IV - La grâce des Faëls (B)

5 1 0
                                    

Ils s'approchèrent tout deux prudemment, prêt à porter secours au blessé. Jarl eu un mouvement de recul et de dégout aussitôt qu'il constata qu'une fée de la nuit se tenait devant eux. Spiros resserra la prise sur son arme et s'avança encore d'un pas. Il retourna violement le corps prostré pour lui faire face et leva le bras pour l'achever. Mais quelque chose le retint. Il se figea un instant puis lâcha son épée et recula. Tel un homme soûl, il perdit l'équilibre. Jarl le rattrapa et découvrit l'origine du trouble de son ami.

Une aile brisée et une main appuyant sur une large blessure à son cotée, la créature apeurée les regardait comme un condamné voyant venir son bourreau.

— Par les cornes de Malterre ! Qu'est-ce que... Emit Spiros sous le choc. Pourquoi une de leur femelle se trouve ici ! Je ne peux pas...

Jarl ne savait pas quoi répondre à cela, mais il était sûr d'une chose, quelle que soit la nature de l'ennemi, il les avait envahis sauvagement et seule la mort pourrait le faire retourner d'où il venait.

— Laisse-moi m'en charger si tu n'as pas la force ! C'est une guerrière après tout !

Mais Spiros retint son ami par le bras, ses yeux contenant une supplique.

— Lorsqu'un coordinateur prête serment il jure de protéger la femme et l'orphelin. Regarde-la... (Il tendit le bras pour désigner le sang qui s'écoulait de la plaie) elle est blessée et redoute la mort autant que nous. On doit l'aider !

— Tu divagues ! Rétorqua Jarl qui fit mine de lever son arme.

— Non ! Arrête-toi ! Jarl !

Jarl, qui habituellement n'était pas d'humeur violente, attrapa son ami par le col de sa chemise et le regarda droit dans les yeux en l'apostrophant.

— CE N'EST PAS UNE FEMME, C'EST UNE FEE DE LA NUIT !! Met toi ça dans le crâne ! Cette engeance nous massacre depuis des générations et des générations. Il n'y a pas de merci à avoir pour eux ! Sauve là et elle donnera naissance à d'autre guerriers qui nous attaquerons à leur tour ! Nous devons la tuer ! Et si tu veux faire preuve de miséricorde vis-à-vis d'elle, alors tue-la vite !

Mais de la dénégation brillait dans les yeux de l'apprenti coordinateur. Une sorte de tristesse naquit en lui et il repoussa doucement Jarl qui le lâcha, hébété à son tour par la réaction de son plus proche ami.

Plutôt que de lever son arme sur elle, Spiros se pencha lentement au-dessus de la blessée et souleva sa main sombre et pâle pour constater la gravité de sa blessure. Un mouvement de recul généré par la peur fut la première réaction de la fée qui lui faisait face. Puis l'être intelligent constata sans comprendre qu'elle n'était pas en danger. Elle laissa alors le garçon l'ausculter en vrillant sur lui ses yeux aux iris mêlés de violet et d'argent. Du défi puis du soulagement se superposèrent alternativement sur son fin et sombre visage à la peau bleuté comme la nuit. Une incompréhension similaire à celle de Jarl naquit ensuite.

Le jeune coordinateur avait appris les premiers secours, mais lorsqu'il constata l'état critique la fée, il sut que les simples soins qu'il connaissait ne suffiraient pas. Toujours étonné par la réaction de son ami, mais réfrénée dans son ardeur belliqueuse, Jarl se pencha à son tour sur la blessée. Il fit le même constat et remarqua que son ami pleurait. Pourquoi l'état de la fée lui importait-il tant ? Tout cela était incompréhensible pour Jarl.

Spiros attrapa la main glacée de la fée et la serra dans sa paume, puis il ferma les yeux comme pour se recueillir. L'être blessé agrandit alors les yeux sous l'effet d'un immense étonnement et son visage perdit alors les dernières traces de sauvagerie guerrière qui l'habitait encore. Elle se laissa faire sans broncher, peut être acceptait-elle la délicatesse du jeune homme. Sans son habituelle grimace, Jarl la trouverait presque jolie. En tout cas le terme menaçant ne lui seyait plus.

Fées et bâtons de sorcierWhere stories live. Discover now