Betty
- Je te l'ai acheté et t'as pas le choix d'accepter, bon par contre tu l'auras qu'à mon retour donc autrement dit.. pas tout de suite à mon plus grand malheur, je dis à Lya.
Heureusement qu'il y a le téléphone pour garder contact avec ses proches loin de chez soi, j'ai trouvé cet oracle et j'ai tout de suite pensé à ma meilleure amie qui pratique tout ça. Je vois son large sourire s'afficher sur son visage ambré, elle est magnifique. Et son âme est tout aussi exceptionnelle. Mon appartement me manque tellement, ma vie sur New-York me manque tout autant. Oui la pollution, les poubelles dans les rues, les rats et compagnies, eux ne me manquent pas réellement, mais c'est ma vie, mes habitudes.
- Alors, vous avez prévu quoi aujourd'hui ? Me demande Lya tout en se faisant un masque pour le visage.
Elle se fait souvent des masques avec des ingrédients naturels, j'adore quand elle m'en fait. Ça me manque encore plus.
- Je n'en sais rien, je suis le mouvement, je ne prévois jamais rien. Si je m'écoute je resterai enfermée dans le van, avec mes livres, ma musique et mon ordinateur. Mais Gaby et Isaac ne me laissent pas tranquille, je fais la moue.
- Ça te permet de voir d'autres choses, après ce qui est arrivé tu avais besoin de changer d'air, de voir d'autres choses tu comprends ? Me dit-elle compréhensive.
- Oui je l'ai bien compris, mais j'aimerai parfois rentrer chez moi, reprendre mon quotidien.
Oui ça me manque tout ça, c'est sympa de voyager en van mais ce n'est pas le même confort et de plus j'aime vraiment la routine.
- J'ai entendu dire que Isaac voulait aller voir une rivière, rivière de la perle je sais pas quoi..
- Profite bien, je dois te laisser faut que j'enlève mon masque, love, raccroche-t-elle.
Je rejoins les gars dans le van, Isaac est en train de prendre une douche. Je m'assied sur le toit du van, mon casque sur les oreilles et j'ai besoin de lui écrire, le soleil tape sur l'écran de mon téléphone alors je tourne dos à celui-ci pour avoir une meilleure visibilité.
« Putain tu vas te dire elle me gonfle elle de m'écrire tout le temps, mais j'en ai tellement besoin. J'aimerais tellement avoir une réponse de ta part, voir ton nom s'afficher dans ma boîte de réception. Pouvoir lire tes mots. Aujourd'hui on est à Jacksonville, Isaac est vraiment gentil, même si on s'est un peu chamaillé il y a quelques jours.. Gaby est fidèle à lui-même, je lui ai demandé si tu lui manquais, il m'a dit que oui mais que tu aimerais qu'on profite de la vie à fond. J'ai encore beaucoup de mal, pour le moment je me contente de survivre, et de trouver un semblant de vie sans toi. Allez, je ne te retiens pas plus, je t'aime. »
La musique « Helena – My chemical romance » tourne toujours dans mes oreilles au moment où je lui écris, ça m'inspire. Je m'allonge sur le dos, laissant la mélodie se poursuivre, fixant le ciel qui est d'un bleu.. Aucun nuage en vue. Les larmes coulent le long de mes tempes, ce qui m'oblige à fermer mes paupières pour intérioriser tout ça. Les gars sont en bas en train de faire leurs petites routines, ça me laisse du temps pour relâcher ce que j'ai sur le cœur.
- Bet', on y va, allez, annonce Isaac en bas du van.
J'essuie mes larmes, je garde mon casque autour du cou sans musique. Je descends rejoindre les garçons, Gabriel s'étale du monoï sur les parties libres de son corps, il rêverait d'avoir une peau bronzée, il fait même souvent des UV, je l'ai prévenu pleins de fois qui pouvait avoir le cancer avec cette connerie, mais que voulez-vous il aime prendre des risques.
- Tu vas plus cramé que bronzer à l'allure où tu en mets, je rigole.
Il rigole avec moi, et balance le flacon à Isaac qui lui dit qu'il n'en met pas.
- Enfin un qui est censé !
- Ça ne me fait pas rêver de finir cramé, rigole-t-il. Ton frère est dingue.
- Je ne vais pas te contredire, parfois je me demande même si c'est mon frère, j'arrête pas d'y dire qu'il a été adopté, je souris.
- C'est toi qui a été adoptée, sale mioche.
Mon rire s'échappe de ma bouche fine, mes petites tâches de rousseurs ressortent encore plus au contact du soleil. Ça a été pendant longtemps un complexe, à présent je pense qu'on doit s'accepter telle que l'on est car on est jamais satisfait. Apparemment la fameuse rivière n'est pas très loin à pieds de notre emplacement, j'emboîte les pas des gars, tout en remettant mon casque sur les oreilles, j'ai besoin de ma bulle. Je les suis tout en me faisant balader par la musique « falling in reverse – drug in me is you », je crois l'avoir déjà dit mais c'est mon groupe préféré. Je vois les gars chahuter devant moi, ça se bouscule, ça se tape sur la tête, on dirait deux grands gamins ! Je souris en voyant ça, est-ce que je me sentirai un peu en paix ? Je crois que si, je sens de l'apaisement en moi. Je me sens bien.. Et je n'ai pas ressenti ça depuis longtemps. Mon corps n'est même plus habitué. On s'enfonce de plus en plus dans la nature, et le soleil nous abandonne ce qui rend le moment un peu plus maussade du coup. Mon humeur change assez vite avec la météo. On arrive dans un endroit spécial, des arbres de partout enfoncés dans la rivière, on dirait presque un marais. L'eau est verte à cet endroit, il y a un petit pont les gars grimpe dessus moi je préfère attendre.
- Il fait un peu peur cet endroit, je regarde autour de moi perplexe.
- Un peu glauque ouais, peut être que la nana de la boutique va nous rejoindre ici et nous lancer un sort, rigole t-il.
Je le fixe blasée, il me tend la main pour que je monte sur le pont.
- Je ne suis pas sûr qu'il soit très stable.
- On est tous les deux dessus avec ton frère, il aurait déjà cédé.
- Je t'emmerde, dis que je suis gros, dit Gaby en allant jusqu'au bout du pont.
Pourquoi je lui fais confiance à chaque fois. Je me saisis de sa main, qui est chaude, douce et son contact ne me rend pas indifférente. Drôle de sensation. Il m'invite sur le pont, ne lâche pas ma main une seule fois tandis qu'on traverse, le craquement du bois se fait entendre sous nos pieds, ce qui ne me rassure guère.
- Tu es sûr qui ne va pas casser ? Je lui dis, paniquée en serrant un peu plus sa main.
- Au pire on sait nager, il rigole.
- Si on se fait pas embourber, on dirait qu'à tout moment on s'en sort pas si on tombe dedans.
On poursuit notre excursion, quand on arrive sur la terre ferme j'ai envie de sauter au cou d'Isaac, de ne pas m'avoir menti, et d'être encore en vie. Je me contente de lui sourire, sa main n'est plus dans la mienne mais c'est comme si je pouvais encore la sentir.
- C'est ici la rivière des perles ? Demande Gabriel.
- Ouais je crois ouais, à ce qu'indique le GPS, répond Isaac en tenant son téléphone.
Il paraît que c'est un lieu touristique mais ça ne fait pas rêver, j'ai vu de meilleurs endroits. Il fait froid, je parle de la température mais aussi de l'ambiance. Les arbres par contre sont immenses, enfoncés dans l'eau comme ça, je trouve ça quand même mystique. On arrive à un endroit de la rivière un peu plus lumineux, où l'eau est translucide. Ça donne plus envie de s'y baigner déjà. Même si moi je ne vais pas prendre ce risque, comme j'en prends très peu dans ma vie. Isaac et Gabriel retirent leur vêtement, ne gardant que leurs caleçons pour ensuite se jeter dans l'eau. Gabriel gigote comme un vers tellement elle est froide, j'explose de rire.
- C'est ça de faire le malin, c'est une rivière elle va pas être chauffée pour tes beaux yeux, je rigole.
Isaac paraît décontracté, même si son visage exprime le contraire. Je décide de m'asseoir sur un rocher, les regardant se tremper. Je remet mon casque sur les oreilles, la même chanson de Ronnie en boucle, je danse de la tête et je joue à candy crush en même temps. J'entends plus rien autour de moi, c'est ce qui me fait du bien. Je sens une présence venir devant moi, je relève le regard en retirant ma musique.
- Viens te baigner, elle est bonne, m'affirme Isaac.
- Au vu du comportement de mon frère, j'en juge que tu me mens.
- T'as quoi à perdre ?
- Mes poumons, j'ai pas envie de tomber malade et de faire une pneumonie.
Il retire le casque du tour de mon cou, et pose mon téléphone à côté de moi, sa présence devient de plus en plus spéciale. Une sensation que je ne saurai expliquer, car je ne l'ai jamais ressentie auparavant. Il me relève par les mains, je le fixe intensément, comme si j'étais envoûtée, qu'est ce qui m'arrive ?
- Viens te baigner..
Ne regarde pas son torse, pourquoi j'ai une envie de regarder son torse ? Ce n'est pas mon genre, mais pas du tout. Mes yeux plongent dans les siens comme si je ne pouvais pas faire autrement, Gabriel derrière se met sous la cascade en hurlant qu'elle est froide. Mais le temps s'arrête quand Isaac plante son regard dans le mien.
- Retourne toi, je lui dis.
- Pourquoi princesse ?
- Je ne vais pas me déshabiller devant toi, ça me met mal à l'aise.
Il se retourne tout en croisant ses bras sur son torse, je retire avant tout mon débardeur, ainsi que mes converses d'un jeu de pied, déboutonnant mon jean pour le laisser tomber au sol. Je me retrouve en brassière coton, et une culotte de la même texture. Rien de sexy.
- Je suis prête, mais si je tombe malade tu as intérêt à me dorloter, je souris.
Il me fixe un instant, son regard se balade sur mon corps frêle. J'ai presque envie de remettre mes vêtements instantanément, pourquoi me regarde t-il comme ça ? Il ne réagit même presque pas, il se contente de frotter son visage et de me tourner le dos pour rejoindre la rivière. Ce moment est bizarre. Approchant du bord de la rivière, je touche l'eau du bout de mes orteils, je frissonne déjà.
- Elle est glaciale.
- Allez viens après tu sens plus qu'elle est froide, balance Gabriel en secouant ses cheveux dorés.
Je m'avance petit à petit dans la rivière, l'eau montant le long de mes jambes à mesure que je rentre dans cette dernière. Mon corps pâle frémit de partout, Isaac est devant moi, il attend que je le rejoigne. J'ai l'impression qu'il évite mon regard, il est devenu super silencieux d'un coup. J'ai fais quelque chose de mal ? J'essaye de ne pas analyser, de ne pas me préoccuper. Mais c'est dur, je suis une fille, je crois toujours que je fais quelque chose de mal, c'est dans ma nature. C'est pour ça que j'évite au maximum la vie sociale, ce qui évite des questionnements inutiles et incessants.
- On s'y fait à force, c'est vrai.
Je brise le silence, il se met sur le dos dans l'eau je le regarde faire, je frotte mes bras qui frissonne encore. Le soleil revient nous rendre visite, ce qui réchauffe mon épiderme. Isaac se redresse et m'entraîne avec lui dans l'eau pour que j'y plonge un peu plus je crie légèrement de surprise.
- Elle est froide bordel !
- Tu ne prenais pas de risque, c'est facile de tremper les jambes, il rigole.
Je l'éclabousse en rigolant comme une enfant, il décide de se saisir de mes jambes pour me balancer sur son épaule. J'ai la tête en bas et il commence à avancer au plus profond de l'eau.
- Je te préviens plus de candy crush, plus d'œufs au plat, plus rien.. je lui dis.
- Je prends le risque.
Il me balance plus loin dans l'eau, je bois la tasse, je remonte à la surface toussotant à cause de l'eau que j'ai avalée. Je balance mes cheveux en arrière, je le fixe un long moment avec un esprit de vengeance.
- Tu joues de ta force, ce n'est pas cool.
- Pourquoi j'en jouerai pas ? Sourit-il.
Il a une petite fossette sur la droite quand il sourit, ce petit détail je ne l'ai pas repéré jusqu'ici. Mes yeux se plongent dans les siens à nouveau, comme si Gabriel n'était pas là. C'est tout nouveau pour moi ces ressentis.
- Allez va te sécher, princesse !
- Non je suis bien ici, tu veux que je dégage ? Je rigole.
- Tu l'as trouve trop froide, il hausse les épaules.
D'une minute à une autre il peut être vraiment différent, j'apprends doucement à m'y faire, cependant je me fais une raison que je n'arrive pas à le cerner, et je n'en n'ai pas la force.
- Maintenant je la trouve bonne, vu que j'ai bu la tasse, je rigole.
- Et je sais pas à cause de qui, il lève les mains en guise d'innocence.
Gabriel coupe notre conversation, il vient me prendre dans ses bras en me disant qu'il est fier de moi que j'ai été dans l'eau. Je suis aussi atteinte à ce point ? Il est vrai que d'habitude je n'aurai pas pris le risque de me baigner dans une rivière. Je ne me reconnais plus parfois. Je fais un bisou sur sa joue, et il va sur le bord pour aller se sécher.
- Ta pote Lya elle vient pas nous rejoindre ? Demande Gaby.
J'ai toujours eu un doute, si il n'avait pas un crush sur elle, mon doute s'intensifie.
- Non elle doit gérer le café de sa tante, mais on la verra en revenant à New York.
- Dommage elle loupe des choses, elle aurait adoré voir tout ça.
Oui bien plus que moi, enfin ce n'est pas que je n'aime pas voir tous ces endroits différents, c'est que je suis envahie d'angoisses, et d'anxiété d'être loin de chez moi ainsi que de mes repères. Sans elle, mon premier repère.