Les Echos de la Flamme - Tome 1 Le Réveil du Chagrin [Terminée]

Chapitre trente-neuf

KEZAR

Le rire de Renfri. Son souffle court après notre danse. Tout cela résonna en moi. J'aurais même dit que quelque chose qui sommeillait depuis très longtemps en moi commençait à s'étirer à son contact. À se réveiller. À devenir plus fort, en moi. Les sons des instruments continuaient de résonner autour de nous et nous poussaient à danser, encore un peu. Même au plus profond de la nuit. J'oubliais un peu les derniers évènements et profitai du rire de Renfri. De ses pas maladroits qui semblaient copier les miens. Je la fis tourner sur elle-même et elle rit un peu plus.

Tout le monde tapa dans ses mains et une nouvelle danse commença, un peu plus rapide. Rares étaient les danses en Kagy où vous vous touchiez. En général, on se tournait autour et on se cherchait, mais rares étaient les danses plus sensuelles. Oh, il y en avait, mais pas pour fêter Sotev. Le dieu de la force.

Ces danses-là étaient faites pour des moments plus propices à la rencontre et au sexe.

La dernière danse réunissait tout le monde autour du grand feu de joie au milieu du domaine. L'ambiance autour de notre hommage à notre Dieu me rendait toujours nostalgique de mes parents. Ma mère adorait cette fête.

Je récupérai le corps de Renfri quand elle faillit tomber avec tout le mouvement autour de nous et elle s'accrocha à mes bras avant de me ramener dans la danse, son visage éclairé par les flammes et son rire.

Quand la musique toucha à sa fin, tout le monde applaudit et chacun jeta son petit sachet de poudre. Les flammes orange se floutèrent et devinrent bleues. Elles grimpèrent dans le ciel pour mieux s'échapper. Tout le monde s'installa autour du bûcher pour atteindre les dernières étincelles. Ce qui terminait la veillée à Sotev.

Renfri avait posé sa tête sur mon épaule et observait en silence le feu. J'étais appuyé sur mes mains, le corps légèrement en arrière. Je me demandai comment j'en étais arrivé là.

À protéger la Princesse Dragnir dans mon domaine.

À tenter de récupérer ma sœur aux mains du Haut-Maître.

À survivre dans une vie qui ne voulait plus forcément de moi.

Je soupirai et Renfri le sentit, sa main sur mon torse quand elle se redressa.

— Kezar ? souffla-t-elle.

— Renfri ?

Elle sourit et s'assit à côté de moi, ses mains sur ses cuisses. Elle portait encore la robe que les filles lui avaient mise et elle semblait presque à l'aise dedans. Elle lui allait très bien.

— Tu n'as jamais voulu voyager loin d'ici ?

Je me redressai à mon tour et frottai mon menton pour me donner un peu de temps. Voyager ? C'était une notion tellement lointaine pour moi.

— Toi qui as été gardé dans le centre de ton royaume, soufflai-je. N'as-tu jamais souhaité voir d'autres contrées ? Découvrir d'autres continents ? Qui sait ce qui se trouve au-delà de l'océan des Oléens ?

Elle soupira à son tour et je ris.

— On a tous nos envies de découvrir autre chose que ce que l'on connaît déjà, mais nos responsabilités nous en empêchent le plus souvent. Quand mes parents sont morts, j'ai repris le domaine en main et je ne pouvais plus bouger à partir de là. Tout comme lors de ta naissance, ton rang t'a empêché de faire tout ce que tu désirais.

Renfri m'observa avec un regard triste et nostalgique. Je ne pouvais pas lui en vouloir, elle était aussi coincée que moi dans ce mon de de responsabilités.