Dissonances

By Josieway

124K 14.5K 12.1K

¨J'attends, l'âme à l'affût. Je. ne. suis. plus. seule. dans. la. pièce. noire. qu'est. mon. esprit. Il n'e... More

Note de l'auteur
Prologue - Ce n'était pas censé arriver...
1. Respire Haydn !
2. De trop dans ma propre tête
3. Exorcisme
4. Mon frère, ce tuteur si attentionné
5. Les conditions idéales pour mal commencer une journée
6. Stratégies inutiles
7. Priorités prioritaires
8. Sur la liste des sujets que je n'avais pas envie d'aborder
9. After-party : le pouvoir
10. Tout est question de timing !
11. Tergiversations d'une newbie des relations amoureuses
12. After-party : la démesure
13. Fleurs fanées et excuses d'usage
14. Dans l'oeil du cyclone
15. Certainement pas l'idée du siècle !
16. After-party : la luxure
17. Trop tard pour reculer !
18. Return of the Jedi
19. Échos d'un autre monde
20. F-o-l-i-e
21. Off beat
22. Mascarade
23. Douche froide
24. Maelström
25. Mais enfin, quelqu'un va me dire ce qui se passe ???
26. Conscience ̶t̶r̶a̶n̶q̶u̶i̶l̶l̶e̶ ̶
27. Je veux le voir, c'est tout ce qui compte !
28. Ça n'en valait pas le coup
29. La pagaille dans mon coeur
30. Ça y'était presque...
31.On dit toujours que c'est l'intention qui compte !
32. Contre nature
33. Ce qu'il y avait entre eux
34. Mauvais feeling... !
35. Lorsque le rideau tombe
36. Parce que c'était comme ça maintenant
37. The light behind your eyes
38. L'espoir fait vivre
39. Retour à la maison
40. New York cheesecake
41. Au Bliss-Coffee
42. Ctrl+Alt+Del : Reset my memory
43. Over the edge
44. Un million de voix, un brasier et des cendres
45. Tout est lié
46. As-tu pris ta médoc ?
47. Interférences
48. Dans les étoiles de tes yeux, là où se trouvent toutes les réponses
49. À travers le voile de ton indifférence
50. Un remake d'Orgueil et préjugés
51. Tout ces non-dits, vers où nous mènent-ils ?
52. Destins contrariés
53. Ces images que tu peins dans ma tête
54. Kissing the sky
55. L'ironie dans cette histoire...
56.La vérité fait un si beau paravent
57. Tout ce que j'aurais dû te dire lorsqu'il était encore temps
58. Plus diaphane qu'un songe
59. Ce qui se dresse entre nos lèvres
61. Donne-moi une raison pour te laisser partir
62. Laughing after danger
63. Carry on
64. Coupable
65. De l'Autre-côté
66. Dites-moi pourquoi ?
Bonus 10K personnages partie I
Bonus personnages partie II

60. La Caste

671 63 84
By Josieway


Ceux de l'Autre côté...

Ma peau se couvre de givre. Le timbre de voix de Haze, beaucoup plus bas et solennel que d'ordinaire distille un voile de brume inquiétant dans l'air du loft. Les couleurs de la pièce sous les combles semblent s'être retirées d'un coup, transformant mon environnement quotidien en illustration monochrome.

Mon corps me hurle de fuir. Ma logique le tient en laisse. Je SAIS que ma vie ne sera plus jamais pareille après cette conversation, et pour une fois, je ne voudrais pas qu'elle change. 

Je déglutis avec difficulté. Tente d'imprimer un rythme mécanique à ma respiration qui m'envoie promener. Contemple les traits tendus de l'Archange pour qui j'éprouve une passion dévorante. Je ne veux pas perdre ce qu'on a si chèrement gagné alors même qu'on est enfin honnêtes l'un envers l'autre. Tout était parfait il y a quelques minutes à peine. 

Parfait pour moi qui ne connais pas l'envers du décor. 

Comment se sent Haze en réalité ? La bouilloire se met à siffler et je m'applique à verser l'eau brûlante, profitant de mes derniers moments d'inconscience pour contempler le ballet des feuilles de thé dans la tasse. Le miel doré disparaît dans le liquide ambré comme s'apprête à le faire l'innocence qui me reste. Cette certitude résonne au creux de mes os dans un rythme guttural. Je m'accoude au comptoir et y dépose mon breuvage dans un cliquetis de porcelaine.

-      Vas-y, je suis prête à t'écouter, j'émets d'une voix mal assurée, brisant mon silence laqué de l'égoïsme de l'ignorance volontaire.

Mon Custos tend le bras vers moi et drape ma main de la sienne comme pour se/me donner du courage. Oh ! Jamais il ne m'a touché de façon si naturelle et... désespérée. Nos iris se croisent et s'entrelacent. L'appréhension dans ses yeux étrille mes tripes et je l'incite à se lancer d'un bref signe du menton.

-      Il y a tellement de choses à dire... Je pourrais parler pendant des jours et des nuits complètes.

Haze presse ses paupières fermées et soupire en continuant :

-      Je ne sais pas trop par où commencer. Je ne veux rien te cacher mais en même temps, je dois aller à l'essentiel... Il... Il me semble plus logique et rapide de procéder de façon chronologique. 

Je relâche à regret l'étreinte de nos doigts, fais le tour de l'îlot central et m'assois sur le tabouret près du sien. Haze ramène ma tasse devant moi et reprend :

-      Lorsque Nous nous sommes éveillés à la conscience, les humains n'existaient pas encore. Quand je dis Nous, je veux parler des Êtres immatériels ou des Êtres de lumière, selon la dénomination que l'on nous a ensuite donnée. À l'époque, il n'y avait ni Deus, ni Diabolus, ni Angeli, ni Daemones

-      Ni Dieu ni Diable, c'est ça ?

-      Exact.

-      Désolée, tu n'as même pas commencé que déjà je t'interromps !

-      Pas de souci, tu poses les questions que tu veux, ça me va très bien. Pour toutes les fois où elles se multipliaient dans ta tête et que je me taisais..., assure mon Gardien, d'un air coupable.

J'empêche une moue ironique de monter à mes lèvres. Ce serait dur de nier à quel point cette situation m'a fait chier.

-      Vas-y. Désévangélise-moi si Dieu n'existe pas ! je blague sans conviction pour dépoussiérer l'atmosphère lourde qui perdure dans le loft faiblement éclairé.

-      Oh, il existe ! Seulement, il n'est pas celui que tout le monde croit.

Ma tentative est un échec. Haze a la gentillesse de ne pas me faire remarquer à quel point ce que j'ai dit est déplacé. Je me sens comme si j'avais ri à un enterrement. Mon moral descend d'un cran.

-      Ah non ?

-      À l'Originem, nous étions tous égaux, ou du moins, nous pensions l'être. Puisque l'Evigilinationem  est un moment que nous avons vécu simultanément, nous sommes tous nés au même moment, si l'on peut dire. C'est d'après l'époque de L'Éveil que les humains ont forgé l'idée qu'ils se font du Paradis

-      Mais comment ont-ils su ce que vous avez vécu ?

-      Tu ne devines pas ?

Je secoue la tête en signe de dénégation avant d'allumer.

-      Les Médiums ! Ou les malades mentaux, oh pardon, les Ostiums !

L'ironie de mes mots ourle mes lèvres d'un pli amer. 

-      Ne dis pas ça Carissima, souffle Haze en prenant mon visage dans ses mains. Je déteste cette image que tu as de toi. Je sais que tu as souffert de ton statut d'Ostium, mais c'est du passé maintenant.    Tu as été si forte ! Et tu n'as pas à avoir peur, je serai à jamais avec toi, que tu en aies conscience ou non, achève-t-il en posant son front contre le mien.

Que tu en aies conscience ou non... C'est étrange... Ces mots réveillent l'hiver qui sommeille toujours tapi au fond de mon cœur et les flocons commencent à y tournoyer lentement, malgré la chaleur de sa peau contre la mienne et le trouble que cette proximité me cause. 

Je m'écarte doucement et prends une gorgée de thé qui ne réchauffe que mon œsophage. Ignorant mon agitation Haziel revient sur le sujet principal :

-      Ce sont essentiellement les premiers Videns, qui ont porté le titre de Prophètes qui ont recueilli les récits de l'Éveil. Plusieurs étaient Glossolalistes, comme toi Cara. Pour nous, chaque moment était rempli de découvertes : découverte de soi et des autres, découverte de nos capacités, découverte du monde qui nous entourait.

-      Qui a créé votre monde ?

-      Personne ne l'a créé. C'est l'évolution.

-      C'est vrai ? #Bigbangtheory alors ? je lance, ne sachant plus si ma question est pertinente ou idiote, moi qui n'aurait jamais cru un jour être possédée par un Démon ni embrassée par un Archange.

-      Oui, c'est cette théorie qui explique le mieux ce qui s'est passé. Et ce n'est pas un endroit à proprement parler. C'est davantage une dimension. Un espace intangible que nous occupons avec nos sens qui sont différents des vôtres. C'est une matrice limitrophe au monde matériel qu'un voile délimite. Cette matrice se déploie partout autour des Êtres immatériels. Partout où la Non-matière existe. Ce que vous nommez Big bang correspond au moment où l'Univers s'est dilaté et a commencé à prendre de l'expansion.

-      Tu veux dire que tu ne sais pas comment vous avez été créés ? Je ne comprends pas, tout ça est très abstrait. Je croyais que vous étiez des êtres supérieurs et qui détenaient une connaissance infinie ?

Je répresse un sentiment d'irritation. Il y a trop de zones d'ombre et de points de suspension dans ses propos. Le stress grignote ma patience. Je voudrais faire un fast forward avec la possibilité d'utiliser la fonction contraire au besoin. Seulement, le réalité ne dispose pas du mode vidéo et Haze continue : 

-      Nous ne sommes pas supérieurs aux Hommes. Nous sommes arrivés avant, ce qui fait que nous en savons plus que vous-mêmes sur votre espèce. Nous possédons une connaissance des choses purement intellectuelle alors que la vôtre passe par un filtre émotionnel puissant, ce qui distortionne souvent le réel d'une façon propre à l'expérience humaine. Ce qui peut expliquer ce préjugé sur notre prétendue suprématie est le fait que nous ne sommes pas soumis au même concept d'espace que vous. Cela vous donne l'impression que nous avons des pouvoirs, mais c'est une question de physique.   Nous ne sommes pas si différents, nous partageons une Essence identique. Vous êtes la suite logique aux Êtres immatériels : l'inscription de l'Âme dans un corps physique.

-      Qu'est-ce que tu veux dire ? Je suis perdue...

Cette impression que plus je l'interroge, plus je repousse l'inévitable me soulage un peu.

-      Hmmm... comment je pourrais t'expliquer...  Imagine un système de stockage en ligne de type Cloud versus celui sur disque dur. Ce dernier est limité par rapport à ce qu'il peut contenir. Pas par rapport à la qualité de ce qu'il contient. On peut compresser les fichiers mais il y a un moment où le support est plein. Lorsque l'Âme quitte son enveloppe charnelle, elle se déploie de nouveau dans toute son ampleur.

Une hilarité nerveuse me secoue les côtes. Godamn ! Si je m'attendais à ça. 

-      Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?

-      Rien... C'était vraiment éclairant comme image. Seulement, si tu voulais partir un culte, il te manquerait un petit glow ésotérique.

Haze reprend ma main et mêle les notes sucrées de son rire au mien. 

-      Je sais. Ce n'est pas trop mon truc ! Mais t'inquiètes ! J'en ai connu plusieurs qui ont su porter cette pratique au rang de science ! Bon... où j'en étais, fait-il de nouveau sérieux, tout en continuant de jouer avec mes doigts, ravivant le feu que j'avais réussi à calmer depuis notre baiser sous la pluie. Ah oui ! L'avènement de la vie sur Terre nous a tous ébranlés, pour différentes raisons. Et c'est à ce moment que les problèmes ont commencé.

-      Comment ça ?

-      Après l'Éveil, des millions d'années se sont écoulés dans la paix, le contentement et la tranquillité. 

-      Si c'était avant le Big bang, ça te donne quel âge ? Plus de treize millions ?

-      Hmmm hmmm... émet-il sans enthousiasme en haussant ses épaules dont la vue, malgré le fait qu'elles m'apparaissent délicieusement musclées sous son t-shirt blanc, ne parvient pas à dissiper mon sentiment d'alarme.  Nous vivions en harmonie appréciant chaque instant... Dans un sens, nous avions tout ce que nous aspirions : les Êtres immatériels ont des besoins faciles à combler. Notre esprit nous permettait de créer ce que nous désirions et l'espace n'étant pas une contrainte, jamais l'un ne brimait l'autre avec ses idées, ses besoins.

-      Ok, tout était beau dans la pyramide de Maslow mais qu'en était-il des problèmes reliés aux relations ?

Haze me gratifie d'une moue découragée. 

-      Pourquoi tu me regardes comme ça ? je demande d'une voix rendue plus grave par l'envie de me rapprocher de cette bouche qui appelle la mienne comme une friandise. 

-      Parce que c'est tellement Humain comme réflexion ! fait-il se couvrant son irrésistible mâchoire aux traits saillants de sa grande main blanche. Il n'y en avait pas. L'amour était, et est encore, un courant infini qui circule et nourrit tout le monde. Nous n'avions pas besoin de nous attacher à des Âmes en particulier.

Concentre-toi Haydn ! Haze te parle d'amour universel et d'Évangiles et toi tu te comportes comme une adolescente en rut bordel ! Un peu de maturité ! Je prends une gorgée de mon thé et pose une question dont la réponse, je l'espère, m'aérera l'esprit.

-      Hmmm... et la jalousie ?

-      La jalousie ?

-      Oui, la jalousie ! Tu as dit que chacun créait ses idées, développait ses talents selon ses intérêts. 

-      Je comprends ce que tu veux dire. Mais ce n'est pas dans notre nature de raisonner de cette manière. Avant l'apparition du Monde matériel, le cœur de ceux qui étaient présents était...

-      Purs ?

-      ... dépouillé de ce type de sentiments, me contredit-il en envoyant valser ses mèches noires autour de sa peau laiteuse. Ce n'est que lorsque les choses tangibles – d'abord la matière, ensuite la chair – qu'est né ce désir de possession. 

Un rire m'échappe et je me laisse aller en arrière sur mon banc.

-      La Possession... ouah, ça, ça sonne vachement impur comme désir !

-      Tu peux le voir ainsi si ça t'aide à comprendre. Mais tout n'est pas aussi facile, aussi tranché. À cette époque, c'était la première fois, nous étions face à quelque chose que nous ne pouvions ni créer, ni gérer, quelque chose auquel nous ne pouvions ni même accéder. C'est à ce moment que les dissensions sont nées. La plupart des Être Immatériels ont vu dans l'apparition de la vie sur Terre un miracle, quelque chose de merveilleux, de fascinant à observer. Un nouveau divertissement totalement différent de ce à quoi nous étions habitués. Mais lorsque les premiers Hommes ont vu le jour, certains ont été saisis de convoitise : ils s'imaginaient régner sur des Êtres qu'ils jugeaient inférieurs, alors que d'autres se sont découvert une envie brûlante de jouir de ces sensations physiques que le genre Humain éprouvait.

-      Comme Dieu et Lucifer ?

-      Oui. Lui et Lucifer, en autres.  Ils ont été les leaders dans cette course au pouvoir. Parce qu'ils étaient les plus influents, les plus habiles à plier les autres à leur volonté et à imposer leur message. Mais à l'Originem, ils n'étaient que de simples Êtres de Lumière !

Les mots me pénètrent un par un, mais mon intellect fatigué peine à les habiller d'images, tant les idées qu'ils évoquent sont colossales. Je me tourne vers Haze, coince un de mes genoux entre les siens et j'avance des mains hésitantes vers ce visage auquel j'ai rêvé plus souvent éveillée qu'endormie.

-      Montre-moi, je souffle, en glissant mes pouces sur la peau rugueuse de son menton tandis que mes doigts se réfugient dans la soie brillante de ses cheveux.

Il hoche la tête et enserre mes tempes. L'heure n'est plus aux cachettes. Je n'ai qu'à demander pour savoir désormais. La peur me tord l'estomac. Sur quoi cette conversation va-t-elle se terminer ? Ses prunelles plongent dans les miennes, des étoiles émeraude et argentées dansent sur leurs filaments incandescents, le décor familier du loft s'efface. Un instant de flottement dans un brouillard épais et je suis ailleurs.

Ailleurs... Même plus sur Terre.

La lumière ! C'est féérique. L'air semble infusé de jus de soleil. Des nuages cotonneux aux reflets cristallins oscillent au-dessus de dunes recouvertes d'une substance duveteuse d'un vert tendre et doré qui rayonne de l'intérieur. Mes yeux se gorgent des couleurs pour lesquelles je ne connais pas de nom qui habillent des arbres œuvres d'arts. Une envie compulsive de les contempler un par un pour en graver chaque détail dans ma mémoire envahit mon esprit. Mon cœur gémi devant tant de beauté.

À mes pieds sourd une lueur éblouissante. Une silhouette ondoyante comme un courant d'eau aux nuances multiples de rose mordoré se matérialise et s'agite autour. Une Âme. Si belle ! Son chant se distille dans chacune de mes cellules qui se remplient de bonheur.

Le halo lumineux se meut en fine tige qui s'érige vers le ciel. Elle s'épaissit, se ramifie. La peau tendre devient une écore floconneuse aux dizaines de demi-teintes d'un gris soutenu. Des feuilles délicates d'une symétrie qui caresse mes yeux pointent sur les branches. De petits bourgeons pourpres naissent, éclosent. Une poudre dorée s'en échappe et se fond dans l'atmosphère gorgée de vie.

Puis la scène change.

Des milliers d'Êtres de lumière sont massés en une foule compacte. Leurs surfaces miroitantes reflètent un affolement aux nuances orageuses. Le paysage est toujours aussi magnifique mais suite la colère et la tristesse. Même les arbres semblent animés par des émotions négatives. Les Âmes chantent dans une tonalité sourde et basse qui me fichent des frissons. Mes tripes se nouent. Qu'est-ce qui se passe ?

Je remarque une file au loin et ma vision fait un bond en avant.

En haut d'un flamboyant escalier de pierre immaculée se dresse un trône décoré d'entrelacs compliqués qui surplombe une esplanade. À la gauche de celle-ci, des auras frémissantes attendent de monter une à une les marches qui s'étirent sur ce qui me semble être des kilomètres.

À droite de cette place publique, un rassemblement d'anges attire mon attention. Oh ! Tant de beauté ! Chaque visage est unique mais la teneur de leur magnificence les unit plus étroitement que le feraient des liens de sang chez un frère et une sœur. Leurs ailes d'un blanc pur repliées dans leur dos sont rehaussées de reflets argentés semblables, mais... toutes n'ont pas la même taille, et de loin ! La plupart affichent un air neutre et paisible mais le mécontentement, la stupeur et la résignation suintent sur les traits de plusieurs.

Un Être immatériel se dirige vers le centre de l'esplanade et je le suis des yeux avec appréhension. Un homme – non pas un Ange – un homme, d'une beauté austère s'avance vers lui, les mains tendues devant lui d'une façon implacable. 

Aussitôt, les couleurs de l'Âme s'électrifient. Des filaments d'énergie se créent entre elle et les doigts de Dieu – parce que c'est lui – et son enveloppe se met à crépiter, passant du gris foncé au noir, avant de s'enflammer dans un crescendo rapide de tons orangés et rouge. L'air autour de la forme se rétracte, un nuage de chaleur se forme, et d'un écran de fumée sombre se dessine une silhouette humaine aux majestueuses ailes de jais. L'Ange toise celui qui vient de le contraindre à adopter cette forme d'un regard douloureux acéré qui me poignarde la poitrine. Les larmes me montent aux yeux et c'est à travers une fenêtre brouillée que je l'observe se diriger à pas lents vers un groupe de ses semblables que je n'avais pas remarqué, telles les pièces d'ébène sur un échiquier qui feraient face aux blanches.

J'émerge de cette vision le souffle coupé. Mes muscles se contractent involontairement. J'essuie mes joues du revers de ma manche. Haze prend mon visage au creux de ses paumes. Il pose son front contre le mien et chuchote :

-      Ça va aller Cara... Chut... chut...

-      Qu'est-ce que j'ai vu ?

-      Tu as eu un bref aperçu des millénaires qui ont suivi l'apparition de la vie sur Terre, avant que les Hommes n'y marchent. Les derniers jours paisibles avant les alliances, les trahisons et les luttes qui ont déchiré la population initiale des premiers Êtres immatériels. Ensuite... Tu as assisté à la Caste.

La voix de mon Ange se durcit. Je recule pour scruter ses traits. Cet évènement l'a marqué. Même si sa tristesse mêlée de colère assombrit les profondeurs de ses yeux verts si semblables à ceux d'un humain, elle fait écho à celle qui émanait des Êtres de Lumière que j'ai vus lors de cette procession, par sa violence et sa vivacité. 

-      La Caste ?

-      Oui... Après que Dieu ait vaincu Lucifer, il a effectué une purge, sondant nos cœurs, nous mettant à l'épreuve, nous forçant ainsi à prouver l'étendue et les limites de nos pouvoirs. C'est d'après cette mesure qu'il a décidé de notre forme définitive qu'il nous a obligés à adopter, représentant nos allégeances par une couleur.

-      Tu le détestes, n'est-ce pas ? je souffle.

-      Je lui en veux, oui. Il a contrecarré les plans de la nature. Nous avons dû obéir. Dieu ne nous a pas créés, il nous a contraints. Il n'a pas créé la Terre, il se l'est assujettie. Pour une noble cause à ses yeux, peut-être... Mais reste que cette cause aussi noble soit elle était la sienne et qu'un nombre important d'Êtres immatériels ont péri dans cette guerre d'idéaux.

-      Je suis désolée Haze... Vraiment.

-      Ça va, c'était il y a longtemps maintenant. De quelle couleur as-tu été Casté, Haze ?

Des mèches parent ses paupières closes d'ombres mouchetées.

-      Blanc... J'ai reçu le blanc. 

Je fronce les sourcils de surprise.

-      S'il y avait eu une troisième possibilité que l'annihilation, j'aurais choisi celle-ci. Mais nous devions adhérer aux visions de Dieu ou de Lucifer, rien d'autre.

-      Un génocide ! C'est monstrueux ! j'éructe, remplie de dégoût. Comment Dieu a-t-il osé, lui qui se fait dorer l'image par des humains depuis des milliers d'années ! Et en plus... le nombre de personnes sur Terre ne cesse d'augmenter. Comment peut-il y avoir assez de Custos ? C'était quoi la logique de ce plan ? C'est n'importe quoi, non ?

Mon Custo fait une pression réconfortante sur mes avant-bras, le visage velouté par l'éclat de la plus pure sympathie.

-      Es-tu vraiment prête à entendre la réponse à cette question ? Es-tu toujours certaine de vouloir aller jusqu'au bout ?

Quelque chose rue dans mon estomac. J'ai si longtemps cherché à savoir... Mais j'ai arrêté de demander depuis un bon moment déjà. Par cette mise en garde, Haze pointe la ligne sur laquelle je viens de mettre les pieds. Cette ultime frontière qui me préservait d'une vérité qui m'éloignera de mon Ange.

***

Voir une marée de panique envahir les grands yeux gris de son Aimée lui broie le cœur. Il serre les dents. C'est le moment. Il se lève et commence à faire les cent pas dans la cuisine, comme s'il devait réfléchir avant de lui asséner le coup final, alors qu'il n'a besoin que d'un prétexte pour s'emparer discrètement d'une lame. 

Un frisson le traverse. Le duvet sur ses bras se hérisse. Si seulement les dernières informations qu'il détient pouvaient l'empêcher de se servir de cette arme...

En média : The Fellowship - Smashing Pumpkins

Coucou mes Lovelies adorées ! 🦋♥️

Voici enfin le chapitre 60. L'énoooorme délai de publication est dû au fait que j'ai modifié une dizaine de chapitres, ce qui m'a demandé beaucoup de réflexion. Et puis oui, c'est vrai, j'ai vécu un année de merde...  💩😓

Cette partie est assez théorique. J'espère qu'elle vous plaît quand même. 🤔 C'était la dernière du genre "révélations". Ensuite, je vous promets de l'action jusqu'à la fin. 🤩 Qu'en avez-vous pensé ?

Je profite de l'occasion pour vous présenter la MAGNIFIQUE cover de ma douce amie KatFlake 🎀🦄🌷  Cette fille est bourrée de talent, allez voir son profil ! En plus de faire les plus belles couvertures, elle écrit, organise des concours et a une personnalité lumineuse ! Un vrai coup de coeur ! ⭐️♥️

Continue Reading

You'll Also Like

152K 12.1K 56
-Je ne veux pas l'abandonner, je n'arrive pas à m'y résoudre, chuchotât la jeune femme en réprimant un sanglot -tu sais bien que nous n'avons aucun a...
312K 18.6K 78
Quand on a des parents qui nous traitent comme des moins que rien, on peut facilement dire qu'on n'a pas la vie rose et on a tendance à vouloir se do...
257K 8.7K 101
Kyoko Tanaka est victime d'un poison qui ne connaît pas de remède : l'amnésie. Elle oublie tout, à commencer par sa rencontre avec une étrange et mys...
1K 229 50
En voulant faire une blague, ils m'ont noyée, ces imbéciles. Je n'aurais pas dû survivre. Pourtant, je suis encore là. Mais changée. Profondément...