Chapitre quarante-trois : Rendre les comptes

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- "Ça faisait longtemps, Crystal... lâcha sombrement Aloys. Pas que je sois particulièrement ravi de te revoir. Immobilisez les."

Ils n'eurent pas le temps de comprendre de quoi le mage rouge parlait. Niels réussit juste à tourner la tête suffisamment vite pour voir plusieurs soldats munis d'énormes arbalètes tirer dans leur direction. Mais contrairement à ce qu'il s'attendait, ce n'était pas des carreaux qui filèrent vers eux à toute vitesse.

Les mercenaires furent fauchés par plusieurs chaînes lestées. Le brun voulut déployer sa magie mais pas le moindre filament d'ombre ne s'échappa de son corps et il réalisa paniqué que le métal qui l'entourait était traité anti-magie.

Il se fit attraper à bras le corps par deux soldats qui le mirent à genoux de force. Un rapide regard autour de lui ne fit que confirmer que ses coéquipiers étaient dans le même cas. Seule exception, Dulagar qui, au lieu de deux gardes, en avait quatre sur le dos rien que pour le maintenir au sol.

Furieux, Niels essaya de se défaire de la prise de ses adversaires. Mais l'un d'eux lui agrippa les cheveux et lui tira violemment la tête vers l'arrière, l'obligeant à regarder dans la direction d'Aloys.

Ses yeux noirs croisèrent ceux d'émeraude du mage rouge et ils s'écarquillèrent en remarquant enfin les énormes cicatrices qui ornaient la moitié gauche de son visage. Il reconnaissait cette blessure. Elle avait été infligée dix ans auparavant, dans la prison du palais royal quand folle de rage, Elh lui avait labouré la figure à l'aide d'un éclat de métal. Maintenant qu'il voyait les conséquences de l'attaque, il comprenait enfin avec quoi l'amplificatrice l'avait agressé. Ce n'était pas n'importe quel morceau de métal, il s'agissait d'un élément de la cellule qui était traité anti-magie, exactement comme la chaîne qui l'immobilisait mais aussi comme la dague qui avait failli lui coûter la vie. A l'époque, il n'avait pu s'en sortir que grâce à l'intervention de la jeune femme qui lui avait rendu sa magie. Mais pour quelqu'un qui vivait dans une société où les mages blancs n'existaient pas, c'était déjà un miracle qu'il tienne debout. Est-ce qu'il avait seulement encore accès à sa magie ?

- "Nous voler notre propre idée pour servir de diversion, je dois avouer que c'était très bien pensé ! ricana Allister en faisant les quatre cents pas. Il faudra absolument que vous m'expliquiez comment vous avez fait pour vous déplacer aussi rapidement !

- C'est beau d'avoir des rêves... grogna Lexane qui essayait de mordre les soldats qui la maîtrisaient.

- Oh, économisez votre salive, jeune fille, susurra le mage rouge. Vous en aurez besoin plus tard."

La mage jaune eu un mouvement de recul un peu trop vif au goût du garde qui la maintenait et il la plaqua brusquement contre le sol, lui tirant un cris de douleur.

Le mage noir commençait à voir rouge, il détestait voir son amie se faire brutaliser à ce point. Mais il était déjà en mauvaise posture, s'il se débattait trop, les gardes ne relâcheraient jamais la pression. Il fallait mieux qu'il se tienne tranquille quelques minutes pour attendre le moment où il aurait une chance de s'en sortir.

Les chaînes qui lui maintenaient les bras le long du corps étaient épaisses mais elles n'étaient pas réellement nouées. Si il réussissait à faire lâcher prise à des adversaires, il aurait alors une chance de s'en défaire.

- "Je savais les Ad Aviors capable de bien des bassesses mais je n'aurais jamais imaginé que vous seriez capable d'aller jusqu'à prendre une fillette en otage, intervint Elh d'un ton remplis de mépris.

- Tu n'es pas en état de faire la maligne, Crystal, répliqua Aloys d'un ton acide. Tu nous a déjà causé trop de problèmes, il fallait bien prendre des précautions pour pas que cela ne se reproduise...

- Oh, tu veux parler de votre tentative ratée de réclamer Yaru ? ricana la jeune femme. J'ai suivi cette affaire depuis les glaciers... Comment est-ce que vous prenez le fait de ne plus avoir le droit de mettre un pied sur le territoire Trévilien ? Je me demandais, Allister... Qu'est-ce qui a fait le plus mal ? Avoir tous ses plans réduits à néant à cause d'une gamine de seize ans où le fait de voir son fils héritier perdre sa magie ?"

Il y eu un blanc dans la salle pendant que tout le monde dévisageait l'amplificatrice, absolument incrédule. Même Niels qui se doutait bien qu'elle faisait tout ça dans le but de pousser le seigneur à la faute, devait bien admettre qu'il n'aurait pas eu le courage d'aller aussi loin dans l'effronterie. Légèrement paniqué, il essaya de lui faire signe de ne pas trop pousser non plus mais Elh ne regardait pas dans sa direction. Son regard opaline figé dans celui du père d'Aloys.

Allister affronta son regard sans sourciller. Il posa une main qui se voulait bienveillante sur l'épaule de son fils mais Niels put très nettement voir Aloys tressaillir. Le mage rouge n'était clairement pas le père de l'année à en juger par la réaction instinctive de son fils.

Le Seigneur finit par lâcher le jeune adulte pour s'approcher doucement de la mage blanche, tel un chat qui s'approchait d'une souris, tout en sachant pertinemment que cette dernière ne pourrait pas s'échapper.

- "Effectivement, le fait de voir mon unique fils, mon héritier, la chair de ma chair... devenir de moins en moins puissant jusqu'à ne plus être capable de magie... C'est destructeur pour un père..." glissa-t-il avant de faire une pause pour se baisser légèrement.

Ses yeux étaient toujours ancrés dans ceux d'Elh et il eut un dernier rictus avant de finir sa phrase.

- "Mais vous savez qui n'a pas perdu sa magie ? lui demanda-t-il en attrapant les cheveux de l'amplificatrice. Moi.

Niels hurla en voyant la tête de sa bien-aimée s'écraser contre le sol avec un bruit sourd. Le cris de la mage blanche résonna dans la pièce et lorsque Alliser la força à relever la tête, le brun pu très clairement voir la traînée de sang qui était en train de s'écouler sur son visage. L'un de ses yeux était à moitié fermé et il pouvait déjà voir un hématome se former sur sa pommette.

Oubliant tout ce qu'il avait pu penser avant, il allait se déchaîner pour essayer de se défaire de ses chaînes pour aller porter secours à sa compagne quand une voix qu'il ne pensait plus entendre résonna dans son dos.

- "Et tu sais qui n'as pas besoin de magie, vieil homme ?"

Interloquées, toutes les personnes présentes se retournèrent vers la provenance de la voix. A quelques pas en retrait, encore à l'extérieur de la pièce, Fi était debout, le bras tendu et au bout de celui-ci, une arme que le brun n'était pas sûr d'avoir déjà vue. L'objet, entièrement en métal, pointait son canon directement sur le front du Seigneur Ad Avior.

- "Moi," ricana le mage violet en appuyant sur la gâchette.

Noir de Jais (Monochrome)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant