VIII - Marcheurs d'Ortong (A)

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Il arriva rapidement au chevet de son maitre. La distance était courte pour ses jambes véloces qui lui avaient bien servit étant plus jeune durant sa période en tant que coursier. Enfant, il avait eu l'habitude de transmettre du courrier afin de gagner un peu d'argent de poche qu'il partageait en sucreries avec ses deux meilleurs amis.

Qu'il pleuve ou qu'il vente la porte d'entrée était toujours ouverte, ce qui lui permit de monter aussitôt sans frapper. Il atteignit l'étage où il savait trouver son maitre au repos.

Celui-ci avait le teint pâle, presque cadavérique, et dormait profondément. Les rides de son front étaient accentuées par la fatigue, et devant son état aussi misérable, jarl craignit un moment pour sa vie. Mais en se rapprochant de lui, il put constater que sa respiration était régulière, quoique sifflante.

Il ne le dérangea pas immédiatement, car en son for intérieur, il devait encore prendre sa décision. Que choisir ? L'ordre impératif de l'archiviste, ou bien ne pas perturber le rétablissement de mon maitre ? Après tout, il est relativement âgé, et la blessure qu'il a reçue à la hanche lors de l'affrontement l'a énormément affaibli... Le réveiller pour lui annoncer d'aussi mauvaises nouvelles pourrait entrainer un risque pour sa santé ! Ah que faire !!

Il ne pouvait pas prendre la décision lui-même. Il en était incapable. Pas quand la vie de l'homme qui était son mentor était en jeu. Bourru et avare de compliments, il était pourtant quelqu'un d'extrêmement juste et bon, ainsi que le dépositaire d'un savoir immense et ancestral.

Il préféra attendre en laissant son regard errer dans la pièce. Pas un mètre carré de mur n'était vierge d'ornements, car une surenchère d'objets et de meubles faisait de ces lieux un espace chargé à l'excès. Toutefois, même au cœur de cette accumulation de biens, un certain rangement permettait de déambuler aisément autour du lit, ainsi que depuis la porte d'entrée et jusqu'à la fenêtre donnant sur le jardin intérieur. Une large armoire se dressait majestueusement en face du châlit. Ses battants grinçants et entrouvert laissaient filtrer l'odeur musquée imprégnant ses habits usés. De nombreuses étagères accueillaient un amoncellement incroyable de livres superposés ; si haut qu'ils finiraient par les faire craquer. Au sol, dans les coins, quelques artefacts suffisamment communs pour ne pas être enfermées dans la chambre forte, mais qui revêtaient d'une signification symbolique pour le vieux maitre, trainaient sous une légère couche de poussières. Sur sa table de chevet, une bougie et une loupe se disputaient l'espace.

Jarl se rappela soudain qu'il avait oublié son matériel sur la table où il examinait plus tôt les artefacts. Il pesta contre son étourderie et décida d'aller les récupérer sur le champ, le temps que son maitre se lève par sa propre volonté. Mais il se rendit compte aussitôt qu'il devrait expliquer à l'archiviste qu'il n'avait pas eu le cran de réveiller l'artefacier. Il se rassit alors sur la chaise, et retrouva son dilemme là où il l'avait quitté.

Il trépignait intérieurement, mais décida de prendre son mal en patience. Ses pensées s'égarèrent rapidement vers la jeune femme rencontrée le matin même. Il ne pouvait s'empêcher d'éprouver un tendre sentiment à son égard. Quoi qu'il fasse, son allure et son regard plein de mystères l'attirait inexorablement. Aussi bref que fut leur échange, il avait laissé une marque indélébile dans son cœur. Celui-ci s'accéléra d'ailleurs à la représentation mentale de son image. Puis un bruit chassa ses pensées légères. La personne étendue sur le lit bougea et grommela quelque chose qui signifiait dans les grandes lignes une certaine malédiction à l'encontre des fées à qui il devait sa douloureuse blessure dans le bas du dos. Reprenant peu à peu conscience, il remarqua vite la présence de son protégé.

— Que fais-tu là mon grand ? Tu dois avoir une bonne raison pour venir me veiller... Il ne termina pas sa phrase, une vilaine toux le prit et l'empêcha de poursuivre.

Fées et bâtons de sorcierWhere stories live. Discover now