La Judée faisait partie de ces provinces romaines conquises mais toujours hostiles et belliqueuses. Les peuples y avaient une haute opinion d'eux et surtout de leurs fois respectives. Alors ces rustres romains qui venaient avec leurs glaives et les multiples dieux ne leur inspiraient guère que du mépris. L'ordre n'était maintenu que grâce à la bonne volonté des rois qui avaient vu leurs pouvoirs locaux assis en échange d'une vague soumission à Rome. Tant que Rome leur laissait faire ce qu'ils voulaient ici tout allait bien.
Quant au système administratif mis en place, avec le préfet de Rome et la garnison, il était volontiers conciliant. Les impôts et taxes partaient vers Rome, il n'y avait pas de révolte, les judéens pouvaient faire comme bon leur semblait.
Mais depuis quelques années la tension montait en Judée, les privilèges locaux étaient remis en question par une partie de la population, enhardie par un groupe de croyants qui prêchaient la bonne parole. Leur chef, un homme dont le foi n'avait d'égale que la haine des prêtres, gagnait jour après jour en popularité, propageant de bonnes paroles à travers toute la province. Lorsque les prêtres juifs virent combien la menace était sérieuse, ils s'employèrent à le faire arrêter pour rébellion et pratique antireligieuse.
Un groupe de soldats romains mené par un traître au prophète l'arrêta de nuit, dans une petite maison située dans un village à trois kilomètres de la ville. L'arrestation fut discrète mais la nouvelle se répandit dans Jérusalem comme une traînée de poudre, des bas-fonds aux palais, toute la ville fut au courant avant le milieu de la nuit. L'homme fut emmené dans la prison du grand temple et remis aux prêtres. Cela le temps que le pouvoir romain en place prépare son procès qui aurait lieu le lendemain dans le palais du préfet.
Alors en séjour à Jérusalem, chez l'un de ses fils, Zelyan, accompagné d'Ereyne, décida de se rendre à l'audience. Cela ne lui ressemblait pas d'approcher d'aussi près des humains. Ereyne fut donc très étonnée d'apprendre qu'il souhaitait y assister.
- Ma chère, qu'on juge un homme pour aimer ton créateur m'est d'un grand amusement, je ne veux pas rater ça.
Ainsi Zelyan, le prédateur, se retrouvait dans la même pièce que plusieurs centaines de ses proies. Tel un loup dans une bergerie.
- Ce procès est un simulacre de grande envergure.
Confortablement installés sur une large banquette recouverte d'un drap et de moelleux coussins, Ereyne et Zelyan assistaient à ce qui serait le procès du millénaire. Lui était allongé confortablement, Zelyan buvait tranquillement du vin glacé et se délectait du spectacle auquel ils assistaient. Ereyne était moins badine, elle restait assise, suivait avec appréhension l'affaire et ne cessait de secouer la tête en signe de désaccord.
- Ma monstruosité et moi sommes justes par rapport à eux. Dit il en avalant quelques grains de raisins. Les hommes sont une telle source de divertissement...
- Ils vont le tuer.
- Et ils auront raison, ça lui apprendra à être aussi arrogant.
Ereyne soupira et leva les yeux au ciel, Zelyan pouvait se montrer particulièrement agaçant lorsqu'il le voulait. Elle observa les romains et autres notables présents, pas un ne semblait vouloir prendre la défense du malheureux.
La grande salle du palais dans lequel ils se trouvaient était comble, si, de part leur statut emprunté d'aristocrates romains, Zelyan et Ereyne avaient de l'espace dans une zone privilégiée avec les nobles, sur le côté de la scène, ce n'était pas le cas de la foule. Les habitants de Jérusalem s'étaient amassés, collés les uns aux autres, dans le vain espoir d'apercevoir le prisonnier. Il se tenait au centre, à genoux devant le préfet, simplement vêtu d'un pagne de nuit. Il se tenait silencieux, le dos droit, regardant dans les yeux celui qui allait le condamner à mort. Il venait de passer une nuit blanche dans le grand temple juif, interrogé et torturé par les prêtres alors ces moments à genoux ne le dérangeaient pas vraiment. D'un côté se tenaient les prêtres juifs, hautains et vindicatifs, emplis de rancoeur. De l'autre se tenaient les nobles venus assister au spectacle. Et face au prisonnier et à la foule en colère, le malheureux préfet Pilate ne savait pas vraiment quoi dire.
- Il ne va pas l'épargner n'est-ce pas ? Il sait pourtant qu'il n'a rien à se reprocher.
- Il a énervé une flopée de prêtres, tout le monde sait à quel point les hommes sont susceptibles quand on touche à la religion, quand on touche à Dieu.
Ereyne lui demanda d'arrêter de se moquer, l'instant était mal choisi. Il lui rétorqua qu'il n'y avait pas meilleur moment, l'homme allait mourir par la faute de son père à cause d'autres hommes qui vénéraient ce même père.
- C'est délicieusement vicieux ma douce, que ne feraient les hommes pour leur tout puissant...
Elle s'abstint de répondre, le préfet s'était levé et allait se prononcer sur la culpabilité du prisonnier. L'homme, de taille moyenne, n'était pas très impressionnant. Et il n'était clairement pas à l'aise dans cette situation. Il porta son attention sur le prisonnier qui attendait, dignement, puis sur la foule derrière lui qui attendait, fébrile. Il continua vers les notables et lorsque ses yeux croisèrent ceux d'Ereyne, elle vit le trouble qui l'habitait, il cherchait de l'aide. N'importe quelle aide. La jeune femme tenta un sourire d'encouragement mais c'est à peine s'il le vit. Un toussotement accentué le ramena vers les prêtres qui attendaient, impérieux.
- Remettez le prisonnier à la justice du temple, aux yeux de Rome ce n'est qu'un homme comme les autres et il ne menace pas l'empire.
D'un geste la garde du temple prit le relais et encadra le prisonnier. Le grand prêtre s'avança, s'inclina devant le préfet puis se tourna vers la foule.
- Cet homme est coupable de rébellion, de trouble de l'ordre et d'insulte envers le tout-puissant. Nous le condamnons donc à mort par crucifixion. Emmenez-le.
La foule hurla son désaccord, Ereyne sentit une larme couler le long de sa joue et Zelyan éclata de rire.
- Ah j'ai bien cru qu'il allait s'en tirer, heureusement que le prêtre était là.
- N'as-tu donc aucun compassion Zelyan ? Demanda sa compagne en détachant son regard du malheureux que l'on emmenait pour les poser sur le prédateur.
- Pas la moindre, répondit il en se relevant, et tu ne devrais pas en éprouver pour cet homme ajouta t-il en l'entraînant dans les rues de la ville.
- Pourquoi ?
Il ne dit rien, se contenta de sourire, et il l'entraîna sur les remparts où il se promenèrent et elle lui redemanda pourquoi elle ne devait pas compatir au malheur de l'homme.
- Il se prétend fils de Dieu, c'est assez arrogant.
- Je le crois. Il dit la vérité.
- Je sais qu'il dit la vérité ma chère. Rétorqua Zelyan, tout le monde le sait, même les romains qui doutent ne veulent pas prendre le risque de tuer le fils d'un dieu. C'est pour cela que Pilate a repoussé le problème vers les prêtres juifs. C'est pour cela que vous devriez être en colère.
Elle s'étonna de la remarque, en quoi le fait qu'il soit le fils de Dieu pourrait il lui déplaire ?
Il lui répondit que c'était la preuve de l'infidélité de Dieu envers sa compagne. Elle rit, Il n'avait pas de compagne.
- Que tu crois ma douce, que tu crois. Quand bien même serait il seul, Marie était mariée.
- Elle est d'une incroyable force de caractère, tu l'as vue pendant le procès, elle était là, digne et fière, priant pour son fils. Je comprends pourquoi Dieu l'a choisie comme mère de son enfant.
Il la regarda comme si elle venait d'engloutir un foie humain entier. Elle, sa belle, sa douce, sa si intègre Ereyne, pleine de principes, pardonnait l'adultère.
- Ce monstre là haut que tu appelles Dieu peut prendre la femme d'un autre sans souci mais si moi je ramène l'une de mes descendantes dans mon lit tu en fais tout un scandale !
- Car j'étais aussi dans le lit !
Ils continuèrent à se disputer jusqu'à leur retour dans le palais où ils logeaient, Ereyne y décidait de ne plus lui adresser la parole, chose qu'il apprécia. Ils passèrent ainsi trois jours à s'éviter, ils ne se retrouvaient qu'à la tombée de la nuit, lorsqu'ils gagnaient le lit conjugal et là encore Ereyne ne lui parlait pas.
- Et après tu t'étonnes que j'aille voir ailleurs... Maugréa Zelyan alors qu'elle lui tournait le dos.
Le lendemain néanmoins ils restèrent ensemble, la ville se rassemblait pour assister à l'exécution et, malgré toute la rancoeur qu'elle avait, Ereyne ne se sentait pas d'affronter la mort de celui qui était en quelque sorte son oncle, bien qu'il fut grandement plus jeune qu'elle, seule.
- Je te pardonne, lui murmura t-il alors qu'elle passait une main sur son avant-bras. Je sais à quel point ta vision du monde se brouille lorsque l'on parle de ton créateur.
- Vas tu faire quelque chose pour lui ? Je sais que tu en as le pouvoir, même discrètement.
- Tu sais surtout que je n'en ai pas envie. Tu sais que je ne l'aime pas, lui.
- Même pour moi ?
- Cela n'entre pas dans le cadre de notre pacte ma douce.
- Je ne veux pas y aller.
- Je sais, mais je dois m'assurer d'une chose sur place, alors j'y vais.
Ce fut encore plus éprouvant que ce qu'elle avait imaginé toute la nuit précédent l'exécution, et pourtant ils n'avaient assisté qu'à la crucifixion même, et non à tout ce qui l'avait précédé. Zelyan observa toute la scène impassible mais Ereyne ne put contrôler ce flot d'émotions. Elle détournait le regard, le visage enfoui contre le torse de son compagnon, frémissant à chaque coup de maillet enfonçant un clou. Elle se serrait contre lui, refermait ses poings sur sa toge et priait pour que tout s'arrête au plus vite.
Elle fut exaucée car il mourut rapidement sur la croix, sous les lamentations. Ereyne lui jeta un regard empli de larmes alors que la foule s'éparpillait, elle supposait qu'ils allaient aussi partir mais Zelyan ne bougea pas.
- Zelyan ?
- Ce n'est pas fini.
Il était mort, qu'y avait-il à attendre de plus ? Ils restèrent là à attendre, soufflés par les vents brûlants, que le corps soit descendu. Un petit groupe de fidèles s'en chargea à la nuit tombée, le corps fut rapidement lavé et enveloppé dans un suaire puis emmené dans un tombeau juif, une grotte dont l'entrée fut scellée par un énorme bloc de pierre. Il fallut cinq hommes pour déplacer le roc puis deux hommes se placèrent de part et d'autre de la pierre, gardant le tombeau. Zelyan s'en approcha et l'un des gardes partit rapidement en direction d'un campement un peu plus loin, l'autre restant immobile. Le prédateur tira une petite dague de sous sa toge et s'entailla la paume gauche et appliqua rapidement cette dernière sur le roc alors que déjà le garde revenait accompagné. Zelyan s'en éloigna aussitôt et reprenait le bras d'Ereyne avant de marcher d'un pas tranquille vers les arrivants. A la grande surprise de la jeune femme l'un d'eux n'était autre que Seth, son frère aîné. Et parmi le reste du groupe il y avait un vieil homme qu'elle reconnaîtrait entre mille...
- Père ?
Il paraissait aussi âgé qu'à son départ, des milliers d'années plus tôt, mais las, tellement las. Elle vit une profonde déception sur son visage alors qu'il la regardait.
- Trop tard. Déclara Zelyan alors que Seth s'approchait du roc à présent doublement scellé.
Il n'offrit pas à sa compagne le loisir de retrouvailles avec son père car ils repartirent vers Jérusalem, Zelyan ayant fait ce qu'il voulait.
Il fut d'une humeur joyeuse le lendemain et le surlendemain, il alla même assister aux fêtes qui se déroulaient en ville en compagnie de son fils, Tsion, qu'il avait transformé sous sa forme sauvage presque cinq cent ans plus tôt. Ereyne n'était pas d'humeur à sortir, elle était donc restée au palais de Tsion. Elle resta seule avec sa peine et ses troubles toute la journée, ressassant la rencontre avec son père, si brève. Elle revoyait son visage fatigué, ce regard triste qu'elle avait toujours connu si dur.
Elle fut réveillée en pleine nuit par un esclave lui annonçant qu'elle avait un visiteur. Elle quitta le lit pour aller dire, non sans reproche dans le ton, que Zelyan ne rentrerait pas avant la fin des festivités mais celui qui l'attendait n'était autre que Seth.
- Tu es fou ! Tu sais que Zelyan t'a interdit de nous approcher, s'il l'apprend...
- Tu ne veux pas venir voir père ?
Elle resta sans voix, la respiration coupée, puis soupira avec un sourire et courut chercher un manteau et des sandales. Zelyan lui en voudrait mais maintenant, elle voulait voir son père.
Adam était devant la tombe de l'homme crucifié deux jours plus tôt, Ereyne fut sûre qu'il ne l'avait quittée depuis son départ avec Zelyan.
- Père. Je suis si contente de te revoir...
- Moi aussi ma fille, mon unique fille.
Il lui sourit et la prit dans ses bras, chose rare même lorsqu'ils vivaient ensemble.
- Comment te portes tu ? Tu arrives à survivre avec ce monstre ? As tu enfanté ?
- Quoi ? Non. Je, je vais bien.
- Tu n'aurais jamais dû partir.
Adam la serra encore dans ses bras et lui murmura qu'il savait qu'elle n'était plus vraiment humaine.
- Seth m'a dit que la créature t'avait transformée afin que tu sois comme lui.
- Je n'ai tué personne père, je te le jure, je ne mange pas d'humains, je ne leur fais pas de mal.
Ereyne se sentait obligée de tout justifier, elle bégayait et pleurait, priait pour que son père lui pardonne. Plus elle parlait et plus elle se rendait compte qu'il lui avait atrocement manqué, qu'elle avait besoin de lui.
- Je te crois ma fille, mais le pardon ne s'acquiert pas comme cela, aide moi et tu seras sur le chemin de la rédemption.
Elle recula et secoua la tête, disant qu'elle ne pourrait pas tuer Zelyan, même si elle le voulait. Il lui répondit qu'il ne lui demandait rien de tel et saisit son bras. Il embrassa le dos de sa main puis la retourna, paume au ciel et d'un geste rapide l'entailla. Elle hurla de douleur et de surprise mais Adam ne la lâcha pas et plaqua sa main contre le rocher avant de la laisser reculer. Seth lui tendit une pièce de tissu qu'elle put mettre autour de la plaie alors qu'elle exigeait des explications mais personne ne prit la peine de lui répondre.
Sur un signe d'Adam, Seth poussa le roc qui bougea et laissa apparaître l'entrée du tombeau.
- Retourne auprès de ton maître ma fille, les affaires divines ne te concernent pas.
Ce côté patriarcal machiste ne lui avait pas manqué en revanche, Ereyne fit connaître son avis sur la question mais Adam n'était pas le gentil père que son esprit avait modelé au cours des siècles, ne gardant que les meilleurs souvenirs. Néanmoins il l'enlaça une dernière fois, lui disant combien elle lui rappelait sa mère et combien il était fier d'elle.
- Sois forte ma fille et n'oublie pas mes enseignements, le malin ne gagnera pas.
Puis il ordonna à Seth de la raccompagner après un dernier baiser. Les deux enfants obéirent sans broncher, Adam avait toujours su se faire respecter.
En chemin Ereyne demanda des détails mais Seth n'en avait que peu.
- C'est vraiment le fils de Dieu ?
- D'après père. Son âme était emprisonnée par Zelyan et il fallait la libérer. Comme il l'a scellée avec son sang et que tu es...
- Comme lui ?
- J'ai essayé mais cela ne suffisait pas, il fallait quelqu'un avec plus de lui.
Ereyne soupira, elle réalisa que si Seth avait réussi, son père n'aurait même pas demandé à la voir. Elle lui fit part de son sentiment et le vampire ne put qu'approuver, piteux.
- Même à moi il ne dit pas tout et m'évite parfois. Il craint véritablement Zelyan.
- Tout le monde craint Zelyan, même ceux qui ne le connaissent pas et encore plus ceux qui le connaissent.
Ils furent de retour au palais et se quittèrent, non sans de touchants adieux.
La nuit d'Ereyne fut courte et le réveil pour le moins brutal : Zelyan débarqua dans la chambre en hurlant, pris d'une colère proche de la fureur. Il la sortit du lit en lui demandant de jurer que ce n'était pas elle.
- Dis moi que tu n'as pas descellé la tombe ! Tu n'aurais pas fait ça ! Tu ne m'aurais pas trahi !
Il lui serrait le bras tellement fort qu'elle en perdait les sensations.
- Son âme ne pouvait pas reposer en paix.
- C'était le but !
- Je n'avais pas prévu de le libérer, je voulais juste voir mon père, il ne m'avait pas dit...
La colère de Zelyan monta encore d'un cran en entendant qu'elle l'avait revu, il hurlait à la trahison et rien de ce qu'elle pouvait dire ne le calmait. Il l'entraîna au dehors, vers les montagnes, furieux. Ils marchèrent deux heures puis il entra dans une petite grotte dissimulée à flanc de montagne et ils descendirent dans les entrailles de la terre, Zelyan portant à moitié Ereyne.
Ils arrivèrent dans les limbes où Caron les accueillis avec un sourire avant de rapidement déchanté. Sur ordre de Zelyan il les fit traverser, et ne dit plus mot, mieux valait se faire discret. De même le chien habituellement si amical resta prudemment en retrait. Ereyne qui n'avait franchi le Styx auparavant voyait la peur de l'inconnu s'ajouter à la peur de subir la colère de son compagnon, à juste titre. Il l'emmena à travers un large couloir au bout duquel moult cris et lueurs étranges émanaient. Ce fut d'abord l'odeur qui la marqua, ce soufre qui empoignait les poumons, mêlé à une odeur de mort, de putréfaction. Puis ce fut la chaleur intense et les fumées. Ils arrivèrent en haut d'un grand escalier qui longeait la paroi d'une immense caverne dont Ereyne ne voyait même pas les limites. A leurs pieds la caverne plongeait sur une trentaine de mètres et plus d'une centaine au dessus d'eux. Tous les pires cauchemars de la jeune femme à propos de cet endroit étaient de doux rêves en comparaison de la réalité. Tout n'était que feu, magma en fusion, terre noire et roche déchiquetée. Mais le pire n'était pas le paysage, ce n'était pas non plus l'odeur mais bien les cris déchirants de milliers d'âmes torturées perpétuellement. Ereyne ne tenait pratiquement plus sur ces jambes, dépassée par cet endroit qui la dominait. Et face à eux, reliant sol et plafond, une immense tour noire se dressait, reliée à différentes parties du paysage par des passerelles de pierres noires dont celle que Zelyan lui faisait à présent emprunter.
L'intérieur du bâtiment était presque calme en comparaison de l'extérieur, ici on n'entendait que des cris de créatures non humaines, aucune âme n'avait sa place dans cette demeure. Ils montèrent les escaliers et arrivèrent dans une grande chambre inoccupée. La pièce faisait peur à voir, hormis le lit rien n'avait sa place dans une chambre. Il y avait une cage, occupée par une vampire agonisante, des outils de torture, des chaînes, une dague et même une barque. Mais la seule chose qui intéressait Ereyne en cet instant était ce qui n'était pas là, ou plutôt qui n'était pas là.
- Zelyan, où est il ?
- Qui donc ? Demanda son compagnon en ramassant des chaînes avant de l'entraîner vers le balcon adjacent.
- Le Diable !
Ereyne paniquait, ses nerfs étaient plus qu'à vif, elle supplia encore et encore Zelyan alors qu'il l'enchaînait à la rambarde en lui expliquant qu'elle aurait une belle vue sur toutes les âmes en bas et ce qu'elles subissaient.
- Tu m'as trahi !
- Je suis désolée, je t'en supplie ne me laisse pas là ! Ne me laisse pas là !
- Trop tard ! Profite bien de la vue, oh et ne transpire pas trop ma douce, ton odeur va l'attirer.
Elle hurla son nom plusieurs fois alors qu'il repartait, l'ignorant royalement. Elle continua ainsi longtemps, tirant sur ses chaînes, lui criant de la libérer. Elle finit par glisser à terre, n'ayant plus ni voix ni force, seules les larmes réussissaient encore à couler. Elle fermait les yeux lorsqu'une ombre furtive passa dans son champ de vision. Elle les rouvrit brusquement et scruta tous les recoins mais rien. Elle crut ressentir une présence et se retourna brusquement mais elle était toujours seule. Elle entendit des crissements et des bruits dont elle ne pouvait identifier l'origine. Sa respiration s'accéléra, elle jetait des regards dans tous les sens et hésitait à hurler. Un cri venant d'en bas, plus puissant que les autres, la fit sursauter et elle bascula par dessus la rambarde et se retrouva au-dessus du vide, retenue par ses chaînes.
Elle essaya de remonter mais en vain, elle n'en avait pas la force. Elle voulut crier mais aucun son ne sortit de sa gorge. Elle ferma les yeux et supplia pour qu'on l'aide ou qu'on l'achève.
Elle les gardait fermés le plus possible, forçait son esprit à compter pour oublier mais des bruits et autres cris en bas la ramenaient constamment à la réalité. Elle baissa les yeux de temps en temps mais ne vit que peine et souffrance en bas. Les âmes étaient littéralement déchirées, les plus chanceuses étaient enfermées dans de petites cages de métal accrochées aux parois de la tour. Ereyne avait devant elle des âmes d'enfants de tous âges, à qui Dieu avait osé refuser l'entrée de son royaume. Elle vit leur souffrance, elle vit leur peur, reflet de sa propre et peur et pour de nombreuses, leur désespoir et résignation.
- Que quelqu'un nous aide... Murmura t-elle entre deux sanglots.
Il n'y avait de soleil, pas d'astre pour les éclairer, ni jour, ni nuit, aucun point de repère. Ereyne n'avait plus de notion du temps. C'était il passées quelques secondes depuis sa chute ? Quelques minutes ? Elle ne pouvait le dire, noyée dans ses pensées sombres.
Elle sombra dans l'inconscience, épuisée, et n'en sortit que lorsque qu'elle sentit qu'on la remontait. Elle leva les yeux, prise d'une angoisse grandissante, ne voyant pas celui ou la chose qui la remontait. Ses pleurs redoublèrent à l'idée de voir le créateur de Zelyan mais ce n'était que son compagnon. Il la détacha et elle se jeta dans ses bras en pleurant. Elle se serra contre lui en lui répétant à quel point elle était désolée. Il l'entoura de ses bras et lui murmura à l'oreille.
- La prochaine fois que tu me trahis, je t'accroche là pour l'éternité.
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Je ne savais pas trop comment intégrer ce morceau de leur histoire qui a son importance dans le récit, le chapitre des 200k fut l'occasion. J'espère que vous l'avez apprécié.
Axel.