Chapitre trente-trois

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KEZAR

J'avais les bras plongés dans l'eau du lavoir quand Kuda et Renfri débarquèrent avec du linge plein les bras. Les journées de lavage étaient les pires à mes yeux. Je n'aimais pas le faire et je n'aimerais jamais le faire. Néanmoins, ça faisait partie des tâches quotidiennes de la vie du domaine. Et nous étions assez nombreux pour que le nettoyage soit fait le plus régulièrement possible. D'ordinaire, Baba ne me laissait pas faire. C'était trop épuisant pour ma condition. Cependant, j'avais déjà établi que j'avais des jours avec et des jours sans. Les jours sans me permettaient souvent de dormir après une rude nuit dans les rues de Gylf à la recherche de mes gains et de mes proies. Les jours avec me permettaient d'être sûrs que personne ne lambinait sur mon domaine et que les gens qui y vivaient le faisaient dans de bonnes conditions.

Je n'étais pas prêt à faire plus pour le domaine.

Je n'en avais pas vraiment les moyens. J'avais amassé quelques gains et notre commerce exclusif avec la couronne composaient de bons revenus. Et les réserves que mes parents nous avaient laissées étaient non négligeables.

Je retins un sourire quand Renfri souffla comme un buffle au moment de lâcher son chargement. Elle tria les draps comme mon petit frère lui avait expliqué et ils retournèrent chercher la dernière expédition. Nous étions quelques-uns à nettoyer et à rincer et nous le faisions en silence, concentrés dans notre tâche. Je savais que cette nuit, je devrais me rendre à la Cachette pour voir le reste des assassins et écouter les différents ragots qui y circulaient. Baba surveillait de très près la guérison de Sekhir qui n'était pas aussi rapide que nous le désirions. Néanmoins, le corps avait ses mystères et la Foudre se battait peut-être contre ses propres démons autant que ceux de la Princesse. J'avais eu quelques échos comme quoi la nouvelle Reine Dragnir faisait le tour de son territoire pour observer ses Généraux. Ce n'était pas une mauvaise idée et elle avait largement raison de le faire.

Cependant, comme n'importe quel marchand de base, je me demandais comment cela influencerait mes affaires. Quelques marchandises me venaient d'Astalos, même si je n'y allais que très rarement en personne. Alors, il fallait que je me tienne au courant des mouvements de la nouvelle Reine, qui n'allait pas avoir la même âme diplomatique que son père. C'était Asome qui croyait ça, moi j'attendais de voir le vrai visage de Sa Majesté avant de penser quoi que ce soit.

Si ma sœur avait fui le royaume en me voyant monter sur le trône, je me poserais des questions. Par exemple, pourquoi une telle fuite de la part de Renfri face au couronnement de sa sœur ? Que s'était-il donc bien passé là-bas pour que la Foudre se trouve dans l'obligation de cacher la seconde héritière du trône d'Astalos ?

Plongé dans mes pensées, je ne vis pas tout de suite Renfri, assise à côté de moi qui jouait avec sa dague. D'ordinaire, je lui aurais dit de ranger son arme, mais je vis qu'elle essayait de la nettoyer. Pas de la meilleure façon cependant.

— Zuké ! sifflai-je en me redressant. Montre à Renfri comment s'occuper de sa lame avant qu'elle ne se la plante dans le ventre.

Je reçus un regard noir de Renfri avant que Zuké ne lui fasse signe de l'autre côté de la salle, là où il rinçait le linge. Il lui expliqua quelques mouvements et lui dit d'aller chercher un ou deux instruments pour aiguiser sa lame. Elle acquiesça et fila, suivie de près par Kuda qui allait sûrement lui montrer où trouver ce dont elle avait besoin.

— Comment va la gamine ? demanda Randari, plongeant le linge encore et encore dans la mousse.

— Bien, je suppose, répondis-je dans notre langue natale.

Randari était un des bras droits de Baba et n'aimait pas forcément avoir des étrangers dans la maison. C'était lui qui était rentré en nous annonçant la mort de mes parents et de mon frère. C'était lui qui était revenu à moitié défiguré, par les hommes qui les avaient tués. Je déglutis, ayant toujours autant de mal à regarder son visage, l'amas de cicatrices sur sa joue droite et son œil vide, caché derrière un vieux tissu. Randari était un combattant, il avait été à la tête des soldats qui surveillaient notre domaine. Depuis la mort de mes parents, il avait l'impression d'avoir échoué dans sa mission et était simplement devenu un Keneyf.

Les Echos de la Flamme - Tome 1 Le Réveil du Chagrin [Terminée]Место, где живут истории. Откройте их для себя