POINT DE VUE LIAM
En quatre jours, nous avons fait trois hôtels, pris une trentaine de route différente et roulé vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ne s'arrêtant que pour dormir, mettre de l'essence ou se dégourdir les jambes.
La tension dans la voiture est des plus tendues, je ne parle pas, Zayn ne parle pas et nos seuls échanges ne sont que pour quelques mots, généralement des critiques. Zayn ne comprends pas pourquoi notre destination n'est pas précise, pour me défendre, je pourrais dire que je veux simplement que personne ne puisse nous retrouver. Si nous ne savons pas nous-même où nous allons, personne ne le saura et aucun piège ne nous sera tendu. Malheureusement ou heureusement, on ne peut pas faire ça éternellement et je sais désormais où nous allons aller.
-Tu es prêt ? On s'en va. Dis-je à Zayn qui sort de la douche de notre chambre d'hôtel miteuse.
-Je fume une clope avant.
J'acquiesce et me resserre un café tout en sortant une barre chocolatée. En une semaine, notre seul vrai repas a été un kebab que l'on a pris à emporter en passant dans une petite ville. Autrement, nous ne mangeons que des sandwichs, des chips et des friandises toutes plus grasses les unes que les autres.
Quand Zayn a terminé, nous rejoignons la voiture garée sur le parking du Motel. Je me place du côté conducteur alors que le métis se met à l'arrière, s'allongeant de tout son long sur le siège après avoir enlevé son tee-shirt.
-Tu devrais t'attacher.
-Tu devrais la fermer.
-Je n'ai pas envie qu'on se fasse prendre par les flics !
Il soupire et s'assoit avant de s'attacher.
-Satisfait ? Demande-t-il sur un ton sec.
-Merci. On remonte en Angleterre aujourd'hui, on va aller en Irlande. Dis-je en regardant rapidement Zayn par le rétroviseur, m'arrêtant sur son torse si bien sculpté.
-Ouah ça y est tu as trouvé une destination ! Et pourquoi l'Irlande ?
-J'ai des choses à y faire.
-Ok. Tu me fais une petite gâterie avant de partir pour fêter ça ?
-Non merci. Je ne touche qu'à la bonne marchandise.
-Ne me provoque pas Payne, tu sais comment ça va se terminer.
Je ne lui réponds pas et démarre la voiture alors que Zayn continu son monologue, supposant que je le provoque volontairement pour qu'il s'énerve et me saute dessus, que je ne peux plus me passer de lui et de son corps de dieu. S'il savait. En réalité, il me dégoute. C'est vrai qu'il m'attire physiquement mais son comportement, sa façon d'être...tout de ce qu'il a à l'intérieur de lui me répugne. Je ne veux plus jamais céder et le laisser m'embarquer dans une partie de jambe en l'air que je regretterais sitôt terminer.
Même si pour le moment nous sommes coincés ensemble, un jour tout sera terminé, il vivra sa vie de son côté et je vivrais la mienne et peut-être que là je pourrais me retrouver quelqu'un avec qui je pourrais passer de bons moments, dignement, et sans me dire que je trahis à la fois l'homme que j'ai aimé, mon meilleur ami et le pays que j'ai servi.
[...]
J'ai passé vingt-trois ans de ma vie en Angleterre et pas une seule fois je n'avais mis les pieds en Irlande. Pourtant c'est un beau pays et j'imagine très bien Niall vivre parmi toutes ces personnes aux allures sympathiques. Mon ami habite à Mullingar. Ou plutôt habitait. J'ai encore du mal à admettre qu'il n'est plus là. Je vois encore son sourire rayonnant, son rire plein de joie, sa gentillesse et son grand cœur. C'était vraiment quelqu'un de bien, mais il n'est plus là à cause de la personne qui se trouve à mes côtés. Ça aussi j'ai encore du mal à l'admettre.
Quand je regarde Zayn, je revois Niall couvert de sang, je l'entends encore murmurer faiblement mon prénom, j'entends ce bruit assourdissant qui me hante. Celui de la balle tirée en direction de Niall puis je revois son corps s'écrouler au sol. J'aurais dû le sauver ce jour-là, l'aider à quitter la Basilique et au lieu de ça il s'est fait tuer en courant, comme je lui avais ordonné.
Je me sens coupable de sa mort, mais ce n'est rien à côté de la haine que je ressens pour Zayn quand je me rappelle ce qu'il lui a fait subir. Il ne mérite pas tant de gentillesse et de patience de ma part et pourtant je lui laisse la chance que peu ont eu. Celle de recommencer une nouvelle vie, une vie que Niall aurait dû lui aussi avoir en compagnie de sa femme et de son enfant.
Je suis retiré de mes pensées par Zayn qui se penche à l'avant de la voiture pour allumer la radio et monter le volume assez haut.
-Désolé, mais je commençais à sérieusement me faire chier ! Oh et j'ai envie de pisser.
-Tu attendras encore quelques kilomètres. Dis-je en baissant le son de l'autoradio.
-Crève, si je ne descends pas tout de suite je pisse dans ta caisse !
Je souffle d'exaspération et m'arrête sur le bord de la route, autour de laquelle se trouvent quelques arbres. Zayn descend de la Jeep et commence à partir mais il s'arrête pour me regarder.
-Tu viens me la tenir ? Demande-t-il avec un grand sourire.
Je lui montre mon doigt en retour, geste qui le fait rire à gorge déployée.
Je n'en peux plus de ses tentatives d'approche de pervers, c'est un vrai porc et il ne fait que me repousser un peu plus. Plus jamais je ne lui offrirais ce plaisir, j'ai fait l'erreur deux fois, mais ça n'arrivera pas une troisième fois.
Zayn remonte justement dans la voiture, se mettant cette fois-ci à côté de moi.
-Tu veux que je conduise ?
-Si tu veux. Dis-je en sortant pour lui laisser la place.
Une fois installé, j'indique à Zayn de prendre la direction de Dublin puis de Mullingar. Il acquiesce et se met en route.
[...]
A la tombée de la nuit, on s'arrête à un petit hôtel en bord de route, dans lequel on prend une chambre de deux lits, comme d'habitude. Zayn s'empresse de s'affaler sur l'un des lits en ouvrant un paquet de chips alors que je me contente de m'allonger et de profiter de ce moment pour détendre mes jambes douloureuses. Ça fait plus d'une semaine que nous roulons, nos nuits de sommeil sont très courtes voire inexistante et notre corps fatigue de rester constamment dans la même position et de supporter la chaleur s'engouffrant dans la voiture. Nous sommes épuisés, mais ni l'un ni l'autre ne le reconnaîtra, par fierté.
-Bon alors soldat, c'est quoi ton plan maintenant ?
-Je dois aller voir quelqu'un.
-Génial ! C'est qui ?
-La femme du mec que tu as tué.
-Tu n'es pas sérieux ?
-Si.
Il allait répondre quelque chose mais se ravise et continu de manger bruyamment ses chips grasses. Je préfère qu'il se taise plutôt qu'il me dise quelque chose qui me mettra en rogne. Oui je vais voir la femme de Niall, je n'avais eu ni le courage ni le temps d'y aller jusqu'ici mais c'est le moment, je dois aller la voir, lui parler, m'excuser et lui rendre les affaires de son fiancé. Je ne sais pas comment je vais gérer ce moment, je sais que ça va être dur de reparler de Niall, de rencontrer sa femme qu'il a tant aimé et qui était enceinte de lui quand il est mort, mais je dois le faire, pour lui, mais aussi pour moi.
Je m'empare d'un sandwich au jambon que j'ingurgite en quelques secondes, puis je m'allonge dans ce lit plus confortable que son apparence le laisse penser, fermant les yeux et priant pour que tout ça prenne fin rapidement.
POINT DE VUE ZAYN
Lorsque je me réveille, éblouie par le soleil s'infiltrant dans la chambre, je regarde l'heure, par réflexe, avant de remarquer que Liam n'est plus dans son lit. Je me redresse, et finit par le trouver à la fenêtre, tenant le rideau teinté d'une affreuse couleur orange. Il semble regarder quelque chose, mais j'ignore quoi, et pour être honnête ça m'est égal.
Sentant mon estomac réclamer de la nourriture, je me lève et fouille dans l'un des sacs réservés à la nourriture, pour en extirper des barres de céréales et une bouteille d'eau. Je m'installe sur l'une des chaises entourant la petite table ronde, puis regarde Liam. Après quelques minutes qui me paraissent des heures, Liam n'a toujours pas bougé, restant figé à cette fenêtre. Il referme parfois le rideau quelques secondes avant de l'ouvrir à nouveau. Mon impatience et ma curiosité prennent le dessus sur la haine que j'éprouve pour l'agent secret.
-Tu vas me dire ce que tu regardes ou je te tire une balle ? Dis-je apparemment trop fort pour le châtain qui me fait signe de me taire.
Je souffle et baisse la tête pour continuer mon repas léger quand Liam prend enfin la parole en parlant tout bas.
-Une voiture est stoppé devant l'hôtel, des hommes sont dedans.
-Et alors ?
-Alors tu vois beaucoup de voiture de ce genre devant un hôtel aussi pourrie ?
Je me lève et me poste à ses côtés, regardant à mon tour l'objet de son inquiétude. Une grosse BMW est en effet arrêtée sur le côté de la route. Deux hommes sont à l'intérieur, vêtu de noir si j'en crois ce que je vois à travers les vitres teintées. En effet, ça paraît louche, mais je ne pense pas qu'il faut s'inquiéter pour si peu.
-Qu'est-ce que tu veux faire ?
-On va attendre qu'ils partent.
-On peut aussi les descendre, ça ira plus vite.
Liam me regarde de travers avant de se tourner vers son sac, l'air pensif.
-On ne tuera plus personne. Dit-il avant de reporter son attention sur la voiture de l'autre côté de la fenêtre.
Ça c'est ce qu'il croit. Je ne compte pas passer le reste de ma vie à regarder des cons vivre leur vie sans leur dégommer la cervelle. J'aurais besoin un jour ou l'autre de sentir mon arme se déclencher, de lire la peur dans le regard de ma cible, de voir son sang gicler sur plusieurs mètres. Ça c'est la vie, c'est la loi du plus fort. On attaque pour ne pas se faire attaquer. C'est ce que j'ai appris durant mes longues années passées au commandement d'Harry.
Après quelques minutes, la voiture aux vitres teintées reprend la route et Liam sort de la chambre, accompagné de son revolver, afin de s'assurer que l'on peut quitter cet endroit sans risque. Pendant ce temps, je fouille dans mes poches et en sort un petit sachet contenant des petites boules de feuilles vertes. Sourire aux lèvres, je prends mon paquet de tabac et mes feuilles et me roule un petit joint. Quand celui-ci est prêt, Liam entre dans la chambre, m'indiquant qu'on peut partir. Je cache rapidement le rouleau blanc dans mes affaires et me prépare à partir.
-Tu pensais que c'était qui tout à l'heure ?
-Je n'en sais rien, je les trouvais juste louche.
-Tu crois qu'ils nous ont retrouvé ?
-Honnêtement non...ça aurait été ton gang, ils auraient déjà essayé de nous tuer et si c'était la CIA, ils auraient été bien plus intelligent et discret que ça. Je me suis inquiété pour rien.
-Comme d'habitude !
-On va faire des courses avant de partir, j'en ai marre de manger de la merde. Dit-il pour changer de sujet.
-Je suis d'accord. Tu veux aller où ?
-On trouvera probablement une supérette dans le village à côté. Je vais y aller, tu restes ici.
-Rêve, je viens avec toi, j'en ai marre de faire toujours la même chose.
Je n'ai jamais trouvé super intéressant de faire les courses mais aujourd'hui, rien que l'idée de me retrouver dans un endroit autre qu'une chambre d'hôtel et la voiture me réjouit. Je pourrais peut-être tuer quelqu'un en passant, qui sait ?
Liam souffle et hoche la tête pour me donner son accord. Même si je ne l'avais pas eu, je serais monté dans la voiture, quitte à ce qu'il me tue par la suite. Il retourne dans la chambre chercher de l'argent alors que j'allume une cigarette. Quand je l'ai terminé, on monte dans la Jeep alors que le soldat, au volant, met le contact.
Liam s'arrête net, me regardant avec de gros yeux comme-ci j'avais dit quelque chose d'horrible. Et puis je comprends. Je comprends lorsque j'entends le son aigu à intervalle régulier. Je comprends lorsque le conducteur me cri de sortir de la voiture. Je m'exécute, sachant très bien que ce son n'est rien d'autre que celui d'un retardateur et qu'une bombe ne va pas tarder à exploser. Je m'écarte le plus possible de la Jeep, alors que Liam, qui était sorti, se précipite à la voiture, dans le coffre plus précisément, y retirant un sac qui y étais depuis un moment. Alors que je lui hurle de se dépêcher, la voiture explose dans un bruit assourdissant. Le souffle me fait perdre l'équilibre et le feu m'aveugle un moment alors que, paniqué, je cherche Liam du regard. Mais je ne le vois pas, ma vision est trop floue et tout ce que je vois, c'est la voiture d'où s'échappe des flammes menaçantes et un brouillard de fumée opaque.