Fées et bâtons de sorcier

IX - Rencontre hasardeuse (A)

Jarl tenta de rattraper son ami qui courrait en direction des bois comme si le chariot de Malterre était à ses trousses. Il ne veut tout de même pas parler de la fée de la nuit ? Songea Jarl de plus en plus inquiet. Elle n'est surement pas venue seule ! Si toutefois elle est bien revenue comme il me l'a annoncé !

Réussissant à saisir le bras du jeune coordinateur, il le força à s'arrêter.

— Spiros ! Attend ! Calme-toi ! Quelle est cette lubie ? Je ne peux pas tout laisser en plan ! Mon devoir est de trier les artefacts ! Et je dois finir ce que je suis en train de faire... Si tu n'as pas de meilleures explications à me donner je fais demi-tour !

Spiros comprit qu'il ne pourrait pas emmener Jarl aussi facilement qu'il l'avait cru de prime abord. Il observa le jeune artefacier et comprit qu'il était sérieux. Le temps où, pour une raison frivole, l'un ou l'autre parvenait à embarquer le second dans n'importe quelle aventure était révolu. Les deux amis le comprirent d'un regard. Peut-être la dureté de la période en était-elle la cause ? Qui sait... Mais leur espièglerie d'antan n'avait pas de place en cet instant. Ils devaient désormais trouver chacun de bonnes raisons pour agir en ce temps de crise.

Jarl lâcha le bras de son ami et croisa les siens. Spiros fit une moue dépité, mais rassembla ses idées pour convaincre son ami d'enfance. Ils n'étaient qu'à quelques pas de la lisière, mais les bruits de la forêt disparurent tandis que chacun fixait son attention sur l'autre.

— Je t'ai déjà parlé de l'étrange sensation qui m'habite, et qui me permet de sentir la présence de la fée depuis que j'ai effectué le rituel de lien, n'est-ce pas ?

— Oui, mais j'ai du mal à le comprendre... Je ne l'ai jamais expérimenté alors pour moi ça reste très abstrait. Explique-moi mieux que ça. Tu penses que c'est la même union que pour tous les coordinateurs qui se lient à leur Faël, ou bien autre chose ?

Spiros appuya l'hypothèse de son ami.

— Justement, si ça peut te permettre de comparer, oui c'est très similaire. Tu sais, entre coordinateur, on parle souvent de ça à mots couverts. C'est un peu un privilège que nous partageons, de pouvoir discuter où juste extrapoler sur le lien que nos séniors vivent chaque jour et que nous vivrons dès que nous aurons effectué le Lien. Dans mon cas je l'ai fait de manière un peu précipité, et pas dans les cordes. En temps normal, un rituel de plusieurs jours nous permet d'ouvrir les portes de la communication avec la personne qui nous est destiné. Moi je l'ai exécuté à la va vite, j'ai forcé le processus pour la sauver, mais je me suis trop ouvert au lien. J'ai déchiré le voile qui protège nos personnalités ! Je la ressens bien plus fortement que pour un lien classique, enfin c'est ce que je pense...

— Tu as pu en parler à d'autres ?

— Non ! S'exclama-t-il, une légère frayeur au fond du regard. Surtout pas ! Cela doit rester entre nous. Je me suis fait ma propre comparaison sur les confidences de mes ainées, mais ils ne doivent pas savoir !

Il attrapa Jarl par les épaules et le regarda droit dans les yeux.

— Promet le moi !

— Bien sûr ! Fit celui-ci sans la moindre hésitation. Tu sais que tu peux me faire confiance.

Rassuré, Spiros repris son explication.

— Un coordinateur peut normalement savoir si sa Faël est en vie ou non, moi je peux en plus connaitre exactement l'endroit où elle se trouve, et sa proximité me permet de percevoir ses sensations !

En prenant conscience des paroles de Spiros qui semblait à la fois terrifié et fasciné, Jarl sentit une crainte soudaine monter en lui. Et si son ami se changeait en fée ? Ou même si juste sa personnalité changeait de tout en tout ? Et si cette magie brutale finissait par le ronger ? Une multitude de question toutes plus dramatiques les unes que les autres vinrent troubler son humeur pour la seconde fois de la journée.