ALASKA lève les bras. Tout le monde l'applaudit. C'est la dernière qui ait réussi à tuer le second Revlaf. Depuis que j'ai vaincu la première créature, tout le monde a suivi mes recommandations. Et, à la fin de la semaine dernière, ils avaient vaincu l'un des monstres ! Cette semaine, nous devions éliminer le suivant.
Le professeur Laine a dit que tant que personne n'aura réussi à les vaincre, nous ne découvrirons pas les autres monstres. Alors après avoir tué le second, j'ai attendu les autres. Mais l'atmosphère dans la salle a changé. Dès qu'une personne sort de la serre, elle nous raconte comment elle a fait pour combattre l'ennemi. Tout le monde discute et le temps passe plus rapidement. En une semaine, nous avons appris à mieux nous connaître.
Alaska a les cheveux bleu ciel qui se dégradent en bleu pastel au niveau de ses pointes. Elle a une queue-de-cheval et son arme est un sabre. Ses yeux sont légèrement bridés. Elle a le pouvoir de manipuler le corps de quelqu'un et de lui faire faire les mouvements qu'elle veut sans qu'il puisse s'y opposer. Son amie s'appelle Daria. Elle est blonde et a les cheveux aussi courts qu'un garçon. Elle arrive à rétrécir des objets. Elles dorment dans le dortoir à côté du mien. Jusqu'à aujourd'hui on ne s'était jamais parlé. Et puis, il y a Gill, et son ami Piotr, ils se sont teint les cheveux en rouge cuivré cette semaine. De vrais rebelles ! Je ne sais pas où ils ont eu la couleur, mais ils ont été punis et ont dû nettoyer les salles de bains communes du Gouffre ! Gill est capable de rester éveiller pendant des jours. Piotr, quant à lui, de doubler les objets et de se dédoubler lui-même.
Quartz et Fiendril ne restent plus dans leur coin comme avant. Maintenant, nous nous rendons tous au Gouffre ensemble. Et quelquefois, ils viennent s'installer à notre table pour dîner ou déjeuner.
Même avec les middle class la tension s'est détendue. Il y a les frères et sœurs Mikolaj et Magda avec qui je m'entends bien. Jamais je n'aurais imaginé que ces deux-là étaient jumeaux. Ils ne se ressemblent pas. Mikolaj, le frère, a des cheveux cendre blonds, un nez bossu et est très grand. Magda est de petite taille, elle a des cheveux beige blond et un nez droit. Leurs points communs : ils ont tous deux les yeux bleu clair et, ont hérité du même pouvoir. Ils arrivent à infliger des hallucinations aux gens et s'ils sont réunis, ils peuvent le faire avec certaines bestioles !
Le professeur Laine entre dans la salle. Il nous regarde avec cynisme.
― Ce n'est pas la peine de vous réjouir de votre victoire. Les deux semaines sont écoulées. Lundi matin, les puissants feront leur choix. Ensuite, vous vous entraînerez avec eux dans les serres de combats. Et vu votre niveau, je ne pense pas que ce sera quelque chose de simple et de facile. Les niveaux, que vous franchirez, seront infestés des monstres et des créatures de Tétra bien plus effrayantes et plus dangereuses. Ensuite, le combat au corps à corps, le pilotage d'avion, et bien d'autres choses vous attendent. Demain c'est votre jour de repos. Alors profitez-en et reposez-vous ! Le repos est le seul moyen de préparer votre mental ! Il vous reste cinq semaines avant le grand jour et je peux vous assurer qu'aucun de vous n'est encore bien préparé. Vous pouvez disposer.
Tout le monde se lève et sort de la salle. Dans le hall, Camille nous rejoint. Elle a l'air stressé.
― Ça ne va pas ? lui demandé-je.
― Je n'ai pas encore fait mes choix.
― Tu n'as qu'à me prendre, lui lance Gill.
― Un rouquin idiot comme toi ? Non merci.
― Je ne suis pas idiot ! réplique-t-il.
― Mais avoue que tu aimes faire le pitre, lui dit Daria.
― Écoute on est jeune ! On a 16 ans et dans cinq semaines on risque de se faire bouffer par des Revlafs, ou se faire tuer par une sangsue sur Tétra. Et ta vie alors, t'en fait quoi ? On n'a pas le droit de s'amuser ?
― Si, mais la vie ce n'est pas uniquement s'amuser ! réprime Camille.
― Qui est d'accord avec la miss coincée ? demande Piotr.
Personne ne lève le doigt, mais je me sens tellement embarrassée pour elle que je le fais timidement.
Fiendril me baisse le bras.
― Allez, ne prend pas sa défense. Nous vivons dans un monde difficile, ok. Et le fait est, que nous avons peur de nous amuser à cause de tout ce qui se passe autour de nous.
Magda et Mikolaj s'approchent.
― On parle de s'amuser ? demande Mikolaj.
― Ouais, on aimerait bien faire quelque chose de dingue pour oublier le stress et se lâcher un peu avant la semaine prochaine.
Magda nous parle alors par télépathie.
― « Les middle class ont l'habitude de sortir en douce, le soir. On escalade la crypte, on saute le mur qui sépare le lycée du collège et on se rend à la colline au primaire. On apprécie la vue qui donne sur la ville. »
― « la vue sur la colline ? » demande Daria. « Depuis le primaire on n'est plus retourné là-bas ».
― « Oui mais la vue, la nuit, est différente. C'est bien plus beau. Ça vous tente ce soir ? » interroge Mikolaj.
― « Sans hésitation » répondent Gill et Piort.
Daria et Alaska se regardent. « ok »
Fiendril considère Quartz qui hoche la tête en signe d'acceptation.
― « Il n'y a rien à craindre ? » demandé-je.
― « Eh bien, si tu ne veux pas que je recommence à t'appeler Miss dégonflée, t'as qu'à venir voir si ça craint. » dit Magda.
Je ris mais j'accepte la proposition.
― Alors rendez-vous ce soir à 21 heures 45 devant le monument aux morts. Plus personne ne patrouille après 21 heures, nous assure Mikolaj.
+¯+
Il est 21 heures 30. Je retire ma couverture. Fiendril, en face de moi, se lève aussi et Camille marche sur la pointe des pieds. Elle a finalement décidé de venir.
Je fixe Arwen qui dort. J'aurai aimé qu'elle vienne mais Magda a dit qu'il vaudrait mieux ne pas être nombreux. Alors, je ne lui parlerai pas de notre virée nocturne. Je sors délicatement du lit pour ne pas faire de bruit. Je prends mes chaussures que j'avais pris soin de ne pas ranger dans mon armoire. Comme Camille, je marche sur la pointe des pieds. Heureusement que nous avons deux lunes, et qu'elles sont toujours pleines. Même s'il n'y a pas de lumière, on peut voir dans la pénombre.
Nous quittons la chambre, en fermant la porte doucement. Nous avançons dans le couloir sur la pointe des pieds. Nous apercevons Alaska et Daria qui referment leur porte.
Fiendril pouffe de rire.
Chuuut.... fait Camille.
― Désolée, murmure-t-elle.
Moi aussi, j'ai envie de rire. J'ai à la fois peur qu'on me surprenne, mais je suis aussi excitée de sortir, de faire une folie et d'enfreindre une règle.
Dans le hall nous sommes rejoints par les garçons. Quartz et Fiendril se donnent la main. Nous sortons du Gouffre, traversons le chemin qui mène au parc. Nous sommes tous habillés d'une tenue noire. Moins repérable d'après Magda. Nous rejoignons son frère et elle devant le monument aux morts dont l'horloge indique 21 heures 46.
― Vous êtes en retard, s'écrie Mikolaj.
― C'est vous qui êtes en avance, réplique Gill.
― Mais avec vos cheveux rouges, on a des chances de se faire repérer dans la nuit, dit Camille.
― Allez les amoureux, on arrête de se taquiner ! s'écrie Magda.
― Amoureux ! Qui serait amoureux de ce perroquet ! rétorque Camille.
Nous courrons vers la crypte. Je donne la main à Camille. Nous rigolons. Le vent souffle légèrement. Mes cheveux sont lâchés, je n'ai pas eu le temps de les tresser, alors ils s'envolent dans mes yeux et je suis obligée de passer ma main à chaque fois qu'ils me gênent.
Nous arrivons à la crypte. Chacun grimpe l'un après l'autre.
― Tu ne t'envoles pas ? me demande Piotr.
― Non, j'ai envie de plus d'adrénaline.
En haut, il m'attrape la main et m'aide à remonter.
― Il faut sauter dans les arbres, nous dit Mikolaj. Suivez-moi.
Chacun saute à son tour. Nous sommes maintenant dans le parc du collège. Nous traversons les trois bâtiments le lowerclass dorm, le middle class dorm et l'upperclass dorm. Au collège, ils gardent les mêmes noms que notre rang et au primaire on parle juste de dortoir 1, 2 et 3. Revoir la bâtisse du lowclass me rend nostalgique. Le réfectoire était plus grand et les repas meilleurs. Le couvre-feu était à 20 heures. Et madame Ewa, l'instructrice responsable de notre dortoir, nous racontait des histoires cauchemardesques le soir.
Nous arrivons sur le mur du collège, il est moins haut que celui du lycée et nous escaladons de nouveau. En arrivant en haut, j'aperçois les trois dortoirs, plus grands et plus modernes.
― Ils ont refait les dortoirs on dirait, commente Quartz.
― Oh, ça doit faire trois ans que c'est comme ça, répond Mikolaj.
― Trois ans ? Les petits ont l'air plus gâtés que nous avant ! remarque Camille.
Cette fois, nous sautons directement dans le jardin. Il y a des balançoires, une cabane avec toboggan.
― On n'avait pas ce genre de truc quand on est rentré ! s'écrie Gill.
― Ouais, mais les enfants d'aujourd'hui paraissent un peu plus gagas que nous. Et une fois qu'ils passeront le collège, ils vont pleurer, commente Magda.
Nous courons vers la colline. C'est le seul endroit qui n'ait pas changé. Il y a la rambarde, et le grand oranger. Je me souviens que parfois nous venions cueillir les oranges pour les manger. Elles étaient délicieuses. Malheureusement, il n'y en a pas ce soir pour que je puisse en savourer une.
Nous nous approchons de la rambarde et regardons la ville au loin. Il y a des lumières, c'est magnifique. Cette colline est le seul lien qui relie les enfants à leur ville, à leur famille. L'école primaire est la plus proche de l'agglomération.
― Et dire que tout au fond, quelque part dans cette ville, il y a l'immeuble où vivent mes parents. Enfin, ma mère. Mon père est en mission sur je ne sais quelle colonie. Et ça fait deux ans que je ne l'ai pas vu, dit Piotr.
― Ça ressemble à quoi la civilisation ? demandé-je.
Tous me regardent comme si je venais d'une autre planète. Sauf Camille.
― Elle n'est jamais sortie d'ici, réplique-t-elle.
― Sans blague, dit Gill.
Je hausse les épaules.
― Mon père est un officier sur Kepler... Il vit là-bas et donc depuis que je suis rentrée à Streitbar, je passe mes vacances ici. Je ne sais plus à quoi ressemble la ville. J'ai oublié.
― Sans déconner ! ajoute Piort.
― Et ta mère ? me demande Fiendril.
― Je ne sais pas... Mon père ne m'a jamais parlé d'elle.
― On ne savait pas... désolée, s'excuse-t-elle.
― Ce n'est pas grave. Je pense que je serais désorientée quand on me lâchera dans la ville plus tard.
― T'inquiète, dit Piotr, si tu veux d'un guide je suis là !
― Merci, dis-je en riant.
Nous regardons tous la ville. Et je crois que tout le monde, à ce moment précis, aimerait pouvoir s'y rendre. Mais c'est impossible. Il y a un champ magnétique qui encercle le mur et nous grillerait sur le coup si nous nous échappions.
― Oh mon dieu, s'écrie Camille en voyant Quartz et Fiendril s'embrasser.
― Laisse-les, miss coincée, personne ne les voit à part nous, dit Gill. Ce n'est pas interdit de tomber amoureux quand même.
― C'est interdit dans l'école.
― On est à l'école primaire, répond Piort.
― Et alors, même à l'école primaire c'est interdit !
― Parce que tu crois qu'on sait ce que ça veut dire d'aimer quelqu'un quand on est au primaire ? lui demande Daria. Même maintenant, moi je ne sais pas ce que c'est que l'amour. Quand je rentre à chaque vacance et que je vois mes parents, on dirait des inconnus.
― J'étais amoureuse au primaire, crie Camille.
― Vraiment ? Miss coincée, amoureuse ? s'étonne Gill.
― De qui ? interroge Piort.
― De l'instructeur Snow.
― Pouah, ah, l'instructeur Snow ? ricane- Gill.
― Ben ouais, je le trouvais beau... avant que Flame lui fasse sa balafre.
― Tu étais amoureuse de quelqu'un seulement parce qu'il était beau ? demande Alaska.
― Ben ouais.
Tout le monde se met à rire.
― Ça n'existe pas l'amour, on choisit un compagnon pour qui on a de l'affection, et uniquement pour procréer, ajoute Magda. Même à l'extérieur, les couples n'ont pas le droit de montrer des marques d'affection. Nous avons trois frères et sœurs. Et 6 ans de différence à chaque fois entre les aînés et le benjamin. Vous savez pourquoi ? À cause de la règle de la nuit de fécondité. Tous les six ans à partir la nuit de noce du mariage.
― Oui mais quand même... J'aimerais bien pouvoir embrasser une fille avant d'aller sur Tétra, dit Gill, histoire de voir ce que ça fait.
― Pfft, va voir ailleurs, lui dit Daria.
― T'inquiète, j'ai déjà quelqu'un en tête.
― Ah bon qui ?
― Océane ! Elle est magnifique comme une princesse ou plutôt une sirène.
― Il y a d'autres filles plus magnifiques qu'elle, dit Magda. Moi, par exemple.
― Wooh, sifflent Mikolaj et Piotr.
Camille et moi nous mettons à rire. Un instant et nous oublions nos soucis et nos angoisses. Un instant et le choix du fardeau nous paraît insipide.