Chapitre trente-six

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RENFRI

L'eau dégoulinait de mes cheveux, n'effaçant pas vraiment l'odeur qui m'enveloppait. Je garderai un souvenir impérissable des cachots de cette Cité-Mère, agrémenté de quelques cauchemars dus aux hurlements de là-bas, une sombre promesse pour tous les autres détenus. Tout ça parce que je n'avais arboré aucune marque évidente de la maison que je servais. J'aurais dû mieux me renseigner, faire plus attention avant de quitter le domaine pour découvrir Gylf. Oui. D'où ce sentiment de honte. Je savais que j'avais fait une bêtise, pas besoin du regard de Kezar pour ça. Se faire traîner derrière les barreaux m'avait fait apprendre la leçon de la pire des façons possibles. Au moins maintenant, je ne commettrais pas deux fois la même erreur.

La colère de Kezar me paraissait justifiée. Et normale. Mais je ne m'écraserai pas face à elle. Ce même sentiment brûlait en moi et risquait de m'engloutir si je n'y prenais pas garde. N'étais-je donc bonne qu'à faire des faux pas en l'absence de Sekhir ?

— Je suis désolée, dis-je, attrapant mes cheveux pour les essorer.

— Ça ne suffit pas, Renfri, cracha-t-il sans douceur.

Autour de nous, tout le monde s'esquiva et bientôt, il ne resta plus que nous. Sa colère et cette impression d'injustice pour ma part. Je bouillonnai de l'intérieur.

— Tu ne veux pas m'aider ! m'exclamai-je. Tu as dit que tu le ferais, mais tu me gardes ici et je–

Il me saisit par le coude sans douceur, mais sans douleur non plus. Il me traîna vers les immenses portes et instinctivement, je freinai des quatre fers.

— Tu penses que je te retiens prisonnière ? Mais je t'en prie, va donc te débrouiller en ville !

— A... arrête !

La panique enfla en moi, peu familière, et Kezar me cloua sur place de son regard acéré et si particulier. Il me relâcha et je ramenai mon bras contre moi, ayant trop peur qu'il mette sa menace à exécution. Dans ce Royaume étrange, je ne connaissais que Kezar et son domaine. Je ne pouvais pas faire l'enfant capricieuse. Mais je ne pouvais pas ne rien faire non plus. Attendre, attendre et encore attendre. Mais quoi au juste ? Cette quête n'avait aucun sens de toute manière. Mais qu'est-ce qui me restait ? Je ne me contenterais pas de rester assise aux côtés de Sekhir en attendant qu'il se réveille.

— Je n'ai pas quitté mon Royaume par caprice, soufflai-je alors. Je n'ai pas fui avec Sekhir ma propre demeure juste parce que je m'ennuyais. Je ne suis pas une petite princesse en quête d'aventure à vivre !

Kezar ouvrit la bouche, mais je ne lui laissai pas le temps d'en placer une seule. Il ne comprenait pas que cette inertie me tuait à petit feu. Je ne connaissais rien de ce Royaume, je ne savais rien de la personne que je devais trouver, mais qu'importe, j'agirai en mon âme et conscience et trouverai.

Il ne me restait rien d'autre que Sekhir et cette quête. Je n'avais plus rien. Et cette réalité me tétanisait à chaque fois que j'y pensais. Alors non, je ne serais pas une gentille fille qui attendrait qu'on lui dise ce qu'elle pouvait faire. Non, je ne resterais pas là sans rien faire, croisant les doigts et espérant un miracle.

— C'est ma faute s'il est allongé et inconscient depuis des jours ! Alors, ne me demande pas de ne rien faire et d'attendre ! Tu ne sais pas ce que j'ai dû abandonner pour arriver jusqu'ici, alors ne... alors ne me...

J'essuyai mes larmes, le corps vibrant et le cœur dans la gorge. Je revoyais Luce et oncle Vrak. Je me rappelais les paroles de Sekhir concernant la mort de Père. Et de l'implication de Maesuka. Tout était là, dans mon esprit, jamais en sourdine, me forçant à me remémorer ce qui nous avait amenés sur les traces de la Cité-Mère de Kagy.

Les Echos de la Flamme - Tome 1 Le Réveil du Chagrin [Terminée]Waar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu