Chapitre quarante-cinq

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RENFRI

J'ignorai de quoi il retournait, mais je sentais que quelque chose n'allait pas. Que ce soit dans les rues de Gylf ou même dans le domaine. L'attention de Kezar, qui ne me lâchait pas. Ses yeux, qui suivaient chacun de mes mouvements. Comme s'il ne voulait rien louper, comme s'il voulait savoir où je me tenais à chaque instant. Pourquoi ? Une mauvaise nouvelle ? Des tensions en lien avec les Assassins malades ?

J'ignorai comment Ergo maintenait l'équilibre dans la Cité-Mère, ou en tout cas le peu que je savais venait d'Amaru et de Kuda. Les membres de la Guilde ne pouvaient pas s'entretuer en dehors de ce qu'ils appelaient l'arène. Si je me souvenais bien de mes leçons, Sotev ne demandait qu'une seule offrande à son peuple ; la mort du plus fort. Et comme Ergo ne risquait pas de mettre un terme à sa propre existence... Que risquait Kezar, Asome et les autres ?

Non, pas Kezar. Pas le Menadas. Kanje. L'Assassin.

Je relevai les yeux pour aviser Kezar, un peu plus loin. Nos regards se croisèrent et je ne le détournai pas. J'ignorai ce qui se passait dans sa tête depuis l'autre soir. J'ignorai ce qui se passait dans Gylf. Je me souvenais de mes leçons sur les différents royaumes. Je devais avoir en mémoire plus de détails inutiles qu'utiles d'ailleurs, mais j'avais toujours eu soif d'apprendre et de tout savoir.

Ergo envoyaient parfois ses Assassins en-dehors de Kagy. Mais le reste du temps, il préférait les garder sous la main. Seulement, la Guilde n'avait pas bonne réputation en Zharroh. D'où l'absence d'étrangers et de voyageurs. Pas sûre que ceux qui arrivaient jusqu'ici repartaient librement et surtout avec tous leur bien. Ergo maintenait à dessein cette atmosphère de peur. Mais ses Assassins n'en avaient-ils pas assez ? Que restait-il à prendre ? Gylf était une magnifique Cité-Mère, mais lorsqu'on grattait un peu...

Kezar me fixa en retour, sans bouger. Il ne s'encombrait pas de sa canne aujourd'hui et ses étranges cheveux se soulevaient sous une brise ardente.

J'allais me lever pour effacer la distance entre nous, mais il détourna la tête pour voir approcher son groupe d'Assassins. Asome fut le seul à lever la main pour me saluer. Son sourire, espiègle, n'atteignait que très rarement ses yeux. J'étrécis le regard pour les voir disparaître ensemble.

Je n'hésitai qu'un instant et me faufilai à leur suite, trop curieuse de savoir ce qui se passait. Je savais suivre sans me faire repérer. Du moins en principe. Avec Sekhir, ça ne fonctionnait jamais. Mais lui, il était doté d'un radar me concernant, donc impossible pour moi de la lui mettre à l'envers, qu'importe la situation. Là, je n'étais pas non plus que ça marche, surtout pas avec ces hommes et femmes nés pour... tuer.

Et même si rien de tout ça ne me regardait, je voulais savoir. Parce qu'être ici et ne rien faire... autant que j'attende le réveil de Sekhir sans bouger. Mais alors, alors... je finirai folle. Bonne à attacher.

— Les gens commencent à avoir peur. Plus que d'habitude je veux dire, souffla Asome. Tout le monde vit avec la Guilde depuis toujours, mais quand on commence à s'entretuer dans les rues...

— Je ne sais pas de quoi il s'agit, mais ça se répand plus vite qu'une trainée de poudre. Nos rangs s'éclaircissent à la vitesse de l'éclair, gronda Sai. Je déteste la moitié des Assassins de cette foutue cité, mais là, ça peut toucher n'importe lequel d'entre nous.

— Non, tant que nous ne sommes pas appelés dans l'arène, ça ira, répondit Kezar.

— Kzaa ! C'est plus facile à dire qu'à faire, grommela Viraj. Et maintenant qu'Ergo a parlé de cette... faveur, tu es le premier sur la liste, Kez.

Je fronçai les sourcils. Une faveur ? Et le premier sur la liste de quoi au juste ?

— Trop d'Assassins rêvent de te faire la peau. Et si en plus Ergo leur donne sa bénédiction... Finissons cette mascarade, Kez. Tue la Foudre avant son réveil et balance la Princesse aux pieds d'Ergo.

Les Echos de la Flamme - Tome 1 Le Réveil du Chagrin [Terminée]Where stories live. Discover now