Anthologie de la fin

De DonnySeanTea

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Hélène écrit ce qu'elle se rappelle d'une apocalypse de zombie. (fanfiction TWD) Mais

La faim
Dimanche
Bonjour, mon petit cochon
Maison
Chris
Casse-croûte
Fièvre
Elle frappe à ta porte
Si je ne suis pas morte, c'est donc que je suis vivante
Cadavre
La dent creuse
Problème de foie
La deuxième histoire
Entre-deux
Papier
Cochon pendu
Deux jambes, deux bras
Merde
Sans tête
Fil de pêche
Sésame, ouvre-moi
Linceul
Main à la pâte
Fleur de soufre
Rugbyman de porcelaine
Coquelicots
Infirmière en carton
Incendie
Bouts de ficelle
Course contre la montre
Poids mort
Le chat de Schrödinger
Tous cousins
Beth, Maggie et moi
Deux chemins
La meilleure des amis
Les joies du nucléaire
Tu n'es plus la seule
Dernier sacrement
Petite grippette
Pré tendre
Fenêtre ouverte
Perdre la tête
Loué soit-il
Deuxième mère
Fin de l'histoire
Sang et lait
Bons baisers
Amen
Attrape-rêve
Notes de l'auteur

Roue brisée

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De DonnySeanTea

D'une gifle, j'envoie la roue valsée. Elle s'encastre dans le mur. Un moment de latence puis elle tombe d'un seul coup, sans tournoyer, dans un bruit de vaisselle cassée.

- Ça suffit. C'est une partie compliquée.

Ginny ne saurait pas expliquer en quoi l'équarrissage de l'écureuil est plus compliqué que celui de la grenouille. Du moins pas à haute voix. Mettre des mots dessus, ça lui fouterait la gerbe. Ça lui ferait repenser à tout un tas de choses et de toute manière, j'ai déjà une vague idée de la réponse : les écureuils sont plus mignons. C'est plus difficile de séparer la peau de la chair.

Un peu comme avec les bébés, j'imagine.

- Qu'est-ce qu'elle va faire ? Tu crois que son père peut la faire avorter ? C'est qu'un véto.

Ginny inspire profondément par le nez. Elle s'attelle à la tâche.

Son épaule droite est agitée d'un tic.

- Si seulement je pouvais lui parler, je marmonne, me traînant par terre jusqu'à la roue.

L'autre fauteuil a été réduit en miettes lors de l'assaut. Ils ont voulu jeter les pièces mais je ne désespère pas ; avec du scotch, ça pourrait tenir. J'ai les poils des bras roussis pour avoir jouer avec le soudeur. Alors, je garde les pièces détachées proches de mon cœur.

- Tu penses pas qu'ils vont la forcer ?

- Personne ne va forcer personne.

- Elle peut pas le garder.

Ginny ouvre la bouche mais rien n'en sort. Elle sent qu'elle est submergée.

Pas son rôle, ni sa destinée ; elle n'est pas payée.

Le canif déchiquette. Un tendon claque mais elle ne peut pas m'ignorer.

Elle sent mon regard entre ses omoplates.

- Qu'est-ce qu'il y a, à la fin ? je lui dis. T'es toute molle aujourd'hui.

- Fatiguée. Beaucoup de travail.

Je lorgne sur les douze écureuils.

- Comme tu veux.

Je reviens à ma place. Quelques coussins me servent de siège. Il y en a un brodé avec du fil doré. Je ne suis toujours pas capable de marcher mais je peux traîner mes jambes sur quelques mètres. C'est déjà ça de gagner. S'il le fallait encore, je pourrais ramper à travers les conduits d'aération.

Son père a dit que c'était une bonne chose avant de refermer la grille. J'ai vu son ombre disparaître sur le béton, s'immobiliser un instant. J'ai entendu sa voix rassurer celle de Maggie. La petite blonde ne restera plus dans le périmètre de la folle aux lettres. La sœur m'a renvoyée la grue déchirée, piétinée. Elle me déteste. « C'est mon amie aussi ! » j'ai crié. « C'est ma sœur ! » a t-elle répondu, écumant de rage. « Je n'ai rien fait ! » J'ai hurlé, le nez entre les barreaux.

Tyreese est reparti. « Il faut éviter la famine. Les porcs donnaient le lait pour le petite. » Ils étaient destinés aux jours maigres, comme aujourd'hui. Il a longuement parlé à Ginny. Elle a secoué la tête. Pas son problème. Dans la nuit, il a passé ses mains sur mes joues. J'ai lu dans ses yeux.

- Donne moi quelque chose pour me défendre, j'ai chuchoté.

- On en arrivera pas là.

J'accuse le coup.

- Tu es inquiet.

- Rick se porte garant, nuance t-il. Tu fais des progrès.

- Je fais ma part. C'est pas ma faute.

- Je sais.

Mes mains accrochent ses poignets.

- Tyreese, j'ai besoin d'un couteau.

- Je la connais. Il presse ses doigts sur mes cernes. Elle veut juste protéger sa sœur. Le pire que tu puisses faire, ça serait de te montrer menaçante. Fais profil bas. Je serais de retour dans dix jours.

J'envoie la roue valser de nouveau. Ginny me jette des coups d'œil.

Elle sait ce qui nous attend toutes les deux.

- Je vous dérange ?

Maggie apparaît dans la noirceur du sous-sol. Les deux folles s'entre-regardent.

- Je peux te l'emprunter ? elle demande en me montrant du doigt. Mon père veut la voir.

Ses yeux ne trompent pas. Je passe une main sur ma gorge.

- J'ai besoin d'elle en cuisine, rétorque Ginny.

- Daryl n'a pas fait mouche aujourd'hui. Ça ne prendra pas longtemps.

La grosse dame hésite. La lumière tranche la scène en deux, me découpant les jambes. Elle agit comme un miroir. Ginny, grosse, grande, musclée, se place derrière le billot. Elle fait glisser le manche du couteau sur le bois rayé. Dans sa main calleuse, il s'emboîte. À sa droite, perdue dans la pénombre, j'ai l'air d'une poupée hantée ; la bouche ouverte en « o ».

- Ton père viendra la chercher lui-même, assène t-elle.

Le couperet s'abat sur l'écureuil. Les minuscules organes, comme de petits haricots brillants et doux, éclatent sous l'impact.

- Écoutez, on est pas obligé d'en faire un drame, raisonne Maggie. Je veux juste lui parler. Seule à seule.

Ginny s'apprête à rétorquer mais elle ajoute :

- C'est à propos de Beth.

- Bien sûr que c'est à propos de Beth ! je m'écrie.

Comme si c'était une invitation, Maggie se glisse plus profondément dans la pièce. Elle contourne le billot et vient se placer tout près de la roue que j'ai relancé. Lentement, elle se penche. Ses ongles, qu'elle garde longs comme des griffes, font tinter les rayons.

- Très bien, accorde t-elle. Nous ferons ça ici. Je sais quand ma sœur me ment, débute t-elle.

Elle fait une pause. Toujours sans un regard, elle se lève, la roue dans la main. Du coin de l'œil, je vois Ginny se raidir mais ses mains sont désespérément vides. Tremblantes, elles ont abandonné le réconfort des couteaux pour saisir de chaque côté le plateau du billot.

Maggie entre dans mon champ de vision. Majestueuse, elle fait tomber la roue à mes pieds. Elle est déjà brisée mais le fracas du métal contre le béton, le léger bruit de pneu qui se dégonfle, le cri du frein m'interpellent encore plus que son regard, encore plus que sa voix. Comme si, au fond, Maggie n'était déjà plus qu'un grand et long sanglot.

- Elle ne me ment pas, elle admet. Tu lui as certainement sauvé la vie...

- Ouais, je dis.

Elle hésite, lance un coup d'œil à Ginny mais finalement, elle s'agenouille à ma hauteur. Ses deux yeux bleus projettent sur moi un océan asséché. Où sont parties toutes tes larmes, Maggie ?

- Et le bébé ?

- Il n'y a pas de bébé. Il n'y a jamais eu de bébé, elle explique. Elle est en sous nutrition. C'est pour ça qu'elle n'avait pas de règle.

J'avale l'air à grande goulée. Pas de bébé. Pas de monstre dévoreur d'entrailles.

Pas de cercueil à sa taille.

- C'est formidable !! je crie et mes genoux ont un soubresaut, signe que je me serrais levée si j'avais pu. C'est... C'est vraiment bien.

Ginny laisse échapper un petit rire. Ses épaules se relâchent. Pendant un instant, elle n'a plus ressenti ni l'horreur ni la terreur ; simplement de la reconnaissance pour cette maigre chance. Aucun sang versé. La fille est sauve.

Depuis qu'elle est ici, Ginny rêvasse. Elle ose espérer plus que de vivre le jour d'après. Hier, elle a rêvé du bébé. Elle m'a entendu crier ; le bruit se répercutant à l'infini contre les barreaux. Ginny y a pensé toute la nuit. Elle a imaginé une mort paisible pour les deux. Maintenant, elle sent son cœur palpiter d'espoir. Est-ce que, peut-être, quelqu'un, là-haut, l'aurait-il enfin entendu ? Les miroirs qui lui servent d'yeux réfléchissent la chair, le sang et le bois du billot sous ses doigts. C'est son propre kaléidoscope.

Elle reprend sa tâche mais la lame se suspend encore un moment.

- Je ne comprends pas, marmonne t-elle en éminçant le second écureuil. On mange bien ici.

Bien, comme après la fin du monde : deux repas par jour, dont un constitué d'une soupe ou d'un bouillon. Je n'ai jamais vu une si grande quantité de nourriture, si bien rationnée, depuis que j'ai quitté Chicago.

- Elle n'a plus le goût de rien, raconte Maggie, se rappelant soudain de la présence dans son dos. Elle... Enfin, c'est Beth. Elle a toujours eu du mal à manger. On ne la force pas mais on ne sait jamais de quoi demain sera fait... Il faut qu'elle mange.

Distraitement, elle se gratte le bras. Ses ongles rayent la peau de bas en haut.

- Je lui dirais, je promets.

- Elle ne mangera rien. Elle refuse de manger les cochons et pourtant, elle aimait ça le porc, mais elle s'est encore trop attachée. Et puis, elle vomit les topinambours. On a que ça ces temps-ci.

Elle laisse s'étirer le silence et enfin, ses yeux s'attachent aux miens.

Elle plonge en moi et quand elle en revient, elle est secouée. Dégoutée.

- Qu'est-ce que tu veux, Maggie ?

- Tu viens de l'extérieur. Tu étais avec ton ami. Vous devez connaître des endroits. Peut-être que tu as une planque où...

- Si j'avais une planque, j'aurais envoyé Tyreese cherché mon ami. Il se serait réfugié là-bas.

Elle a du mal à retenir mon imagination. Déjà, j'imagine le petit bunker que nous aurions pu trouver. J'aurais commencé à amasser des objets, des biens matériels, et il m'aurait regardé faire, se riant des souvenirs d'une autre vie. J'aurais aligné ma collection de cailloux sur le manteau d'une cheminée. J'aurais rangé mon journal dans la bibliothèque. Le boîtier à dents aurait camouflé un trou de souris. On aurait eu de grosses chaussettes, de la soupe chaude et du dentifrice.

- Il faut qu'elle mange quelque chose, renchérit Maggie.

- Tu le diras aux autres quand ils reviendront. Ils lui ramèneront quelque chose de précis, c'est sûr.

- Je veux faire quelque chose maintenant.

Ce n'est pas le caprice d'un enfant mais la résolution d'une femme. Je hausse les épaules et m'adosse au mur, fixant la roue brisée entre nous. Beth finira par manger. Ils finissent toujours par manger. C'est juste une question de temps, et de désespoir. Elle a l'impression d'être dans un entre-deux : pas tout à fait sauvée, pas tout à fait en danger. Quand elle penchera vers l'un des deux côtés, son estomac expulsera toute la peur du monde et elle n'aura plus rien à faire d'autre que de manger. Il faudra noyer cet espace vide.

Maggie déplie une carte sous mes yeux. Elle est constellée de croix rouges.

- Regarde.

Je lève les yeux au ciel. C'est qu'elle me supplierait presque.

Je devine où elle veut en venir.

- On n'utilisait pas de cartes. Je ne sais pas où c'est.

- Mais tu as bien un endroit ?

Ce n'est pas une position fixe, plutôt une sorte de courant qui me traverse en continue, quelque chose qui me raccroche à l'étendue derrière les murs. C'est un mélange d'odeurs et de couleurs. Un sixième sens, en quelque sorte. Je sais qu'en effleurant les branches, je saurais trouver bien plus que trois ou quatre écureuils. C'est comme si la Nature avait choisi de me gâter moi seule.

- Tu pourrais m'accompagner, conclut Maggie. Je veillerais sur toi.

Je ne peux pas m'en empêcher ; mon ricanement l'effarouche.

- Ginny pourrait venir, nuance t-elle.

- Non.

Maggie s'apprête à renchérir mais se reprend au dernier moment. J'attire à moi la roue brisée et la retourne entre mes doigts. Elle a encore l'odeur de la boue et du gravier. Elle dépeint toute l'immensité d'un ailleurs qui me fait rêver.

Depuis notre retour, je sais qu'ils ferment les portes à double tours. Ils ont renforcé les patrouilles. L'extérieur ne s'éprouve plus qu'au travers des barreaux.

- Elle en a besoin, susurre Maggie. Je ne nous ferais pas prendre des risques sans raison.

L'orage est passé. Les beaux jours sont de retour.

Ce n'est que l'histoire d'une heure ou deux.

Je resterais en voiture. Je me contenterais de sentir sans rien voir ni toucher.

La fille aura ce qu'elle voudra.

Et peut-être qu'entre deux fourrées, je le retrouverais.

- Ça sera donc nous deux.

Soudain, Ginny apparaît entre nous. Elle me tend le manche d'un couteau.

- Ne l'abîme pas, me rabroue t-elle.

Ne t'abîme pas cette fois-ci encore

A chercher ce qui a depuis longtemps disparu au dehors

Là où t'es déjà perdue

Ma main se referme sur le manche en bois. J'hésite.

- Garde-le, je maintiens.

Je ne sais pas si je retrouverais cette fois-là mon chemin.

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