Dissonances

By Josieway

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¨J'attends, l'âme à l'affût. Je. ne. suis. plus. seule. dans. la. pièce. noire. qu'est. mon. esprit. Il n'e... More

Note de l'auteur
Prologue - Ce n'était pas censé arriver...
1. Respire Haydn !
2. De trop dans ma propre tête
3. Exorcisme
4. Mon frère, ce tuteur si attentionné
5. Les conditions idéales pour mal commencer une journée
6. Stratégies inutiles
7. Priorités prioritaires
8. Sur la liste des sujets que je n'avais pas envie d'aborder
9. After-party : le pouvoir
10. Tout est question de timing !
11. Tergiversations d'une newbie des relations amoureuses
12. After-party : la démesure
13. Fleurs fanées et excuses d'usage
14. Dans l'oeil du cyclone
15. Certainement pas l'idée du siècle !
16. After-party : la luxure
17. Trop tard pour reculer !
18. Return of the Jedi
19. Échos d'un autre monde
20. F-o-l-i-e
21. Off beat
22. Mascarade
23. Douche froide
24. Maelström
25. Mais enfin, quelqu'un va me dire ce qui se passe ???
26. Conscience ̶t̶r̶a̶n̶q̶u̶i̶l̶l̶e̶ ̶
27. Je veux le voir, c'est tout ce qui compte !
28. Ça n'en valait pas le coup
29. La pagaille dans mon coeur
30. Ça y'était presque...
31.On dit toujours que c'est l'intention qui compte !
32. Contre nature
33. Ce qu'il y avait entre eux
34. Mauvais feeling... !
35. Lorsque le rideau tombe
36. Parce que c'était comme ça maintenant
37. The light behind your eyes
38. L'espoir fait vivre
40. New York cheesecake
41. Au Bliss-Coffee
42. Ctrl+Alt+Del : Reset my memory
43. Over the edge
44. Un million de voix, un brasier et des cendres
45. Tout est lié
46. As-tu pris ta médoc ?
47. Interférences
48. Dans les étoiles de tes yeux, là où se trouvent toutes les réponses
49. À travers le voile de ton indifférence
50. Un remake d'Orgueil et préjugés
51. Tout ces non-dits, vers où nous mènent-ils ?
52. Destins contrariés
53. Ces images que tu peins dans ma tête
54. Kissing the sky
55. L'ironie dans cette histoire...
56.La vérité fait un si beau paravent
57. Tout ce que j'aurais dû te dire lorsqu'il était encore temps
58. Plus diaphane qu'un songe
59. Ce qui se dresse entre nos lèvres
60. La Caste
61. Donne-moi une raison pour te laisser partir
62. Laughing after danger
63. Carry on
64. Coupable
65. De l'Autre-côté
66. Dites-moi pourquoi ?
Bonus 10K personnages partie I
Bonus personnages partie II

39. Retour à la maison

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By Josieway




-       Je pensais bien te trouver ici !

Je me retourne sur le coup de la surprise. Jane se tient dans l'embrasure de la porte du studio musique. Elle hésite, puis fait quelques pas à travers la pièce où j'ai pratiquement grandi. Les lattes du plancher jouent en sourdine lorsqu'elle met les pieds sur l'épais tapis blanc sur lequel est figé mon Steinway.

-       Ça te manque, hein ?

Je me laisse tomber sur le banc. J'ai prétexté une visite à la cuisine pour aider Annah afin de m'éclipser discrètement de la salle à manger. Mais mes intentions n'étaient pas si altruistes... 

L'endroit est tel que je m'y attendais : noyé dans les rayons de soleil du midi, réfléchis par le miroir victorien dominant le foyer. Je me suis avancée jusqu'à mon piano au centre de la pièce.

Tellement plus impressionnant que dans mon souvenir !

J'ai hurlé à la peur tapie dans mon ventre de se taire et j'ai osé j'ai osé j'ai osé caresser quelques touches. Les frissons m'ont enveloppé. Le duvet dans mon cou s'est hérissé. La peur a tiré sur sa chaîne. J'ai serré les dents et j'ai savouré le contact soyeux des notes blanches sous mes doigts. Impossible d'oublier cette sensation. De l'index, j'ai enfoncé une touche. Doucement. Sans bruit. La peur a tiré plus fort. Les maillons de la chaîne ont cédé.  

Mon amie s'installe à mes côtés. Jane. Mon amie. Ma meilleure amie. Trop proche, trop pareille/différente à la fois.

Elle comme les autres. 

Les gens que j'aime, devenus des étrangers que j'ai déjà bien connus, mon univers, une vie que j'aurais longuement vécue dans un rêve...

Troublant décalage.

-       Je ne sais pas...

Visiblement, personne n'a encore dit à Jane que je ne reprendrais pas les cours à l'Université en janvier. On en est au dessert et je me demande ce qui retient Franz d'aborder le sujet. Ça ne lui ressemble pas de se contenir ainsi. Certaine qu'il considère l'occasion comme parfaite : avec des alliers comme Mamico et Jane, il s'imagine sans doute me convaincre de rester.

Si c'est le cas, il se trompe : dès que j'ai mis le pied à la maison, ma résolution de partir s'est renforcée. Me retrouver dans mon ancien décor a accentué mon malaise : tout me crie que j'ai stagné. 

Ma chambre s'est pétrifiée dans le temps. Mes meubles se sont enracinés dans le sol. Mes placards vomissent des vêtements abandonnés depuis plus d'un an. Sont-ils seulement encore portables ? Les recueils de texte qui ont accompagné mes copains dans la réussite de leurs cours ont entamé un processus de fossilisation aux côtés de mon iMac.

Rien n'a été rangé/tout étincelle de propreté. 

Personne n'a dormi ici/des fantômes ont habité cette pièce pendant mon absence. 

Lorsque j'y entre, l'odeur des espoirs de mes proches – déterminés à croire que rien ne changerait – me prend à la gorge. J'aurais voulu être une meilleure sœur, une meilleure tante, une meilleure petite fille, une meilleure blonde, une meilleure amie.

La Belle au bois dormant a eu plus de chance que moi. Tout son royaume s'est endormi en même temps qu'elle. Elle n'a pas dû subir autant de pression !

Aujourd'hui, je me retrouve à la croisée des chemins. J'appréhendais ce moment. Je l'ai vu venir. Longtemps. Longtemps à l'avance. C'est évident que je ne pourrai pas reprendre où j'ai laissé.

La carrière de pianiste, c'est terminé pour moi !

Juste d'y songer et la peur fait claquer son fouet sur mon âme. ̶M̶o̶n̶ ̶e̶x̶i̶s̶t̶e̶n̶c̶e̶ cette existence n'a plus de sens ! Oui. Y renoncer, c'est accepter de mourir à petit feu. Et pourtant, c'est irrévocable : je ne supporterai pas de vivre dans la crainte de provoquer Leur retour par la musique. La peur tient ma passion en joue et ne compte pas lâcher prise.

Alors j'en suis là.

Chaque matin, c'est le désir de fuir qui me réveille. Fuir mes souvenirs, fuir les témoins de ma déchéance, fuir mes espoirs déchus.

La fissure abyssale que j'ai au cœur fait de moi un instrument ébréché dans lequel s'engouffre un vent de désolation, d'où il ne sortira désormais plus que des dissonances. Heureusement pour moi, les drogues en atténuent les échos en m'enveloppant dans un brouillard de vide. 

-       Je comprends, énonce doucement Jane, de ce ton précautionneux qu'elle adopte avec moi maintenant. 

Un détail de plus qui fait en sorte que ma place n'est plus ici.

-       T'as pas rejoué depuis que c'est arrivé ? Même pas une fois ?

Je baisse les yeux, c'est plus fort que moi.

-       Non.

-       T'en fais pas ! C'est pas obligé d'être aujourd'hui, ou cette semaine... La session ne recommence pas avant un peu moins qu'un mois, alors t'as le temps de t'y remettre !

Je hausse les épaules.

Récemment, j'ai découvert le pouvoir incroyable de ce moyen d'expression. Il a l'avantage de pouvoir être interprété de différentes manières, selon la situation et l'interlocuteur. Parce qu'il met un soupçon de malaise dans l'air, il coupe court à bien des conversations. Comme je m'y attendais, mon amie change de sujet.

-       T'as prévu d'aller voir Nate ?

Damn !   Ce n'est pas les questions inconfortables qui manquent...

-       Je sais pas... T'as eu de ses nouvelles dernièrement ? je demande en regardant mes ongles, feignant le détachement.

-       Je l'ai eu au téléphone ce matin.

Je me représente son visage, chose que je me refuse à faire depuis plusieurs semaines. Très loin au fond de moi, quelque chose remue.

-       Il t'aime encore, tu sais, poursuit Jane.

-       Je sais. 

Moi aussi, peut-être.

Une vitre de trente centimètres d'épaisseur me sépare du monde en permanence. J'ai n'ai pas accès à mes émotions. Mieux vaut me taire. Je n'ai pas le droit de jouer avec son cœur. Pourtant, l'avoir à mes côtés m'aiderait à reprendre pied.

Quelle égoïste je fais !

Le souvenir de notre dernière rencontre se superpose au présent. La tapisserie embossée du studio de musique s'évanouit au profit de l'univers dépouillé de la clinique, avec ses murs blancs et sa fenêtre grillagée. 

Jane disparaît pour laisser place à Nate, très élégant dans son manteau gris de style militaire. Il n'a pas pris la peine de l'enlever, cette fois. Son écharpe noire tranchait irrésistiblement avec son teint clair. Il s'est assis au pied de mon lit. Pendant plusieurs minutes, nous avons gardé le silence. Moi, parce que je ne savais pas quoi dire. Lui, parce que l'amour qui brillait dans son regard bleu se passait de mots. 

J'espérais qu'il se mettrait en colère. Un minimum contrarié. Ça aurait été plus facile à gérer que ce comportement exemplaire ! Attentionné et dévoué jusqu'à la toute fin. Tout le contraire de la fille trash à l'autre bout du matelas, les genoux entourés de ses bras pour y enfouir le bas de son visage et ainsi échapper à l'air irrespirable, parce que saturé de culpabilité.

-       Mon cœur, je ne reviendrai pas... avait-il finalement soufflé d'une voix tendue et rauque.  J'attendrai que tu me fasses signe.

J'avais relevé la tête vers lui tandis qu'il se levait, l'avait laissé m'embrasser doucemement sur la joue et par lâcheté ou par courage – parce que je savais que je l'aimais encore à ce moment-là – n'avait rien dit.

-       ... t'attendra, tu sais comment il est... Hay, tu m'écoutes ? fait Jane en me brassant doucement pour me ramener à la réalité.

J'ai bien conscience d'en avoir perdu un bout important, mais je ne la fais pas répéter. Jane prend mon menton entre ses doigts aux ongles vernis de mandarine pour m'obliger à la regarder.

-       Hay, tu ne peux pas chasser tout le monde comme ça !

Je me retrouve prisonnière de l'incrédulité qui sourd de ses yeux turquoise. Elle ne se rend pas compte que ça s'est fait tout seul, il y a longtemps déjà. Sans que je ne l'aie décidé. Qu'ils sont devenus de plus en plus étrangers – tous – une visite après l'autre. 

Mais certains liens sont trop forts pour être brisés.   Il suffit que je pense à Franz, à Grand-mère, à Annah...   Et puis, la résistance de Jane viendrait à bout de n'importe quelle maladie mentale. Je soupçonne dans son cas que même ma mort ne serait pas une excuse suffisante pour qu'elle me laisse tomber. 

Nate, lui... C'est différent. Il s'est montré trop respectueux. Cette qualité admirable a signé la fin de notre couple, que j'ai précipitée. 

J'acquiesce aux propos de mon amie d'un signe du menton, encore un geste de lâche me permettant de gagner du temps. 

-       Parle-moi un peu d'Henri et toi...

-       Hay, pourquoi tu reviens là-dessus ? se hérisse-t-elle. Tu sais très bien que c'est terminé depuis longtemps !

Pour tout dire, je n'étais pas trop au courant. Son attitude à la simple mention d'Henri est celle que je lui aie toujours connue avant le début incompréhensible de leur histoire.

-       Non, raconte... je ne sais pas justement ! En fait, je n'ai même jamais compris pourquoi tu faisais un tel drame à propos de ses sentiments pour toi !

-       Merde Hay ! On ne peut pas parler d'autre chose s'il te plaît ?

-       Non, on ne peut pas ! Explique-moi. Explique-moi encore, si tu l'as déjà fait, j'ajoute hypocritement gentille, trop heureuse d'avoir détourné son attention de sur moi.

Après une grimace de protestation dramatique, elle se résigne, voyant que je ne la lâcherai pas :

-       Ce que je vais te dire te surprendra peut-être, mais je m'explique pas ce qui s'est passé. Dès que nous nous sommes rencontrés pour la première fois, j'avais ressenti quelque chose de très fort pour lui. Un genre de coup de foudre morbide. Comme si je venais de tomber en amour avec ma sœur, ou quelque chose comme ça. 

Elle prend mon silence pour un jugement.

-       C'est complètement ridicule, je sais.

-       J'ai rien dit, continue, je l'incite à poursuivre.

-       Mais c'était tout le contraire pour lui et ça me faisait me sentir encore plus mal ! Devant vous, je faisais semblant que j'éprouvais rien même si chaque fois que je le voyais, il fallait que je me contrôle pour être sûre de rien faire qui puisse l'encourager. Et puis le jour où Nate a fait sa crise d'épilepsie, tout a changé dans ma tête. Il fallait que je sois avec lui, plus rien d'autre n'avait d'importance. C'était si fort comme sentiment ! 

Elle porte la main à ses yeux. Elle va pleurer. Quelle piètre amie je suis : je ne sais même pas comment ils ont rompu ! J'amorce un geste pour la prendre dans mes bras mais elle me fait signe que ça va et poursuit :

-       De la même manière, quelques mois plus tard, tout est revenu : le malaise, l'impression que notre histoire était impossible... Comme ça ! (Elle claque des doigts, l'air de ne pas y croire.)  Après que tu aies été admise à Philippe-Pinel, je n'aie plus été capable de le voir, ou de songer à lui.

J'ai soudainement la chair de poule. ̶Ç̶a̶ ̶c̶o̶ï̶n̶c̶i̶d̶e̶ ̶a̶v̶e̶c̶ ̶c̶e̶ ̶q̶u̶i̶ ̶s̶'̶e̶s̶t̶ ̶p̶a̶s̶s̶é̶ ̶d̶a̶n̶s̶ ̶l̶'̶A̶u̶t̶r̶e̶ ̶M̶o̶n̶d̶e̶.̶ Je rassemble les pensées qui ont dégringolées de mon cerveau, en vrac sur le sol. Je fais le tri de mes mains tremblantes et choisis celles qui sont inoffensives. 

Je me racle la gorge et encourage Jane à poursuivre, d'un ton que j'espère assuré:

-       Vous vous évitez maintenant ?

-       Les choses sont plus ou moins redevenues à la normale... Avec les cours et la gang, on n'a pas trop le choix de se côtoyer c'est sûr...   Ohhhhhhh, on en a assez parlé ok ? s'emporte-t-elle soudain, comme si la perspective qu'Henri existe encore quelque part en ce moment même sur Terre et qu'elle le reverra bientôt est plus qu'elle ne peut en supporter.

-       D'accord, je n'en parlerai plus, c'est promis.

À demi rassurée, mon amie se met à me raconter les dernières anecdotes, assainissant quelque peu l'atmosphère plombée à l'évocation de ces histoires d'amour foutues : qui a dit quoi, fait quoi, pourquoi et quand... Justin, Roxy, Raf, Félix, Élie, Roman...   Comme si je les avais vus la semaine passée ̶e̶t̶ ̶q̶u̶'̶i̶l̶s̶ ̶c̶o̶m̶p̶t̶a̶i̶e̶n̶t̶ ̶a̶u̶t̶a̶n̶t̶ ̶q̶u̶'̶a̶v̶a̶n̶t̶ ̶p̶o̶u̶r̶ ̶m̶o̶i̶.̶

Jane est debout, en train de mimer l'incroyable culbute qu'a fait Justin mercredi lorsque Rafael lui a barré le chemin – pour être drôle ! –, manuels, crayons et feuilles volant dans tout les sens, quand Annah entre discrètement dans le studio.

-       On vous attend les filles !





Coucou les Lovelies ! J'espère que vous êtes heureuses du retour d'Haydn... Elle devrait être avec nous pour un bon moment <3

J'ai un accès limité au WIFI, mais MERCI d'être au rendez-vous à chaque chapitre ! J'apprécie tout vos votes, ajouts à vos listes, vues et commentaires !!!!

En média, une chanson de Jean Leloup. Un artiste québécois que je suis depuis mon adolescence ! Au départ, ce n'était pas celle que j'avais choisie, mais elle ne rendait pas justice à son talent - roman-e.

Ils sont rares, les artistes qui chantent en français que j'apprécie. C'est une langue qui est moins chantante que l'anglais, à mon humble avis.

Si vous appréciez l'accent québécois, vous allez être servies !

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