Chapitre 22 : En cavale

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« Un sentiment programmé a-t-il moins de valeur qu'un sentiment naturel ? Si une machine était capable de ressentir des émotions, lui accorderait-on moins d'importance car créé par nos soins ? De même, un souvenir inventé est-il moins important pour son possesseur qu'un souvenir réel ? »

Matérialisée devant John, Charlotte était ostensiblement en colère. Pourtant, les traits de l'enfant affichaient également une infinie tristesse. Elle fuyait le regard de son ami qui restait muet, perdu dans ses réflexions. Dans un coin de la pièce, Trish pansait ses blessures, elle aussi silencieuse. A ses pieds, le Welsh Corgi était couché et dormait paisiblement.

- « Charlotte, je n'avais pas le choix... » –finit par lâcher John pour rompre le silence entre eux–

- « Tu l'as abandonné ! » –hurla-t-elle, folle de rage–

- « Si j'étais resté, je n'aurais pas pu extraire sa pile, je n'ai pas les connaissances pour le faire. Et si j'avais dû transporter son corps, nous aurions été repérés. Je suis désolé Charlotte, mais c'était l'option la moins risquée pour nous. »

Elle le fixa, les yeux amplis de larmes et de fureur.

- « Mais tu devais le sauver ! Tu devais y arriver ! C'est comme ça que ça se passe dans les histoires. Quand les gentils font quelque chose d'héroïque, ils gagnent ! »

John sentit une indicible douleur monter en lui. Il devait expliquer à l'enfant que la vie n'était pas ainsi faite et qu'il ne suffisait pas d'être rempli de bonnes intentions pour triompher. C'est comme s'il devait briser tous les mythes de l'enfance en un instant. Il prit une seconde pour trouver les bons mots et tenta de lui faire comprendre avec douceur.

- « Je sais, ce n'est pas juste. Mais il y a plein de choses injustes dans le monde. Pour nous, nous sommes les gentils, mais pour les méchants, ce sont nous les méchants. Ecoute gamine, on a essayé de le sauver. On a vraiment essayé... Mais des fois, ça ne suffit pas. Des fois on échoue, on tombe, on se blesse. Mais l'important c'est de se relever et d'essayer encore. L'important c'est de rester en vie pour essayer une nouvelle fois. Tu te souviens de ce que je t'ai dit ? »

La gosse baissa la tête et serra les poings, toujours agitée par la colère et la tristesse.

- « Notre survie passe avant tout ! »

- « C'est ça... Notre survie passe avant tout ! Si je me fais tuer, nous disparaissons tous les deux de manière définitive. En faisant ce choix, je me suis assuré que nous pourrons nous relever et essayer encore. –il marqua une pause– Je suis vraiment désolé que tu sois confronté à tout ça. A ton âge tu ne devrais pas voir la mort, la violence et toutes ces sales choses. Mais la vie est comme ça ; des fois juste et des fois non. Et puis tu sais, Agus n'est pas vraiment mort. Il est toujours dans sa pile. Un jour peut-être, nous le retrouverons. »

Il n'y avait pas plus frustrant pour les deux amis que de ne pouvoir s'étreindre. John aurait souhaité consoler la fillette et Charlotte aurait eu grand besoin d'un peu de réconfort de celui qu'elle percevait comme un modèle, une figure rassurante. Ils se contentèrent de se fixer dans les yeux et l'enfant sécha ses larmes.

C'est Trish qui brisa réellement le silence de la pièce.

- Je vais repartir sur Luna pour rejoindre Florence et Andersen dès que possible et je ferai réenvelopper Wiskey.

- Oui, c'est mieux comme ça. Merci de m'avoir aidé. Je suis désolé pour ton ami.

L'Octomorphe ne répondit pas immédiatement.

CAEE : Le Cycle de John 5 (Tome 1)Where stories live. Discover now