IV - La grâce des Faëls (A)

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La nuit les engloutit comme un monstre happe sa proie. Des cris et des signaux d'alertes raisonnaient partout, annonçant l'approche de l'ennemi.

Jarl courrait à perdre haleine à la suite de ses amis. Il n'avait pas conscience de l'endroit où il allait. Son cœur battait trop vite à son goût. Cette course n'aurait pas dut le faire autant transpirer, mais la peur changeait la donne. Ils débouchèrent vite sur le camp des coordinateurs. Ici tout était différent. L'ordre et le calme y régnaient. La plupart des apprentis coordinateurs étaient présent, entourés de leur séniors et de quelques Faëls. En voyant ce tableau, la peur de Jarl se calma momentanément.

Spiros et Ésope rentrèrent dans le rang, le visage grave et la mine sévère. Jarl hésita un instant, puis les suivit. Il récupéra une épée que lui tendis une personne qu'il ne connaissait pas. Sans doute un sénior. Tous les bras étaient les bienvenus, et Jarl savait se servir d'une arme. Il remua l'épée courte qu'on lui avait prêtée d'un moulinet élégant du poignet, et se sentit soudain plus en sécurité, comme si l'arme possédait intrinsèquement le pouvoir de l'invincibilité.

Personne ne parlait. Le souffle de dizaines de poitrines s'était comme arrêté pour mieux écouter. Un silence redoutable et imposé à toute l'assemblée permettait aux quelques Faëls qui avaient pu rejoindre le camp de débuter leur sort. Une mélodie envoutante naquit alors tandis que certains invocateurs parmi eux commençaient leur danse. Rapidement, la gracieuse mélopée entoura les coordinateurs de son halot bienfaisant et chassa de leur cœur toute crainte. Alors même que quelques instants auparavant Jarl se sentait comme un intrus, il gouta, en union avec ses frères d'armes, à la force unificatrice de cette vague de pouvoir.

Maitre Arold se présenta devant eux. Il portait son long manteau noir et son tricorne. Il semblait aussi redoutable que le premier jour ou Jarl l'avait vu, un colosse taillé dans du bois brut. Incorruptible, incassable, une force sur qui la ville pouvait se reposer. Un pli amer barrait sa bouche. Il ne parla pas lui non plus. Il donna simplement ses ordres par des gestes brefs et précis. Jarl en reconnu certain, mais pour éviter toute erreur, il prit le parti de suivre Spiros comme son ombre. Ils quittèrent rapidement le camp pour rejoindre le conflit.

Secourir était le mot d'ordre de la défense organisé par les coordinateurs. Spiros, Jarl et deux autres apprentis ainsi que trois coordinateurs séniors accompagnés de leur Faëls respectives s'élancèrent de front vers la partie nord-est de la cité pour repousser l'ennemi vers le quartier des maçons. Deux attaques avaient eu lieu simultanément au nord et à l'est. Afin de pouvoir suivre l'évolution du conflit, la guilde des veilleurs s'était positionné aux faîtes des toits et relayait l'information. La Première Faël épaulée par la milice s'était retranchée dans la Tour de Pérénor au nord et subissait le gros des forces assaillantes aériennes. Leur but était clairement de faire tomber cette figure d'autorité. Les grands loups, qui sans doute étaient la plus redoutable menace, sillonnaient en nombre les rues et tuaient au hasard pour semer la panique. Un feu s'était aussi déclaré dans les greniers du quartier nord.

Jarl trembla en entendant ces nouvelles de la bouche d'un veilleur. Mais leur rencontre avec le premier loup de sang lui fit oublier sa peur qui se mua en rage. La bête hurlait sa férocité sous les ordres de son cavalier. Sa gueule grande ouverte suait le sang encore chaud de sa dernière victime. Le tremblement de ses babines manifestait le grondement sourd qui naissait au fond de sa sombre poitrine et ses yeux sanglants souillaient les rues de leur regard mauvais. Les hurlements épeurées des villageois attiraient et attisaient sa soif de carnage. Son cavalier faisait battre les grandes ailles sombres et tachetés de son dos pour contrôler la fureur de son destrier. Jarl resserra sa prise sur son arme et assura son maintien. Spiros avait pris une posture de combat similaire à son côté. Les autres coordinateurs s'étaient aussi arrêtés et défiait la bête.

Fées et bâtons de sorcierWhere stories live. Discover now