, puis il crache du sang et tend un index accusateur en direction du pote de Mika :

— Tu me payeras ça, bâtard, grogne-t-il.

— Quand tu veux, répond l'autre.

Angèle et moi restons figées et silencieuses.

Le patron regarde le mec s'éloigner, et quand il est sûr qu'il ne reviendra pas, il fait volte-face, mais son regard se pose sur nous :

— Faut pas rester là ! nous ordonne-t-il.

Boomerang  (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant