VIII - Marcheurs d'Ortong (B)

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L'attaque des fées avait fait plus de dégâts qu'il ne l'avait tout d'abord estimé. Des changements physiques et moraux transformaient doucement ses habitants. Une malédiction pesait sur eux.

Serrant le livre contre sa poitrine avec autant de rage que de détresse, Jarl repartit vers le camp des coordinateurs. Son Maitre ne pouvait lui arracher son rêve premier après le lui avoir fait miroiter ! De plus qu'avait-il pu faire en tant qu'artefacier lors de l'attaque ? Rien ! Il savait que sa décision d'avoir défié son maitre était juste, et pourtant une crainte acide empêchait son esprit de s'apaiser.

Enfermé dans sa bulle de débat intérieur, Jarl ne vit pas Annie passer près de lui. Il la bouscula rudement. Reprenant conscience de son entourage, il s'agenouilla pour soutenir la jeune fille qu'il avait fait chuter. La Faël promise à Spiros sembla heureuse de la voir et Jarl pesta contre sa malchance. Il ne pouvait pas lui révéler l'aventure de son ami et il allait devoir trouver une astuce pour échapper à ses interrogations.

Il se composa un visage aussi neutre que possible et s'excusa pour sa maladresse. Comme il s'y attendait, elle attaqua aussitôt le sujet sensible.

— Où est Spiros ? Je n'arrive pas à le trouver depuis la fin des combats ! Je suis morte d'inquiétude pour lui ! Tu es son meilleur ami, tu ne sais pas où il est ?

— Il a passé la nuit chez lui... Révéla Jarl en essayant de ne pas trop se mouiller. Si jamais je le vois je peux peut être lui transmettre un message de ta part, si tu veux... Ajouta-t-il innocemment.

Elle réfléchit un instant. Son visage aux pommettes rondes et la bouche délicate révéla alors l'inquiétude qui la poussait à chercher son coordinateur. Elle choisit de s'expliquer.

— Si je te confie ce que je vais dire, c'est parce que je sais que tu es quelqu'un de confiance. Tu es l'ami de Spiros alors je sais que je peux compter sur toi... J'ai l'impression qu'il cherche à m'éviter pour une raison que j'ignore et j'ai peur qu'il lui soit arrivé quelque chose de grave cette nuit-là ! Je suis la seule qui soit assez proche de lui pour l'aider ! M'aideras-tu à le convaincre de me voir ? Je t'en prie...

La détresse de la jeune fille au visage poupin toucha celle que ressentait Jarl en ce moment. Mais il se força à barricader son cœur contre les assauts attendrissant des yeux implorants d'Annie.

Il avait été témoin de l'acte de son ami, et il savait que rien ne bon ne ressortirait de la confrontation des deux promis. Il essaya de se sortir de la situation embarrassante où il s'empêtrait.

— L'horreur des combats l'a un peu chamboulé. Il a besoin de temps pour retrouver ses marques. Je crois que c'est pour cela qu'il s'est éloigné. Je ne pense pas que tu devrais t'acharner à le chercher pour le moment. Je lui parlerai en tout cas. Il vaut mieux que tu retournes au travail. Le village a besoin de se reconstruire. Excuse-moi, je dois moi aussi me dépêcher, j'ai une mission à remplir.

Jarl afficha l'air le plus affligé et compatissant qu'il put mais il sentit que ses mots n'avait pas su trouver avec justesse le cœur de la jeune Faël plein d'inquiétude.

— C'est aussi mon devoir de prendre soin de mon coordinateur ! Et la plupart des cérémonies de lien ont été avancées à cause de la menace qui pèse sur le village ! Alors ne me dit pas ce que je dois faire ! Je vois que tu as pris le parti de ton ami et que tu ne me seras d'aucune aide ! Vas donc là où on t'attend ! Je me débrouillerais toute seule !

Se détournant d'un Jarl de plus en plus emplis de remords, elle se dirigea d'un pas rapide vers une tache connue d'elle seule.

Le jeune homme soupira, conscient d'être le dernier des maladroits. Il reprit pourtant sa route avec résolution.

C'est la mine sombre que Jarl retrouva l'archiviste et la jeune Faël là où il les avait laissées un peu plus tôt.

— Les nouvelles ne sont pas bonnes, n'est-ce pas... ? Devina la femme quand il déposa son bien sur la table, au milieu des derniers artefacts non triés.

L'apprenti soupira mais sans révéler le fond de sa pensée. Il ouvrit l'ouvrage à la page qui l'intéressait et le poussa en silence sous les yeux de son interlocutrice. Un sourire avait illuminé la jeune apprentie à son arrivée, pour disparaitre aussitôt à la vue de son humeur.

— C'est ce que je craignais ! Émit l'archiviste, plus pour elle-même que pour son entourage proche. Qu'a dit ton maître ? Voulu-t-elle savoir ensuite.

Jarl ne sut pas quoi répondre. Après sa dispute, il n'avait pas les idées très claires.

— Rien de particulier, mais il semblait vraiment inquiet ! Confia-t-il finalement.

— C'est étrange ! Fit remarquer la vieille femme. Mais peut-être est-il trop mal en point pour réagir correctement. J'ai entendu dire que son état était tout de même grave ! Bien, dans ce cas je vais consulter mes collègues pour savoir quelles sont les mesures que nous devrons prendre. Je te remercie pour ton travail jeune homme.

Refermant le recueil de légende elle se tourna vers sa protégée.

— Viens Catie, nous y allons, nous avons de nouvelles priorités maintenant !

Puis se tournant vers Jarl elle ajouta :

— Je te confie le reste des artefacts trouvés. Je suis sûr que tu sauras te débrouiller avec les derniers.

Trainant derrière elle une jeune Faël un peu déçue de ne pouvoir rester, l'archiviste quitta le camp des coordinateurs. Après un long moment de calme, ce fut un Spiros tout excité qui vint trouver Jarl, la tête plongée dans ses artefacts.

— Vient ! Elle est revenue ! Vient vite !

— Qui ça ? Demanda le jeune homme déboussolé. D'ailleurs j'ai rencontré Annie et...

— La fée ! Viens ! Elle est tout près je le sens !

— Quoi... comment... !

— Tais-toi et suis-moi ! Ordonna Spiros péremptoire.

Ce que Jarl fit bien malgré lui.

Fées et bâtons de sorcierWhere stories live. Discover now