Chapitre quarante-huit

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RENFRI

— Qu'est-ce qui se passe ? soufflai-je, tirée par Baba, sans comprendre ce soudain remue-ménage sur tout le domaine.

Ni Kezar ni Kuda n'était avec moi et je n'aimais pas ça.

— Baba !

Mais il ne me répondit pas. Et que cet homme, d'ordinaire si calme et pondéré, me tire derrière lui pour je ne savais quelle raison, me tétanisait.

Je pinçai mes lèvres entre elles et lorsque Baba m'indiqua de m'assoir devant l'âtre qui crépitait, malgré l'heure et la chaleur, je le fis sans poser de question. Dans les cuisines, tout le monde courait dans tous les sens et Ipsa apparut avec une pile de vêtements. Elle vit mon expression et s'arrêta devant moi.

— Le Haut-Maître est ici avec toutes ses femmes.

Et donc la sœur de Kezar. Était-elle revenue depuis son départ ? Où était-ce la première fois que Kuda revoyait sa grande sœur ? Cette simple pensée me serra le cœur.

Baba attrapa une sorte de tisonnier et tout mon corps se tendit. Je connaissais les marques des Keneyfs. Ses boursouflures dues à une brûlure. Une marque qui indiquait à tous, en dehors d'ici, à qui ils appartenaient.

Tout de suite je ramenai le bras avec le tatouage contre mon giron et secouai la tête.

— Tu dois le faire, murmura Ipsa, sinon le Maître aurait des ennuis.

Je fixai Ipsa de longues secondes. J'avais du mal à assimiler ce qui allait se passer. En Kagy, on marquait les gens comme des bêtes. Ainsi, chaque caste était clairement identifiée. Une marque ? Vous n'étiez rien aux yeux des autres. Même si je savais que Kezar traitait bien ses gens. Même au-delà encore.

Baba plongea le tisonnier dans le charbon et se tourna vers moi.

— Nessa, souffla-t-il. Grâce à cette marque, tu seras protégée.

Je secouai la tête, peureuse. Non. Tétanisée par l'idée même de sentir la brûlure et d'avoir mal. Je redoutais ce moment. Cet inconnu.

Cette souffrance.

Pour me protéger ?

Non. Non.

Baba s'accroupit devant moi. Et tapota mon front très doucement.

— Tu dois faire confiance à Kezar, Nessa. Il est So'las.

Je ne doutais pas de Kezar. En fait, à aucun moment. J'avais su dès le début que je pouvais me fier à lui. Une étrange impression, une douce folie.

Parce que je savais.

Ce qu'il était. Pour moi.

Maintenant, je comprenais mieux.

Un Écho.

J'avais juste peur du dénouement.

— Il ne viendra pas avec moi, Baba, murmurai-je.

Et cette simple idée me tuait.

Un besoin. Bien plus qu'une envie.

— Il est l'un de tes Sha'yaa, Nessa. Ce que tu ressens, il le ressent aussi. Pas de la même manière. Mais bientôt, bientôt.

Baba attrapa le manche du tisonnier et le retira des charbons. L'extrémité étincelait d'un rouge profond, dangereux. Une forme.

J'inspirai. Et tendis mon bras. Ipsa fourra un linge entre mes dents et je fermai les paupières. Très fort.

Les Echos de la Flamme - Tome 1 Le Réveil du Chagrin [Terminée]Onde histórias criam vida. Descubra agora