Un mois était passé depuis que la jeune servante était arrivée en retard au service matinale. Elle n'avait à ce jour pas réitéré son erreur et ferait bien attention à ce que cela durât : elle n'aurait pas dû être couverte par le roi, elle ne pouvait se permettre de recommencer.
Cela faisait désormais cinq mois qu'elle servait la Majesté de Nekavland et pour son plus grand bonheur, ce dernier lui donnait de plus en plus de responsabilités. Bien sûr il ne la surchargeait pas de travail et elle trouvait toujours le temps de dévorer un ou deux livres par semaine qu'elle empruntait dans sa bibliothèque personnelle, mais désormais elle devait aussi l'aider à ranger certains documents, transmettre des ordres à ses secrétaires, parfois même il lui demandait conseil, mais pour cela, elle ne s'autorisait jamais à répondre. Gabriella avait toujours aimé cela, gérer les affaires du château, se sentir utile et importante intellectuellement.
Au début, elle avait eu peur que son investissement, bien que malgré tout minime, dérange le reste des sujets. Mais personne n'y avait trouvé quoique ce soit à redire. Il fallait dire que le roi avait pour habitude de savoir d'instinct à qui il pouvait faire confiance et n'était pas dérangé dans le fait de déléguer ses tâches. C'était d'ailleurs de cette manière qu'il avait réussi à mettre au point une direction efficace et congruente.
Présentement, Gabriella était d'ailleurs en train d'organiser une prochaine réception qui aurait lieu au château. C'était la première fois qu'elle faisait cela, mais Airy lui faisait confiance. Évidemment elle n'était pas toute seule à effectuer cette tâche, elle avait avec elle des personnes connaissant bien chaque noble invité, chaque erreurs passées et chaque problème à éviter. Mais elle avait tout de même un rôle important : elle devait décider du menu, de la disposition des tables et surtout, des musiciens à convier pour animer le festin. Quand ce dernier aurait lieu, elle ne pourrait bien évidemment pas y participer, mais elle savait qu'on l'autoriserait à observer derrière le rideau et cela l'excitait d'avance ! Cela faisait des mois qu'elle n'avait rien fait d'autre qu'être servante, et organiser cet évènement était un petit changement dont elle se délectait.
Quand le roi Airy rentra dans ses appartements ce jour-là, il la trouva entouré de multiples plans, à même le sol, en train de griffonner çà et là plusieurs idées.
- Tu devrais te reposer un peu, dit-il en la faisant sursauter.
- Vous m'avez fait peur !
- Le tutoiement... souffla-t-il encore une fois.
- Pardon. Tu m'as fait peur.
Tutoyer le dirigeant du royaume était encore une tâche trop compliquée pour elle. C'était assez étonnant d'ailleurs, puisque le vouvoiement n'existait même pas dans sa langue natale, mais elle s'était bien adaptée à la façon de vivre de Nekavland et s'en défaire était pour elle comme un retour en arrière.
- Tu viens te coucher ? demanda le souverain.
- Déjà ?
- Il est minuit passé Gabriella. Tu travailles beaucoup trop, je n'aurais jamais dû te donner ce travail, souffla-t-il les yeux en l'air.
- Non ! J'adore ça ! Et je vous... enfin je t'assure que je ferais un bon travail.
- Cela, je n'en doute pas. C'est que tu fasses un trop bon travail au détriment de ta santé qui m'inquiète.
- Vous travaillez bien tout le temps vous.
- J'y suis habitué depuis petit. Et le tutoiement.
Gabriella lui donna un sourire d'excuse et rangea tous ces documents. Si le roi était fatigué, elle ne devait pas l'empêcher de se reposer. A peine eut-elle posé sur le bureau tous ses papiers, qu'une poigne la fit pivoter sur elle-même. Des lèvres se posèrent sur les siennes un instant plus tard. Elle se laissa aller dans cette énième danse.
La servante se dirigea à reculons vers le lit, poussé par Airy qui avait toujours ses mains posées sur sa robe au niveau des hanches. Ce dernier descendit sa bouche dans son cou comme il le faisait souvent, puis délaça le dos de son vêtement. Lentement, le tissu blanc de la jeune femme tomba au sol et il put enfin toucher sa peau nue.
Seulement, ce contact ne dura pas longtemps, car le roi s'éloigna après quelques secondes. Ne le voyant pas prononcer quoique ce fût, la femme à la chevelure rousse demanda, inquiète :
- Il y a un problème ?
- Tu es chaude.
D'abord, ses paroles furent calmes. Puis plus assurément il continua :
- Tu vois ! Tu travailles trop, tu as de la fièvre !
La jeune femme porta sa main à son front.
- Mais non, je n'ai rien. Je me sens bien, tu te fais des idées.
Le roi grogna : elle était chaude et il n'en démordrait pas.
- Allez, couche-toi.
La jeune femme le regarda sans comprendre.
- On ne va pas faire quoique ce soit si tu as de la fièvre.
- Mais je n'en ai pas...
- Je m'en fiche. Couche-toi.
Gabriella finit par obéir bien qu'en désaccord avec cette décision. En réalité, ce n'était pas vraiment qu'elle avait plus que tout envie de faire l'amour avec le souverain, mais davantage que ça serait la première fois qu'elle dormirait avec lui sans qu'il ne se passe rien de sensuelle. Et étrangement, ça la dérangeait. N'était-ce pas déplacé ? N'était-ce pas la seule raison de sa présence ici ? Et sa Majesté ne serait-elle pas frustrée ? Elle tenta d'éluder les questions qui lui venait à l'esprit et de ralentir sa respiration. De toute façon, le roi ne lui laissait pas le choix.