Chapitre cinq

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RENFRI

Luce freina des quatre fers si brusquement que mon nez heurta son dos, me faisant grogner. Je me frottai ce dernier avant de me pencher pour voir ce qui avait bien pu arrêter une foulée si déterminée. Je regrettai dans l'instant ; le Roi d'Olea m'offrit un immense sourire alliciant, si spontané que je fus surprise de le lui rendre, ce dernier dénué d'autant de confiance en soi que le sien cela dit.

J'avais ouï dire que le Roi resterait quelques jours au palais, comme à son habitude lors de ses visites, qu'elles soient officielles ou officieuses.

Père semblait en bon terme avec le Royaume d'Olea, peut-être en partie parce qu'eux aussi voyaient la guerre d'un mauvais œil. Ils se contentaient de voguer sur leur océan, jetant quelques bébés à l'eau d'après les dires...

— Princesse Renfri, me salua-t-il d'une courbette.

— Roi Skeik, dis-je à mon tour, dépassant ma dame de compagnie pour m'avancer vers lui, très bien habillé en cette matinée encore peu établie.

Sa tenue se composait d'une chemise ample au niveau des bras, resserrée aux poignets, accentuant cette impression de bouffant. Son pantalon, d'un blanc immaculé, venait accompagner un bleu clair agréable, rappelant un ciel limpide, une mer calme. Ses cheveux décoiffés apportaient cette sensation de saut du lit ; comme s'il avait été surpris par les rayons du soleil venu réveillé les plus malchanceux.

— J'ai cru comprendre que vous repartiez aujourd'hui.

— En effet ; il est dur pour nous autres Oléens de rester trop longtemps éloignés de notre océan.

Je hochai la tête, comprenant en partie.

N'ayant jamais quitté Astalos, j'ignorai ce que ça faisait que d'avoir le mal du pays ; ce qu'on éprouvait en restant loin de chez soi pendant un temps. Parfois, je surprenais le regard de Sekhir dans le lointain, en direction de Zamarat, sa Tribu à lui, son chez lui. Même si les Tribus Unies entouraient tout Losar, il fallait quelques jours pour atteindre leur fief, dont Marat.

Il y avait du bon à voir d'autres horizons que ceux entraperçus toute sa vie, mais jusqu'à quel point ?

— Je voulais me rendre dans la salle des Œufs, mais j'ai bien peur de m'être égaré.

Son air contrit me fit rire. Il fallait dire qu'il était si facile de se perdre dans Archdragon ! Des couloirs en enfilade, des ailes et des passages. Il fallait y avoir vécu pour tout connaître sur le bout des doigts ; il fallait y avoir fait les plus grandes parties de cache-cache pour savoir quel passage emprunter, quelle porte éviter.

La salle des Œufs se trouvait dans une aile à l'écart, là où j'avais cessé de me rendre depuis de nombreuses années. Suka n'avait pas tort en disant que lorsqu'on grandissait, des choses perdaient de leur valeur. On changeait, immanquablement ; en mieux ou pas. Les liens changeaient eux aussi.

— Je peux vous y conduire si vous le souhaitez, m'entendis-je dire.

Ses yeux pétillèrent et il m'offrit son bras sans attendre. J'y glissai le mien et coulai un regard vers Luce pour lui faire comprendre qu'elle pouvait aller s'atteler à ses tâches de la journée. Elle hocha la tête et nous laissa partir.

Le Roi Skeik n'était pas très grand, en tout cas il l'était bien moins que Sekhir, ce qui m'évitait de devoir lever la tête pour espérer croiser son regard. Nous avançâmes tranquillement dans les coursives du palais, croisant Dragans et le petit personnel.

Des regards glissèrent sur nous ainsi que quelques commentaires ; tout le monde appréciait un peu de commérage.

— Je suis surpris que vous ne m'ayez pas encore interrogé concernant ma proposition à votre égard, finit-il par lâcher.

Les Echos de la Flamme - Tome 1 Le Réveil du Chagrin [Terminée]Место, где живут истории. Откройте их для себя