Chapitre vingt-deux

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MAESUKA

Mes doigts plongèrent dans le liquide glacial et un soupir s'extirpa d'entre mes lèvres. Mon autre main reposait sur mon ventre, se soulevant au rythme de ma respiration. Il faisait à peine jour, les pâles lueurs de l'aube pas encore assez puissantes pour chasser l'obscurité d'une nuit paisible, remplie de faux-semblants et de dangers.

Il y avait longtemps maintenant que nous n'étions plus en sécurité derrière les remparts de Losar, au cœur du plus grand Royaume de tout Zharroh. Nous avions cette impression tout au plus, quand tous les autres Royaumes autour de nous prenaient en puissance, nous mettant sur la touche. Je ne pouvais pas laisser ça arriver.

Père n'avait jamais compris à quel point sa philosophie avait doucement détruit notre peuple ; nous rendant chétifs et incapables. Poussant nos ennemis à nos portes. Il suffisait d'un seul éboulement pour détruire une civilisation. Je refusai de regarder le déclin des Dragnir. Je refusai d'être aussi lâche que Père, observant sans rien faire ; voyant mon peuple mourir de faim aux confins d'Astalos. Mais dès que je pensais à tout ça, dès que je me rappelais la couronne sur ma tête, tout se figeait et alors, je ne savais plus ce qui était bien ou mal. Ce qui devait être fait ou non.

Qui étais-je pour juger si durement Père ? Les choix que nous faisions nous appartenaient.

Non. Pas quand nous étions un Roi et une Reine. Parce que le sort de milliers d'âmes dépendait alors de nos décisions.

De nos erreurs et de nos réussites.

Je ne pouvais pas ployer aussi tôt après avoir tout donné. Après avoir pris la vie de Père pour ne plus rencontrer d'obstacles.

Pas de place pour la paix en ces temps troublés par une violence qui couvait.

Tirer sur la bride tant que je le pouvais.

Je me redressai et observai l'austérité de la pièce. Mes nouveaux appartements. Je n'étais plus une princesse.

J'étais une Reine. Mais où que je pose le regard, il n'y avait rien de moi ici, qui ne m'appartenait, pas même un souvenir de Renfri.

« — Ils ont pénétré en Naesla, Majesté. »

Et aucun Dragan n'y avait mis les pieds depuis des siècles, voyant dans la Forêt des Souffles et Murmures un lieu de perdition ; un lieu d'où on ne revenait pas.

À tort ou à raison ? À quel point croyais-je en ces boniments ? Jusqu'où se portaient mes croyances ? Je n'aurais su le dire. Renfri, oui. Parce qu'elle, elle vivait à travers nos légendes, nos histoires.

Au cœur de Naesla se cachaient les vestiges du peuple Dragon. Mythe ou réalité ?

Je quittai mon assise et m'avançai jusqu'à l'immense ouverture donnant sur l'extérieur, offrant une vue incroyable de notre Cité-Mère. De légers coups furent frappés contre le battant et Vrak entra dans la pièce, prenant bien soin de refermer derrière lui. Je ne fus pas surprise de voir que lui non plus ne dormait pas. Il avait troqué sa tenue habituelle pour celle plus consensuelle de Conseiller du Souverain. C'est ce qu'il était ; le corbeau murmurant à mon oreille pour me faire entendre raison, pour me seconder dans une voix trouble et dangereuse. Mes yeux glissèrent sur cette affreuse cicatrice, rendant le faciès de mon oncle bien moins avenant qu'auparavant, lui octroyant cette dangerosité quelque peu effrayante. Autant je savais qu'en tant que Reine je ne pouvais me passer du Chef de guerre, autant j'avais conscience que Vrak demeurait mon meilleur allié et la personne en qui je pouvais avoir toute confiance. Je ne pouvais pas douter de lui. Ô grand jamais.

— Tu as réussi à dormir un peu ? s'enquit-il.

Je secouai la tête, sentant la fatigue peser sur mon esprit, entraver mes membres, me donnant cette impression de lourdeur, de lenteur.

Les Echos de la Flamme - Tome 1 Le Réveil du Chagrin [Terminée]Dove le storie prendono vita. Scoprilo ora