Chapitre 35

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x FLAME

En sortant de l'escalator menant à l'amphithéâtre, j'ai demandé à Laine la permission d'aller voir mon père. J'ai cru qu'il allait refuser, car il traite tous les élèves de la même manière, et malgré mon rang, il aurait pu me répondre que la visite des parents était déjà dépassée. Néanmoins, il a accepté. J'ai quitté le rang, j'ai pris un élévateur et me suis dirigé vers le bureau du Président de la station spatiale. Je suis venu ici une fois, je devais avoir huit ans, je le suivais comme un toutou suivant son maître et je détestais le regard envieux des autres qui me dévisageaient. L'endroit n'a pas changé, toujours immaculé de blanc et de la lumière sur tous les côtés.

― Où allez- vous ? Les étudiants n'ont pas le droit de quitter leurs instructeurs et l'amphithéâtre est de l'autre côté ! crie une femme derrière un long bureau beige et qui se lève de son siège pour m'arrêter.

― Je suis Flame AEGNOR, je souhaiterais parler au Commandor.

Les yeux de la femme sortent de ses orbites. Est-elle choquée d'avoir entendu mon nom ?

― Je suis son fils, continué-je, je n'ai pas eu le temps de faire mes adieux à mon père. J'aimerais le faire avant qu'il ne fasse son discours.

Elle se rassoit derrière son bureau et appuie sur un bouton.

― Monsieur le Président, un garçon s'est présenté comme étant le fils du Commandor Éminent, Flame AEGNOR. Il souhaiterait le voir.

La porte s'ouvre ensuite et la femme me fait signe d'entrer.

Le bureau est certainement le seul endroit où il y a une baie vitrée et où la vue s'étend sur la Space Gate, là où tous les vaisseaux s'envolent et atterrissent.

Mon père et le Président sont dans le salon, ils se lèvent en me voyant. Je m'arrête et je croise mes mains derrière moi tel un soldat qui s'adresse à son supérieur.

― Bonjour votre éminence, dis-je.

Mon père me sourit, mais ce n'est pas le sourire d'un père content de voir son fils qu'il n'a pas vu depuis des années et qui en pleure de joie ! Non, c'est plutôt le sourire d'un homme arrogant, certainement content de se débarrasser de moi.

― Ne sois pas aussi formel avec moi, pendant ce bref moment, mon fils, dit-il.

Il tape sur mon épaule droite avec ses gants noirs comme les miens. Lui, quand il touche quelqu'un, celui-ci est transformé en roche volcanique. Si je contrôle le feu dans tous ses états, lui, il le contrôle uniquement sous forme magmatique.

― Tu as bien grandi, ajoute-t-il.

Le Président s'approche et me serre la main.

― Le portrait de son père quand il était jeune.

Je souris au Président même si je déteste entendre ça.

― Je vais vous laisser un moment et vous attends dehors, je pense que tous les étudiants sont arrivés et qu'il est bientôt l'heure, continue-t-il.

― Alors ? Es-tu prêt ? me demande le Commandor une fois que le Président est sorti.

― Ne joue pas au père qui s'inquiète... je sais que tu ne l'es pas.

― En effet, je ne le suis pas. Tu es mon fils et tu as mes gènes. Je sais que tu vas revenir bien avant le temps limite.

― Et si je ne revenais pas ?

Il lève un sourcil et sourit.

― Alors ça voudrait dire que tu es devenu un rebelle et que je te mettrai dans ma liste noire. (Il remet ses mains sur mon épaule.) Mais je sais que ça ne se produira pas... Ils ont tué ta mère ne l'oublie pas... Ce sont nos ennemis.

Je regarde ses yeux, à chaque fois qu'il me dit ça, j'ai l'impression qu'il y a une once de mensonge.

― J'ai une requête à te demander.

― Une requête ?

― Pour mon fardeau et moi, je ne veux pas que nous passions le test génétique. Tu nous implantes la puce et c'est tout.

Il s'étonne.

― Tu ne veux pas avoir le sérum d'adaptation ?

― Tu l'as dit... Je suis ton fils, je devrais pouvoir m'adapter sans l'intervention d'un sérum. J'ai fait mes recherches, on prend 48 heures au plus pour s'adapter à l'oxygène une fois là-bas... Ça dépend des gènes... Je ne pense pas que les rebelles, en fuyant Cirth, ont apporté des sérums...

Il s'esclaffe, mais je vois de la fierté cette fois, ses yeux brillent comme si j'étais digne de porter son nom.

― D'accord, mais ton fardeau... il ou elle...

― Elle a le don de s'adapter à tout... et puis si je vois qu'elle suffoque, je l'abandonnerai... C'est bien toi qui a eu cette idée, non ?

― Oui... mais quelquefois... il y a des retournements de situation et les puissants se retrouvent fardeau... À l'époque j'étais jeune et insouciant...

Insouciant... je crois qu'il l'est toujours...

― Bien, quoi qu'il en soit, je te l'accorde... j'espère que tu ne veux pas me prouver quelque chose...

― Je ne veux rien te prouver... J'espère juste qu'un jour je pourrai te vaincre.

Il sourit.

― Tu n'as pas encore vaincu Snow et tu me défies encore ? Il m'a encore parlé de ta tentative d'évasion. La sixième ?

― Il n'y en aura plus d'autres...

Mon père me regarde comme s'il essayait de pénétrer mes pensées. Je le fixe et je l'empêche de les voir. Il sourit et tape sur mes épaules.

― Je vois que tu as fait des progrès. Bien, une fois que j'aurais fini mon discours, je dirai à ton instructeur que ton fardeau et toi, vous irez directement à l'auxiliaire. Vous suivrez le général Galdor.

― Bien, au revoir.

― Au revoir ?

― Je retourne avec les autres, c'est la dernière fois que je te vois en tête à tête.

― J'allais te proposer de déjeuner avec moi.

― Je préfère déjeuner avec mes amis. Merci pour l'invitation.

― Comme tu veux mais je te reverrai avec le Président pour te faire part de ta quête. C'est à ce moment que tu pourras me faire tes adieux.

Je le fixe un moment, puis je tourne les talons et sors du bureau. Il me suit. Les adieux, en fait, je n'en ai pas besoin, ça fait 6 ans que nous ne nous sommes pas vus et il ne m'a pas manqué.

― Désolé de vous avoir fait attendre, Président, dit-il.

― Je comprends qu'un père ait besoin de passer ses derniers moments avec son fils unique, ne vous inquiétez pas.

Moi, je ne le comprends pas... si je n'étais pas allé vers lui, il ne l'aurait pas fait lui non plus ! Mon père et moi nous comportons plutôt comme si nous étions des étrangers.


Améthys saison 1 _  Le Fardeau I (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant